Comment se porte la négociation immobilière notariale ? Enquête express auprès d’un panel de notaires répartis sur toute la France.
Comme pour toutes nos enquêtes, nous avons interrogé un large panel de notaires répartis sur tout le territoire. Il semblerait, à la lecture des résultats, que ce soit surtout les notaires négociateurs qui nous aient répondu. En effet, notre panel pratique, dans 74 % des cas, la négociation immobilière, ce qui n’est malheureusement pas représentatif de la réalité du terrain ! Les notaires « pratiquants » le font par goût, par « tradition locale » ou, tout simplement, parce que ça fait partie de leur métier ! Pour la plupart, cette activité représente un apport financier non négligeable pour l’étude. Surtout en milieu rural où la négo est « nécessaire » à la survie des études et au maintien de l’emploi : « Chacun, au sein de l’office, a pris conscience de la nécessité de réaliser des négociations pour maintenir la stabilité du revenu » confie un lecteur. Un peu partout, les notaires négociateurs se rangent à l’avis de Me Dumars (Oise) : « la négo est une source de revenus pour l’office ; elle supplée la baisse d’activité sur les créneaux traditionnels ». Pour une large frange de notre panel, c’est également un bon moyen de fidéliser la clientèle. « La négo est un moyen de montrer le dynamisme du notariat. Cela permet également de détecter les problèmes juridiques très en amont » explique Vivien Streiff (Nord).
A noter :
– Pour 58 % de notre panel, la baisse du nombre de transactions immobilières va créer un regain d’intérêt pour la négociation.
– Parmi les 26 % qui sont « non-pratiquants », beaucoup appréhendent les représailles des agences immobilières. C’est le cas de Nadia Ballara-Boulet (Haute-Savoie) qui a abandonné la négo en 1995 : « les agences immobilières m’avaient littéralement boycottée ». D’autres envisagent de reprendre cette activité pour booster leur étude…
La tendance dans les études
Conjoncture oblige, pour 46 % de notre panel, la négociation immobilière est en régression, mais pour 35 %, elle est… en progrès (Oise, Vendée…) ! En 2012, 31 % se plaignaient d’une baisse et 44 % faisaient état d’une stagnation par rapport aux années précédentes. Généralement, les bons résultats sont obtenus dans les études qui ont un collaborateur dédié à la négociation. Dans le Nord, la négociation immobilière souffrirait d’un « marché très dégradé et du réflexe des vendeurs à mettre en vente via des sites tels que Le Particulier ». Un notaire d’Ille-et-Vilaine fait état d’une année 2012 sans pratiquement aucune négociation. Dans la Somme, un notaire dont la négociation représente 4 % du produit total de l’étude, déplore « une conjoncture difficile ». Pour Gilles Borck (Marne), la baisse est essentiellement due à un manque de confiance dans l’avenir tandis que pour l’un de ses confrères, c’est la frilosité des banques qui est en cause.
A noter :
La négociation représente, en moyenne, entre 0,2 % et 15 % du total des produits de l’étude. En 2012, elle oscillait entre 0,7 % et 20 %. Notre panel aimerait idéalement réaliser 11 % en moyenne…
Vade retro avocats, mandataires immobiliers, chasseurs d’appartements, professionnels de la revalorisation des propriétés et autres « oiseaux de mauvais augure » ! 50 % de notre panel se méfie de la concurrence des nouveaux acteurs. Un chiffre en légère baisse depuis avril 2012 où l’avocat était perçu, par 58 % des notaires interrogés, comme le loup dans la bergerie notariale. La concurrence des particuliers est également pointée du doigt à plusieurs reprises, ce qui n’est guère surprenant (en 2012, 48 % jugeaient le développement du marché des particuliers préoccupant). L’autre moitié de notre panel ne nie pas la concurrence, mais croit dur comme fer aux atouts de la négociation immobilière notariale. Les arguments fusent : « on ne cherche pas à vendre à tout prix, mais au contraire à conseiller utilement l’acquéreur ». « Le notaire ne pratique pas la négociation comme un agent immobilier ou un commerçant, c’est sa force ! Il agit dans le respect des règles de sa profession et de la déontologie, il recherche l’équilibre dans le contrat et favorise l’information des parties » explique un notaire des Yvelines. Son confrère vendéen est sur la même longueur d’ondes. Il précise d’ailleurs « pratiquer la négo à la demande de ses clients, ceux-ci ne souhaitant pas passer par les agences immobilières ».
A noter :
« Le législateur ne devrait-il pas mettre en place une sanction financière pour les agences immobilières qui imposent le notaire aux parties ? » C’est le vœu que formule un notaire de la région parisienne qui estime qu’il est « temps que les clients retrouvent leur liberté ». En Bretagne, c’est la déontologie qu’on aimerait assouplir pour « pouvoir lutter à armes égales avec les agences, mettre ‘vendu’ sur un bien ou mentionner ‘prix à débattre’ sur une annonce ».
Les outils
– Les sites : le site « immonot.com » arrive en tête des sites les plus utilisés, avec un très fort indice de satisfaction. 6 % des notaires interrogés utilisent le site de leur étude. 52 % de notre panel ont recours à d’autres sites que ceux dédiés à la profession. Le site « Le bon coin » se taille la part du lion (56 % d’utilisateurs !), suivi par le site « Se loger » (25 %).
– Les supports papier sont boudés par notre panel. Seulement 37 % les utilisent. C’est pour eux un excellent « outil de communication à destination du grand public ». « Le journal nous permet de toucher une frange de la population qui ne va pas sur internet ». Généralement, les notaires annoncent sur « Le journal des notaires », édité par le Groupe Notariat Services, voire dans des journaux locaux.
– Les logiciels : Près d’un quart des notaires interrogés sont satisfaits de leur logiciel. Les logiciels les plus utilisés par notre panel sont negoweb, transim et Immonot-pro, devant Abitavision et Soqrate. Beaucoup font encore l’impasse d’un logiciel.
A noter :
Les années se suivent… et ne se ressemblent pas. Si en 2012, 79 % des notaires interrogés étaient satisfaits de leurs outils pour promouvoir le fichier, ils ne sont plus que 32 %.
Le Groupement
75 % des notaires font partie d’un groupement. « Cela permet d’échanger et de partager des mandats » témoigne un notaire du Nord. Les 24 % qui travaillent en électrons libres n’ont généralement pas eu le choix. « Il n’y a pas de groupement dans mon secteur » écrit un notaire de l’Oise. « Il est inexistant dans le secteur » renchérit un notaire de la Drôme, la volonté commune fait défaut ». Même constat pour son confrère de la Somme, de l’Ille-et-Vilaine, et des Yvelines. « La négociation immobilière n’est pas développée en région parisienne, les agences immobilières ont trop de pouvoir et imposent leur notaire. Enfin, un notaire de l’Aude constate que peu de groupements perdurent dans le Sud. « Les notaires du Sud de la France sont trop forts, dit-il avec humour, ils n’ont besoin de personne ! ».
A noter :
Ouf ! Le travail en groupement semble s’être organisé. Lors de notre enquête en 2012, 78 % des notaires interrogés travaillaient seuls. Le panel n’était certes pas le même, mais la tendance, largement inversée, est signe d’amélioration.
Le mandat de recherche
Décidément, le mandat de recherche reste le mal-aimé des « outils » utilisés par les notaires négociateurs. Seulement 18 % l’utilisent et encore, avec retenue : « je ne l’utilise que si j’apprends qu’un client vend un bien » témoigne un notaire francilien. Les plus récalcitrants (et ils sont nombreux !) argumentent que le mandat exclusif est « mal appréhendé par les clients » et rappellent « l’interdiction faite au notaire de démarcher ». « Nous n’avons pas vocation à faire du démarchage, c’est le client qui s’adresse à nous, pas le contraire ! » réagit un lecteur. Certains, en milieu rural surtout, n’en ont pas l’utilité : « Je suis au courant lorsqu’un de mes clients recherche un bien. Je le préviens dès qu’un mandat de vente porte sur un bien correspondant à ses critères ». Sa consœur manque de temps pour utiliser le mandat de recherche : « je suis très occupée par les expertises ! » explique-t-elle. Dans l’Allier, un notaire admet ne pas avoir assez d’audace…
Tous négociateurs pratiquants !
C’est le vœu d’un bon nombre de notaires interrogés. « Tant que tous les notaires ne négocieront pas, cette activité ne se développera pas, notamment en milieu urbain, et malgré tous les efforts faits » souligne un notaire parisien. Dans l’Allier, Jean-Marc Corre aimerait que ses confrères s’ouvrent à l’esprit de la négo et pourquoi pas, aux mandats de recherche et aux ventes aux enchères. A la SCP Roig (Aude), on plébiscite également une relance de la négociation immobilière au niveau régional et national ! Enfin, en Bretagne, un notaire invite ses confrères à davantage collaborer. « Chacun doit prendre conscience qu’il vaut mieux vendre ensemble en partageant les émoluments plutôt que de passer par une agence ! ». A bon entendeur…