Combien de fois avons-nous entendu dire “les jeunes ne pensent qu’à faire des affaires dans le notariat, ils sont mal formés, sans ambition et ne travaillent pas assez” ? Lieux communs, maintes fois affirmés sans véritable argument, émanant le plus souvent de notaires en fin de carrière. Mais qu’en est-il au fond ?

 

Il est évident que nos jeunes sont au moins aussi bien formés, sinon mieux, que jadis. Toutefois, la complexité de la matière notariale, son étendue et sa mouvance, pour ne pas parler de ses modifications perpétuelles, font qu’il faut avoir aujourd’hui une réelle capacité d’assimilation et d’adaptation en plus des qualités humaines nécessaires pour exercer ce métier.

 

Motivation du stagiaire

Dans de nombreux offices, il est demandé au jeune stagiaire de devenir rentable immédiatement alors qu’il vient d’intégrer l’étude et qu’il en sait souvent moins sur le plan pratique que la plupart des secrétaires notariales. Comment se former efficacement et acquérir la maturité nécessaire, si, dès les premiers jours, le stagiaire est confronté à la productivité exigée par un patron obnubilé par son rôle de chef d’entreprise ? Comment se préparer à la fonction de notaire si durant le stage, on est cantonné aux ventes d’appartements ou, pire encore, à la rédaction des actes de mainlevées pendant plusieurs mois, comme cela est arrivé à certains étudiants ? Dans de telles conditions de travail, il est clair que le stagiaire ne consacrera pas le meilleur de lui-même à la tâche qui lui est assignée. Quant à faire des heures supplémentaires, il s’y adonnera au début, par soumission ou docilité, mais comprenant rapidement l’inutilité de ce sacrifice, il ne tardera pas à réserver son temps libre à sa formation livresque ou à des loisirs personnels plus satisfaisants. Qui pourrait le lui reprocher ? Il suffirait pourtant de peu de choses pour qu’il en soit autrement : un compliment mérité à l’occasion de la clôture de tel ou tel dossier, un déplacement avec le patron pour telle ou telle affaire particulière, une ambiance conviviale au sein de l’étude créée par le patron lui-même…

 

Éthique notariale

S’agissant du sens des affaires des jeunes, et plus exactement du respect de l’éthique notariale, il est clair que la profession dans son ensemble et une grande partie des confrères sont responsables de cette situation. Il est rare, en effet, de retrouver un jeune au banc des accusés quand il a reçu une éducation sérieuse, équilibrée et affectueuse de ses parents. Pourquoi un jeune étudiant sans arrière-pensées et ne connaissant rien à la profession, dériverait-il ultérieurement après ses années de stage ? La réponse paraît aller de soi : • celui qui aura été exploité, peu considéré, voire écoeuré pendant ses stages, reproduira évidemment le même schéma ou un schéma différent, mais imparfait ; • Celui qui aura constaté une mésentente hargneuse entre les confrères dans leurs relations journalières et entre les associés de l’étude, se recroquevillera sur lui-même, persuadé qu’il ne peut compter que sur lui-même ; • Celui qui aura été mêlé aux manoeuvres destinées à capter des dossiers, à éliminer des confrères, à attirer tel ou tel agent d’affaires, promoteur ou marchand de biens, utilisera les mêmes méthodes ou de bien pires encore. Nos clercs et employés connaissent bien mieux que nous les confrères respectables, fiables, compétents, efficaces, humains… Une enquête anonyme auprès d’eux nous conduirait peut-être à un sacré examen de conscience !

 

Un défi à relever

La conclusion de ce propos est limpide. Si nous voulons un notariat qui nous convienne, des confrères avec lesquels nous pouvons entretenir des relations amicales, des collaborateurs efficaces et compétents, cela ne tient qu’à nous, collectivement et individuellement. Les années d’études et les diplômes sont nécessaires pour acquérir la matière avec laquelle le jeune devenu notaire travaillera. Tout le reste, tout ce qui fait le bonheur d’exercer ce métier, sa richesse, son épaisseur, c’est nous qui l’apprendrons, jour après jour, à nos collaborateurs qui deviendront plus tard nos confrères. Notre seule préoccupation en tant que patron devrait donc concerner l’image que nous leur offrons et notre seul leitmotiv devrait être une question : “suis-je un bon exemple ?”.