Dans le dernier Notariat 2000 (1), un jeune notaire assistant nous fait part de ses désillusions. Il nous dit que la barrière du stage s’entrouvre plus facilement lorsqu’on est issu du « sérail ». De même, le stagiaire est souvent « utilisé » pour des tâches subalternes et, une fois diplômé, il est généralement peu valorisé. D’où le risque de désertion. Voici quelques pistes de réflexions pour répondre aux préoccupations de ce jeune, quitte à ce qu’elles ne collent pas exactement à ses espoirs…

 

L’accès au stage initial et initiatique, toujours difficile, est rendu galérien en période de crise actuelle. Cela dit, si certains notaires « sélectionnent » leurs stagiaires (filiation, « piston »), la majorité ne le fait pas. Le plus souvent, l’examen attentif du cursus de formation est pris en compte attentivement. L’insertion et l’occupation du stagiaire tiennent aux aléas de toute période initiatique avec ses « codes et usages ». Éliminons d’abord les clichés de la photocopieuse ou des archives qu’il faut évidemment condamner s’ils sont exclusifs et constants. Il n’est ni insultant, ni dévalorisant pour un stagiaire d’être occupé, au début et pendant quelques jours, à des travaux de pure exécution. Cela permet au jeune de prendre contact avec la plupart des membres du personnel, de se faire connaître, d’échanger et de se situer « dans » l’étude, sans se prendre ni pour une victime, ni pour le « grand sachant incompris ». De plus, le travail bien fait doit d’abord être reconnu par son exécutant, pour qu’il le soit par les autres. Bien sûr, cantonner un stagiaire à ces tâches doit rester bref et sporadique. Le contraire serait contre-productif pour l’étude et son patron ! Pour clore ce chapitre, c’est toujours à celui qui arrive, de faire le plus gros effort d’adaptation à son environnement matériel et humain. Réalité incontournable qu’un jeune ne doit pas ignorer, ni sous-évaluer.

 

Besoin de reconnaissance

Dans la 3e partie de son courrier, notre lecteur pose une question de fond : notaire assistant, c’est-à-dire diplômé, notre jeune souffre, comme beaucoup de ses condisciples, d’un défaut de reconnaissance et de salaire. Son patron le qualifie de « clerc ». Il est fort probable que ce mot, en usage séculaire remontant au Moyen-Âge, n’a pas encore remplacé celui d’assistant, plus moderne. Cela n’implique pas nécessairement la sous-évaluation de la fonction, ni dans l’esprit du notaire, ni dans celui du client. L’un et l’autre sont souvent accoutumés à cet ancien vocabulaire qui n’a pas démérité ! Sans doute faut-il « laisser du temps au temps », dans notre profession plus que chez d’autres ! Il existe bien d’autres manières et attitudes pour valoriser son « assistant » notaire diplômé. Certains le font naturellement. C’est dans l’intérêt des deux. D’autres ne le font pas ou mal, par méconnaissance ou désintérêt. Il leur faudrait des cours de management. Cela devrait être obligatoire dans notre cursus pour y apprendre, entre autres, que la valorisation d’un subordonné vis-à-vis d’un client est toujours gratifiante, tant pour le jeune que pour le notaire ! En ce qui concerne le salaire (2 000 euros environ net après 7 ans d’études), nous connaissons tous des jeunes gens cousus de diplômes avec des salaires moindres (par exemple, les médecins diplômés, en internat, aux urgences). Quant aux avocats, nous savons qu’un quart d’entre eux ne dispose que d’une rémunération voisine du SMIC… Ce qui n’induit pas que c’est suffisant, ni pour les uns, ni pour les autres. Il faut seulement raison garder et ne pas « jeter le manche après la cognée » pour écouter le chant des sirènes, toujours plus mélodieux de loin que de près !

 

Devenir « un bon notaire »

Notre jeune lecteur, dans son courrier, est à la croisée des chemins. Doit-il persévérer ou, comme il l’écrit, « déserter » ? Ce qui sous-entend son désir de rester. Il veut donc devenir notaire et, sans doute, un « bon notaire ». Qu’est-ce à dire ? La qualification juridique est présupposée. Elle est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Le service à rendre et à offrir dans toute sa gamme humaine est bien consubstantiel du notaire, puissamment aidé par l’authenticité qui est un moyen essentiel à disposition de notre profession. Le notaire qui a le sens du service chevillé au corps aura, en toutes circonstances, de grandes chances d’avoir assez de clients pour assurer son bien-être et celui de ses collaborateurs. De plus, il sera souvent bien compris de chacun, ce qui lui assurera sécurité et tranquillité d’esprit et de cœur. Telle est la grâce que je souhaite à notre jeune lecteur. Et si la route lui semble dure et longue, qu’il pense à la qualité du service qu’il va dispenser à ses clients, et alors qu’il n’ait garde d’oublier « ses notaires stagiaires » et « notaires assistants » ! L’argent est un bon serviteur, mais c’est aussi le plus mauvais des maîtres, surtout sous nos panonceaux. La course au résultat, aujourd’hui si prisée, doit donc céder le pas au service toujours prioritaire.

 

1. Cf. Notariat 2000 n°509 p.26-27, « Le blues du futur notaire ».