Et s’il ne restait que le notariat comme dernier rempart contre les débordements d’incivisme ?

C’est ce que l’on pourrait croire au vu des expériences ci-après relatées :

- C’est d’abord une cliente qui me demande une attestation prouvant qu’elle n’est pas propriétaire, après m’avoir expliqué qu’elle bénéficie du SMIC, qu’elle souhaite vendre sa maison en vue de se réinstaller dans une autre région et qu’elle possède des comptes en Suisse. On peut se demander, pour qu’une telle situation existe, si les Services publics contrôlent les attestations sur l’honneur qui leur sont remises ( ?). En l’occurrence il serait facile de vérifier la situation au cadastre ou aux hypothèques. J’ai évidemment refusé de délivrer l’attestation demandée.

- C’est ensuite des clients qui me chargent d’ouvrir un dossier de succession et me demandent si je peux m’abstenir d’interroger les services de l’aide sociale au Conseil général car la défunte bénéficiait d’aides départementales. Or, ils ont entendu dire que, souvent, les services départementaux ou hospitaliers ont un tel retard, qu’ils en viennent à perdre des dossiers ou à réclamer leur dû, une fois la succession réglée !

- C’est encore une famille qui renonce à la succession de la mère après avoir fait le tri de ses affaires, emporté le peu de meubles ou objets de valeur existants, et qui me remet les clefs de l’appartement en vue de déclarer la succession « vacante ». Mes explications concernant le fait qu’ils ont accepté la succession, en ayant prélevé une partie de l’actif, ne les convainquent pas et d’ailleurs les faits leur donnent raison puisque l’administration accepte le dossier en l’état, sans contrôle !

- C’est une famille qui a la certitude que la défunte détenait des bons de capitalisation émis par une compagnie d’assurance extrêmement connue, mais ne retrouve pas les originaux. Un courrier d’interrogation, un second, puis un troisième et encore un quatrième très précis … Et curieusement, du refus de prendre en compte le dossier au départ, on en arrive à retrouver les fameux bons, détenus par un service ( ?). Je n’obtiendrai pas d’explications complémentaires malgré mes interrogations.

- C’est encore une banque d’un grand réseau qui fait souscrire à une veuve et à son nom, quelques jours avant le décès de son époux et immédiatement après la vente d’un bien propre lui appartenant, un contrat de capitalisation destiné à léser purement et simplement les enfants du second fils prédécédé. Après intervention énergique, la Banque accepte d’annuler le contrat, sans frais, le tout, sans que les petits-enfants ne puissent avoir connaissance de la manoeuvre. Ouf !

 

Ethique, moralité et civisme

Le notariat défend encore des valeurs toutes simples mais primordiales, d’éthique, de moralité et de civisme. Il participe ainsi à la bonne marche du pays tout entier, le sait-on en haut lieu et combien de temps cela durera-t-il encore ? À ce sujet et pour comparer, voici une anecdote : une de mes clientes qui héritait d’un frère décédé, alors qu’il était en tutelle, laissant pour recueillir sa succession à peine 10 000 euros, pour 8 frères et soeurs et 5 neveux, s’est rendue au Greffe du TGI. Elle est arrivée en pleine pause café et a été renvoyée en trois minutes sans renseignements mais avec de quoi lire !! Abandonnée, celle-ci est venue me voir, espérant que je voudrais bien lui expliquer le déroulement d’une succession et faire le nécessaire. Parmi les documents qui lui ont été remis, j’ai trouvé un imprimé intitulé “acte de notoriété”, avec la mention suivante en gras : “Le Greffier en Chef peut refuser d’établir l’acte si la dévolution successorale comporte des difficultés particulières”. Quand le service est gratuit, on peut tout se permettre. Mais a-t-on le droit de s’intituler “Service public” ? Si mon père qui n’est plus, me lisait, je sais bien qu’il me ferait remarquer que du temps où les greffes n’étaient pas nationalisés, les employés travaillaient ! Pour en revenir au notaire, il lui arrive aussi d’endosser les habits de la honte. Ainsi, un de nos confrères qui devait régulariser une vente au profit d’un marchand de biens, puis celle du marchand de biens au profit d’un particulier, s’est permis de présenter une note d’honoraires article 4 au prétexte que le marchand de biens s’étant substitué au particulier, il n’a reçu qu’une vente au lieu de deux, ce qui lui causait un préjudice dont il devait être indemnisé. Cette demande a été faite en présence du notaire du particulier en question, ce qui montre que rien n’arrête les personnes âpres au gain, fussent-elles « officiers publics ».

On croit rêver !