Ne soyons pas surpris de l’éruption dans le droit de l’économie. Celle-ci a totalement changé, passant de l’échelle nationale au plan mondial. Le notaire doit « forcément » s’adapter. Cela peut être très positif si nous savons comment nous profiler en régulateur économique.

 

L’économie nécessite de la confiance. Sans confiance, il n’y a pas de marché, ni offre ni demande. Les marchés ne peuvent se réguler eux-mêmes, les preuves récentes abondent. Les prix fluctueront toujours. En revanche, pour la confiance dans les transactions elles-mêmes, il y a besoin de les sécuriser par intermédiation. C’est le rôle du tiers de confiance qui se retrouve sur tous les marchés.

 

Un tiers de confiance

Plus le marché est économiquement incertain, plus il doit être protégé « dans l’intérêt du public ». C’est le rôle du tiers de confiance qui est là pour trancher, pour dire la validité du titre, les caractéristiques du produit et des droits, leur substance, assurer la transparence et donc la fluidité du marché. Le notaire fait « partie intrinsèque de la transaction économique ». Pour cela, nous avons deux atouts formidables et disposons de moyens.

 

Premier atout : l’incontestabilité de nos actes. C’est une valeur économique de premier ordre pour le marché car elle est économe en temps, en argent, donc plus démocratique. Elle génère moins de soucis et moins d’aléas. À titre d’exemple, nous enlevons les « doutes » qui peuvent s’installer sur les titres eux-mêmes. Souvenons-nous des assignats ou des subprimes… L’incontestabilité réduit également la « volatilité » des conventions qui fluctuent en fonction des espérances forcément déçues d’une des parties dans le temps. Enfin, c’est un outil adéquat pour le marché : l’incontestabilité n’empêche pas la circulation des biens, mais au contraire l’accélère du fait du degré de confiance qui lui est attachée.

 

Second atout en économie : l’impartialité. C’est le cœur de notre métier. Mais, concrètement, quel est le socle de l’impartialité du notaire régulateur ? C’est l’information symétrique, de même qualité, que nous distribuons, au même moment, y compris à des non-clients ayant des intérêts opposés. Rien à voir avec toutes les autres professions. De plus, la « denrée » la plus chère à produire pour un marché, c’est l’information. Obtenir « la bonne information » sur le marché est primordial et nécessite beaucoup d’investissements. Il est contre-productif qu’elle soit produite deux fois s’il y a deux parties. Le notaire est justement réducteur de ce coût bien avant l’acte et la décision d’investir.

Ces deux atouts font de nous un tiers de confiance économique.

 

La fonction crée l’organe

Nos obligations professionnelles ont été progressivement durcies par le juge, ce dont nous devons nous réjouir. Cela démontre que nous sommes considérés comme régulateur économique pour des impératifs de marché. Par exemple, le marché immobilier ne peut pas être de « type boursier » et doit être régulé. Nos titres et l’information donnée doivent être « au top » pour justement assurer la fiabilité de ce qui circule sur le marché. C’est pour cela que l’État nous a confié la « fides publica ». Il faut remettre la pyramide sur sa base. Nous disposons aussi collectivement de moyens adaptés, toujours à perfectionner, comme la constitution de fichiers divers à destination du public et l’informatique sous toute forme comme dans une salle de marché. Il s’agit là aussi de répondre à l’impérieuse nécessité de délivrer l’information la plus fiable au marché, avant comme après l’acte. Nous sommes enfin dotés d’une institution fiable qui demeure le quatrième pilier de la croissance économique avec l’abondance des capitaux, du capital humain et l’innovation.

C’est cette dimension économique que le notaire régulateur recouvre. La fonction crée l’organe, le statut, et pas l’inverse. La dimension de régulateur économique est un atout formidable du notariat car elle est commune à près de deux tiers des pays. La conception statutaire nous divise, celle de régulateur nous rassemble et nous place dans la modernité. Nous avons donc intérêt à répondre à ce qu’attend le marché plutôt que d’attendre quoi que ce soit de l’État.

N.D.L.R. : cf. le cycle de conférences de la Cour de Cassation « Droit et Économie » et les écrits de Mme Frison-Roche, professeur à l’Institut d’Études Politiques de Paris, le congrès MJN de San Francisco 2007- Me Bertrand Lacourte.