J’ai fait un rêve…
J’avais 16 ans. Alors que j’aspirais à grand bruit un « frappucino » au chocolat (glace chantilly avec glaçons), un journaliste venait m’interviewer (1).
Il me demandait quel métier j’avais envie de faire plus tard… Sur le coup, je n’ai pas trop su quoi répondre. J’avais pas envie d’être médecin, informaticien ou mécano, et encore moins prof, même s’il y a beaucoup de vacances… Non, moi, ce que je voulais, c’était d’être payé à rien faire !
Notaire par exemple, ça me plairait bien !
Tu veux faire du droit alors ?
Cela m’a fait réfléchir : le droit, c’est long, pénible, sans intérêt. Mais je me suis dit qu’une fois installé, le job me rapporterait beaucoup d’argent en me coûtant un minimum de travail…
Un bruit de sirène m’a alors vaguement réveillé. Je me suis aussitôt rendormi…
Mes études étaient terminées. J’avais affronté, sans faillir, le difficile parcours de l’installation. Le garde des Sceaux venait de me nommer.
Fort d’une protection due à mon monopole, d’un « passage obligé », d’un tarif protecteur et de la bienveillance de mes clients, ma « petite entreprise » ne connaissait pas la crise.
Mes collaborateurs rédigeaient et formalisaient mes actes. Ils recevaient tous mes clients. Ma comptable veillait au recouvrement de mes honoraires, validait que le tarif était bien appliqué et ne tolérait aucun compte débiteur. Elle plaçait ma trésorerie débordante et tenait les comptes de mon étude comme s’il s’était agi des siens.
Une fois par semaine, je passais à l’étude pour signer les actes. J’étais « surbooké ». Ma photo apparaissait dans tous les journaux. J’écumais toutes les manifestations, y compris celles situées sur le secteur de mes confrères. J’étais partout. Je devais toutefois surveiller ma ligne car je grouillais de cocktail en réception et je me gavais de petits-fours.
Pour me remettre de ce surmenage, je prenais en moyenne 15 semaines de vacances par an. Je gagnais tellement de sous que je n’avais pas le temps de tout dépenser.
Et je me suis réveillé…
1. cf. article de Marie-Joelle Gros, « Trop de trucs qui nous intéresse pas vraiment », paru dans Libération du 18 février.