Bien qu’aimant le notariat, Marianne qui est presque diplômée, s’interroge sérieusement sur son envie de persévérer dans la profession…

 

Chez les jeunes, la question du salaire est récurrente. Par exemple, combien de fois, lors des entretiens d’embauche, m’a-t-on proposé un salaire bien inférieur à mes prétentions (proche du SMIC, en réalité) en m’expliquant que « cela évoluera avec le mérite, les semestrialités successives, l’expérience… » ? Aujourd’hui, j’ai toutes mes semestrialités, je prépare mon mémoire et mon salaire n’a pourtant jamais bougé… Si seulement j’étais la seule dans ce cas ! C’est pourquoi, lors de mon dernier entretien, je n’ai pu retenir un petit rire moqueur en entendant le comptable annoncer au « patron » les bénéfices nets du mois. Du chiffre, encore du chiffre ! Ils en sont tellement grisés qu’ils refusent de payer trop de charges pour ne pas « dégraisser le gâteau ». Employer un diplômé notaire ? « Trop cher ! Ces gens-là prétextent avoir la même qualification que nous et sont trop gourmands », pense la plupart des notaires… Autant prendre, pour le même prix, deux ou trois secrétaires : de toute manière, avec les logiciels, les clauses sortent toutes seules ! Un vrai hard discount notarial ! Vous prendrez bien encore un peu d’actes « Leader Price », très chers clients ? Ça vous coûte le même prix, mais pour les notaires, c’est bien plus lucratif ! Pourtant, lors de nos formations, on nous dit que nous pouvons jouer d’égal à égal avec les patrons (justement parce que nous sommes diplômés) et que nous devons nous vendre en argumentant : « Mon cher Maître, je suis indispensable à votre société » (toujours chiffres à l’appui, bien sûr : je signe tant d’actes, je ramène tant de chiffre d’affaires…). Dans la réalité, les choses sont souvent différentes, nos employeurs jugeant généralement normal que nous mangions notre pain noir avant le blanc, comme eux quelques années plus tôt. Un drôle d’état d’esprit qu’on ne retrouve ni chez les banquiers, ni chez les assureurs ou les agents immobiliers…

 

Cas de conscience

Le notariat inspire parfois de sérieux cas de conscience. Ainsi, j’ai été amenée à traiter récemment un dossier où la fiche personnelle hypothécaire de la société venderesse était vierge (pas de mutations, pas de servitudes, ni de sûretés). Seule une bonne trentaine de parcelles du centre-ville figurait dans la colonne « immeubles urbains », mais pas de références de publication, pas de noms de notaires, pas de dates, pas de prix. Acquisitions antérieures à 1956 ? Pas du tout, puisque cette société a été créée il y a une dizaine d’années… Selon mes clients, il s’agit de collusion frauduleuse entre la conservation des hypothèques et le notaire instrumentaire, désireux de dissimuler les réelles conditions de ces acquisitions (suite à des liquidations judiciaires plus ou moins provoquées, les mandataires liquidateurs ayant toujours, dans la Sarthe, de « bonnes affaires » à proposer…). Et je ne vous parle pas du scandale des zones franches (connu à Marseille) où les sièges de centaines de sociétés sont transférés à une même adresse sans que les entreprises soient délocalisées pour autant, et donc sans que des emplois soient créés dans ces zones défavorisées. Ce sont des millions d’euros d’impôts économisés pour ces sociétés : qui paiera le manque à gagner fiscal pour la France ? Ce n’est pas l’idée que je me fais du notariat. C’est une profession dont je suis fière de faire (presque) partie, même s’il n’est pas facile d’y trouver sa place (surtout quand Papa n’est pas notaire, qu’on est désargenté et qu’on est une fille…). Toutefois, j’ai honte du comportement de certains de mes aînés. Il serait bien qu’ils se ressaisissent afin de redorer leur blason, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du notariat.