Faut-il faire sauter certains verrous et autoriser, sous certaines conditions la publicité personnelle ? Réflexion sur un possible devenir…

 

MOI : Crois-tu que nous verrons un jour des notaires utiliser la publicité pour faire connaître leur Office sur les médias habituels, voire la télévision ?

Moi : Rien n’est exclu, et une étude importante à Paris ou à Lyon pourrait effectivement s’offrir quelques minutes de publicité sur France 3. Ce jour-là sera une sorte de 11 septembre, car pour un spot publicitaire bien monté sur le petit écran, combien y aura-t-il de réclames « bas de gamme » sur n’importe quel support ?

 

MOI : Tu n’es pas favorable à la publicité personnelle ? Je te croyais dynamique, moderne, entreprenant, en phase avec notre XXIe siècle ?

Moi : Oui, mais pas au point de desservir la profession ! Je crois nécessaire de faire table rase d’un certain passé, notamment en matière de communication personnelle, car il est un fait que les plus conservateurs, pour des prétextes inavouables, empêchent la profession d’avancer vers la société de communication.

MOI : Crois-tu que ce serait bien de voir arriver sur le petit écran une publicité notariale juste après les conseils sur le meilleur Tampax et juste avant la description des effets d’une pilule combattant la constipation ?

Moi : C’est vrai qu’il faut une sacrée dose d’humour pour assimiler des domaines aussi différents. Tu as sans doute raison : notre publicité ne peut pas s’insérer entre n’importe quelle publicité.

 

MOI : J’ai appris que des petits pas avaient été effectués dans l’Ain ?

Moi : Effectivement, et lorsqu’on y pense à présent, cela en devient presque risible. De mon temps – si je puis dire – les confrères donnaient anonymement des consultations sur le stand notarial lors du Salon de l’Habitat, tandis que les confrères négociateurs offraient, sur le même stand, les biens à vendre par leur étude !!? Cette absurdité a fini par faire sauter le verrou. À présent, un confrère qui dispense des consultations gratuites pour le compte de la Chambre a le droit de se faire connaître.

 

MOI : Mais il a fallu des années pour obtenir cette petite avancée. Quel progrès significatif pourrait-on proposer à l’heure actuelle ?

Moi : Tout d’abord, et comme dans tous les domaines, de la transparence car la profession – comme la politique- souffre des non-dits, de la rétention d’information, du « notarialement correct », du passé et de ses conceptions dépassées. Cela implique pour chacun la possibilité d’être libre dans ses contacts, tout en affichant son nom, sa profession et son lieu d’exercice, le tout avec tact, dignité, compétence et respect de notre éthique.

 

MOI : Un confrère pourrait donc se faire connaître en donnant des conférences, en publiant un livre de droit ou des articles dans les journaux, en distribuant à son étude ou en conférence des plaquettes sur son office, en installant un site internet … ?

Moi : Pourquoi pas, et au contraire même. Un confrère qui maîtrise bien sa matière et qui le fait avec talent, n’est-ce pas une publicité, non seulement pour lui-même, mais aussi pour tout le notariat ? Le critère, c’est de dissocier une publicité informative, donc acceptable, d’une publicité racoleuse, donc pernicieuse et inacceptable.

 

MOI : En fait, ceux qui interdisent ces pratiques, sur la base d’un credo très ancien, sont généralement incapables de représenter leur profession avec éclat. En revanche, ils sont souvent champions dans l’exercice souterrain des influences et autres façons de capter ou détourner la clientèle.

Moi : Sans vouloir généraliser, avouons que c’est un peu cela. Les excellents professionnels sont souvent barrés par des médiocres au nom du sacro-saint règlement, et toute la profession en pâtit.

 

MOI : Il faut tout de même un contrôle !

Moi : Un contrôle a posteriori et aléatoire sera d’autant plus craint que les sanctions seront rapides et sévères pour les confrères pris en flagrant délit de non-respect des règles déontologiques.

 

MOI : Peut-on parler encore de règlement ?

Moi : Oui, s’il s’agit d’un règlement minimum comme toute loi devrait l’être. Chaque notaire, dès sa formation à l’Université, devrait être imprégné de ce qui fait la différence entre le notaire et les autres juristes. L’étudiant devrait être en mesure rapidement de se pénétrer de ce qui constitue la nature d’un officier public. Cette imprégnation catalyserait les meilleurs et rejetterait les autres sur des voies différentes. Ce n’est pas la rentabilité du métier qui devrait attirer les candidats, mais la culture, la difficulté, la vocation. Un peu comme la magistrature, avec l’esprit d’initiative en plus…

 

MOI : Ainsi, l’étudiant devenu notaire saurait naturellement ce qu’il peut faire et ce qui est interdit.

Moi : Tu penses que mes propos relèvent du rêve ou de l’idéalisme ? Je suis convaincu que notre société évoluera vers ce genre d’acquis. Les jeunes réclameront à court terme un cadre clair et le respect des règles édictées. Cette évolution s’accélérera avec la féminisation de la profession car les femmes sont souvent très exigeantes.