L’Europe a engagé une procédure obligeant la France à clarifier son aide à la Banque Postale pour ne l’accorder désormais que, limitativement, aux activités monopolistiques. Voilà qui nous interpelle !
À l’exception d’un petit semestre dans la tourmente révolutionnaire où nous avons été provisoirement nationalisés, nous sommes accoutumés à notre statut hybride. Côté face, officier public pourvu du sceau étatique, détenteur d’une parcelle de son autorité conférée à nos signatures authentiques. Certains chantres ne veulent promouvoir que cet aspect, auquel nos chers voisins et concurrents voudraient nous voir confinés, voire relégués. Côté pile, professionnel libéral ouvert à toutes les activités nécessaires ou utiles à nos concitoyens pour la conduite de leur patrimoine. Fût un temps où notre adéquation aux besoins était promue, soutenue, encouragée. Sans doute, les vaches maigres en étaient cause. Les « hautes eaux » que nous vivons encore – pour combien de temps ?- sont certes peu propices à ce réveil. Nous sommes englués dans notre formalisme ubuesque et envahissant. Confortés par nos chiffres immobiliers, nous surfons sur une vague porteuse. Dans le quotidien turbulent de nos études, le temps n’est pas à la réflexion prospective. En revanche, le rôle de nos chefs est de prévoir ; il ne consiste pas seulement à faire une gestion du quotidien (fût-elle bonne), exporter jusqu’aux confins asiatiques la bonne parole de notre authenticité, s’installer dans un lieu mythique, mais aussi et surtout à assurer notre longévité.
Certitude d’avenir
Nous ne pouvons avoir de certitude d’avenir. Cependant, quelques balises doivent nous alerter :
• Le credo concurrentiel que la Commission européenne développera urbi et orbi. Si notre actuelle parade peut nous satisfaire aujourd’hui, restons persuadés que la partie se joue ! À la première occasion, nous serons sur la sellette ;
• Nos chers amis du barreau et du chiffre font bien plus que nous guetter. Ils agissent, eux ! ;
• Les allées du pouvoir sont glissantes et les quelques avantages que nous avons enfin pu obtenir, restent miettes anecdotiques ! Un seul décret peut supprimer l’avantage du décret de 1955.
Tout attendre du ciel pour conforter l’officier public et nous faire abandonner tout développement, risque de nous exposer à de cruelles, mais trop tardives, déconvenues. Plus positivement, ne devrions-nous pas nous préoccuper de satisfaire l’énorme besoin de Conseil sur le patrimoine global, notamment sa constitution, son entretien arbitral, sa transmission ? N’est-il pas l’un de nos devoirs les plus essentiels ?
Deux jambes pour avancer
Le débat public-privé est aussi vieux que notre profession. Elle a été créée par le fait du prince qui avait besoin de « noter » sa volonté, puis a évolué avec les besoins nés de la propriété privée, avec la croissance de l’artisanat, du commerce et de la bourgeoisie. Nous voilà sur nos deux jambes, faites pour avancer et nous adapter aux techniques nouvelles (avec lesquelles nous sommes en phase), mais aussi aux demandes actuelles où nous accusons un retard certain. S’il est vrai qu’il n’y a de richesse que d’hommes, alors nous devons accepter de nous servir de nos deux jambes : l’une (public) au service du prince et l’autre, privée, pour répondre aux gens, ceux d’aujourd’hui et de demain. Notre fragilité repose sur notre timidité à entrer dans l’économie en servant les patrimoines. Voilà ce qui est attendu, ni plus, ni moins ! Vouloir croire que le panonceau public nous abrite, c’est ignorer que, sur le long terme, quel que soit le prince, seul le service public au service du public peut être notre talisman.