Notre rédacteur Jean-Claude Bigot a des saines lectures. Outre Notariat 2000, il lit la presse de toutes les chapelles. Ce mois-ci, il jette un pavé dans la mare de Vincent Lecoq dont le journal Marianne a publié un papier à « l’effet dévastateur ». Il nous propose ses remèdes.
Chaque décennie connaît au moins un rapport accablant le notariat. Cette fois-ci, il s’agit de Vincent Lecoq enfourchant Marianne (le journal). Tout un programme ! Nous en connaissons les principaux arguments : nous sommes trop payés, nos contrôles internes sont illusoires, nous offrons un mauvais service…
Les solutions proposées sont la suppression du tarif, une ouverture totale à la concurrence et la liberté d’installation. Ces « remèdes » ont un effet dévastateur sur le patient : ils l’affaiblissent quand ils ne le tuent pas ! Ils ont déjà produit leurs ravages au Québec et aux Pays-Bas. L’effet le plus notable serait l’augmentation des frais des petits actes, ce qui aboutirait à la « corsification » de l’hexagone. Ainsi, comme sur l’île de beauté, de nombreuses petites mutations, devenues trop onéreuses, ne se feraient plus… De plus, globalement, le produit des honoraires augmenterait (même si les plus gros offices seraient pénalisés). Le « consommateur » moyen se trouverait surtaxé. Notre CSN ne manque pas d’arguments pour contrer ces « solutions », mais ils ne sont pas entendus ! Pourquoi, dès lors, ne pas proposer, à notre tour, quelques remèdes plus audibles ?
Remède n° 1 :
la rémunération
Publier une moyenne générale est une monumentale erreur ! Cela contribue à ancrer, dans l’esprit général, que le notaire gagne environ 20 000 €/mois. Ce qui est faux ! Ce chiffre camoufle quelques énormes bénéfices qui majorent artificiellement les rémunérations moyennes et faibles. Reste à publier les résultats :
– soit par centaines (les 100 notaires gagnant les plus « gros » salaires, les 100 notaires suivants, etc.) ;
– soit par tranches mensuelles (moins de 3 000 €/mois = X notaires ; de 3 000 € à 4 000 €/mois = X notaires, etc.).
Ce serait simple, clair et facilement compréhensible, même par un profane. La vérité serait au rendez-vous de la transparence. La seule difficulté serait pour ceux qui atteignent les sommets. On pourrait alors lisser leurs résultats, en faisant une moyenne sur les 5, voire 10 dernières années. Ceux qui demeureraient en haut de l’affiche pourraient alors prendre de nombreux associés en capital, faire scission ou créer !
Remède n°2 :
les inspections
Pourquoi ne pas se résoudre à faire entrer dans notre processus un membre extérieur que nous choisirions ? Là encore, la sacro-sainte « transparence » y gagnerait ! Ce tiers n’assisterait pas aux opérations qui se déroulent à l’intérieur de nos offices, mais participerait seulement aux examens des P.V. et à leurs résultats, sans que l’identité du notaire (et du dossier) soit révélée. Ainsi, tout en préservant le secret professionnel à l’égard des clients et du notaire, la suspicion résultant de l’omerta tomberait et les notaires seraient incités à plus de rigueur.
Remède n°3 :
le service
Le reproche du « mauvais service » est récurrent. Il est complexe à traiter, car sa solution dépend de l’attitude quotidienne de l’ensemble des professionnels du notariat, à commencer par le patron qui donne le tempo. Ce n’est pas seulement le problème technique de la formation (initiale et permanente), c’est surtout le réflexe quotidien face aux « affaires » où l’éthique entre en jeu. Pour se convaincre de la gravité de la situation, il suffit d’assister à une réunion du comité technique régional qui examine les procédures judiciaires en cours ou de plonger dans l’univers des plaintes, examinées à la Chambre. Si certains dossiers relèvent de la mauvaise foi des plaignants et d’autres de la maladresse du notaire, on est effaré devant le nombre issu du risque bravé ou ignoré. « Je tente le coup pour garder ou prendre un nouveau client et empocher les honoraires. En cas de problème, la Caisse de garantie paiera ! ». La seule parade est une impitoyable discipline, tout en déplorant son manque de moyens et la faiblesse des responsables chargés de la faire respecter. Encore faudrait-il confisquer systématiquement la totalité des honoraires mal acquis et obtenir des Parquets, voire de la loi, des sanctions financières. Elles seules pourraient revêtir une certaine efficacité. Chacun sait que c’est toujours la même petite minorité nuisible qu’il faut surveiller, exclure et sanctionner sans relâche, ni faiblesse. Si nous voulons pérenniser notre statut, l’angélisme ne suffira pas. Un grand courage politique sera indispensable. Souhaitons quelques pas dans la bonne direction…