Au mois d’août, nos sénateurs se sont intéressés à la multipropriété pour en rectifier certaines inégalités. Gros plan sur cette formule touristique qui est née en France en 1967 et dont Louis Reillier a beaucoup concouru à la diffusion auprès du notariat.
La multipropriété est née dans les Hautes-Alpes. C’est la société des Grands Travaux de Marseille qui l’a lancée dans la station de Superdévoluy. La formule permettait d’acheter le droit de séjourner dans une résidence, une semaine donnée de l’année. Bien qu’ayant connu un certain succès, particulièrement dans les stations de sports d’hiver, l’obligation d’utiliser toujours les mêmes semaines de vacances dans la même résidence, et le coût souvent élevé des charges d’entretien en limitèrent l’expansion. Après s’être exporté aux Etats-Unis dans les années 70 et avec la création d’une bourse d’échange internationale, la multipropriété a connu, en Europe, un développement beaucoup plus important. D’où la nécessité d’en préciser le cadre juridique.
L’évolution des textes
A l’origine, c’est une adaptation du statut de la copropriété qui a permis de fonder les opérations de « multipropriété » : la société constituée en vue de l’attribution en jouissance d’immeubles aux associés par fractions divises, régie par la loi du 16 juillet 1971. Elle a été profondément remaniée en 1986, puis améliorée en 2009 avec la transposition d’une directive européenne sur la protection des consommateurs. Le législateur a alors opté pour un contrat de société civile. L’objet est d’acquérir (ou de construire) un immeuble et de le gérer, les associés ayant un droit personnel de « jouissance à temps partagé ».
En pratique…
L’associé d’une résidence de vacances en temps partagé ne peut se défaire de ses parts que s’il trouve un acheteur. Trois parties prenantes, aux objectifs bien différents, coexistent :
– le gestionnaire de la société, généralement promoteur de l’opération (telle la société Clubhotel) ;
– les associés qui ont acheté une ou plusieurs bonnes semaines et qui n’ont aucune difficulté pour les revendre ou les échanger ;
– les associés qui ont acheté une ou plusieurs mauvaises semaines et qui ne peuvent s’en défaire. Ce sont les plus nombreux car, en moyenne, un appartement est vendu 45 semaines et, dans bien des cas, moins de 12 semaines sont réellement attractives.
Un partage inégal
Le gestionnaire, qui cherche à maximiser ses bénéfices, peut profiter de l’absentéisme dans les assemblées générales pour imposer des charges de gestion globalement très élevées, réparties sur un très grand nombre d’associés. Pour une résidence d’une quarantaine d’appartements, on peut compter plus de 1 800 associés. Les propriétaires des bonnes semaines seront peu désavantagés par ces charges élevées. En revanche, les détenteurs des autres semaines, ne pouvant se débarrasser de leurs parts, seront contraints de les payer toute leur vie durant. Cela donne aussi l’opportunité aux gestionnaires de racheter, à très bas prix, les parts peu négociables. C’est ainsi que des groupes immobiliers ont fini par prendre le contrôle de sociétés d’attribution d’immeubles à temps partagé. Détenant plus des 2/3 des parts, ils ont fait voter, par une assemblée générale extraordinaire, la dissolution de la société au grand dam des minoritaires disposant des bonnes semaines. Ils ont pu ainsi racheter l’immeuble entier dans de très bonnes conditions, puis le revendre à la découpe et réaliser de substantielles plus-values.
Le projet de réforme
La proposition de loi, présentée par les sénateurs, a pour but de protéger les multipropriétaires en imposant deux mesures importantes. Elle prévoit :
– de modifier la majorité nécessaire pour changer les statuts ou procéder à la liquidation de la société, en la portant aux trois quarts des voix des associés ;
– de déterminer, en cas de liquidation, la valeur des parts par référence directe à la valeur vénale de l’immeuble.
On peut s’étonner que ce projet apporte une protection sensible aux propriétaires des bonnes semaines, tout en se désintéressant du sort des propriétaires des mauvaises semaines.