Les époques changent. La réelle confraternité existe encore, mais le manque de confraternité se développe à grande vitesse. Au point que chez certains de nos confrères, la culture libérale a pris le pas sur la notion de service public. Alors que faire ?
Moi (idéaliste) : Si la réelle confraternité, basée sur la confiance, l’estime, la solidarité, voire l’amitié, existe encore, il nous faut bien admettre que le manque de confraternité, justifié par la concurrence et basé sur l’individualisme, l’ambition et l’appât du gain, se développe à grande vitesse. Cela remet en cause la confiance que l’on pouvait avoir dans le notariat, notre statut particulier paraissant de moins en moins nécessaire parce que non compris des utilisateurs et non mérité par ceux qui en sont investis.
MOI (pragmatique) : En somme, tu perçois chez certains de tes confrères une culture libérale plus que de service public. Une aspiration utopique vers la liberté ?
Moi : Effectivement, cette partie, minoritaire pour l’instant, se cache derrière l’habit de l’officier public sans en respecter l’esprit et les obligations.
MOI : Mais ça a toujours existé !
Moi : Certes, mais à présent ça ne va plus. Une grande partie des représentants de l’Etat ne sait plus faire la différence entre un notaire, un avocat et un conseil juridique et ne perçoit plus l’intérêt de cette fonction pour l’Etat et nos concitoyens. Les élus du notariat, conscients de cette incroyable situation, jouent la comédie sur l’air de « Tout va très bien madame la marquise… » en évitant de faire des vagues. On ne demande rien à l’Etat. On n’exige pas vraiment des confrères. On gaspille sans compter la manne des subventions pour des formations sans résultats. On vit au-dessus de nos moyens et on laisse coexister un notariat à deux vitesses, les revenus des premiers étant quasiment inavouables.
MOI : Cela n’est pas nouveau.
Moi : Les époques changent. Les « citoyens consommateurs » recherchent la compétence et le service, mais aussi la probité, l’honnêteté, le respect d’une éthique, et cela plus qu’avant ! Gare à ceux qui ne percevront pas à temps ce changement de mentalités, qui se fera peut-être avec l’arrivée en force des femmes dans la vie publique ?…
MOI : Que proposes-tu ?
Moi : De la transparence et du courage de la part de nos dirigeants. L’écœurement grandit face à ce consensus mou et cette façon de diriger. En cherchant à plaire au plus grand nombre et en évitant les heurts, nous favorisons les mauvais qui comptent sur la solidarité passive et misent sur notre peur du scandale. Nous pourrions par exemple mettre en place des mesures simples et pratiques qui modifieraient, au plan national, le partage des émoluments en imposant la tenue de la plume par le notaire du vendeur et une répartition plus favorable pour le rédacteur à hauteur de 80 % (le notaire participant ne percevant que 20 %, qu’il se déplace ou non).
MOI : Quel intérêt ? N’as-tu pas l’impression de revenir en arrière ?
Moi : Oui et non. En fait, cette répartition valorise la fonction du notaire (officier public), favorise et responsabilise le notaire du vendeur, donc le notaire proche du bien. Elle réduira le zèle des confrères affairistes et opportunistes qui verront beaucoup moins d’intérêt à leur intervention. Comme pour le règlement des successions dans lesquelles la participation est rare, il y aura moins de conflits confraternels et un gain de temps pour tous. Finalement l’acquéreur sera représenté pour un dossier difficile ou lorsqu’il aura un statut tel qu’il est habituellement représenté par un notaire. Et dans ce cas, il n’hésitera pas à payer un honoraire article 4. De plus, cette façon de procéder développera l’habitude, chez les notaires, de facturer le temps passé et, chez le client, le réflexe de demander quel sera le coût de l’intervention.
MOI : Tu as d’autres idées de mesures ?
Moi : Je verrais bien une deuxième mesure portant sur l’impossibilité pour un tribunal de commettre deux notaires, car, en pratique, il faut bien constater que le dossier n’avance pas normalement dans cette configuration. Enfin, j’en ajouterais une troisième pour les mainlevées : dès l’obtention par le notaire d’une quittance comptable de la banque, celui-ci pourrait, sous sa responsabilité, régulariser un acte de mainlevée. Les formalités seraient simplifiées et que de temps gagné !
MOI : Bien, bien… Mais ne rêve pas ! En effet, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?