J’ai fait un rêve.
Après plusieurs tentatives de réorganisation, le notariat s’était constitué en un immense réseau national de franchisés. Chaque étude était donc, de fait, devenue une franchise de « Notaires de France ».
Les enseignes, désormais lumineuses, étaient absolument identiques, quelle que soit la taille de l’office : une belle Marianne stylisée par Jean-Paul Gaultier, rose fuschia sur fond vert anis. La décoration des locaux était rigoureusement identique, que l’étude soit à Paris ou à Aurillac. Il était absolument interdit d’en modifier quoi que ce soit. Les papiers à lettre, tous similaires, étaient fournis par le réseau de franchise, ainsi que les logiciels informatiques.
Le recrutement du personnel passait par des tests et suivait des critères établis, très strictement, par le réseau « Notaires de France ».
Tout notaire était vêtu obligatoirement d’un pantalon beige et d’un blaser bleu marine, d’une chemise blanche et d’une cravate rouge. Les femmes étaient dispensées de la cravate au profit d’un collier de perles et d’un carré de soie que la Maison Hermès fabriquait pour la profession.
Bien évidemment, les collaborateurs, selon leurs postes, revêtaient des uniformes identiques dans tout l’hexagone.
Le matériel, les fournitures, les vêtements, bien qu’étant imposés, restaient à la charge de chacun. Des inspecteurs du réseau sillonnaient la France afin de dénicher les franchisés qui ne respectaient pas les nombreuses règles imposées.
En contrepartie de l’aide matérielle, organisationnelle et juridique qu’apportait le réseau, chaque franchise « Notaires de France » devait s’acquitter d’une cotisation dont le montant était proportionnel à la taille du point de vente. Nos actes suivaient des modèles préétablis par le réseau, notamment afin de pouvoir être publiés au fichier immobilier, et la moindre erreur entraînait non seulement un refus ou un rejet, mais aussi des sanctions financières dont le réseau était bénéficiaire.
Les dirigeants de la profession pouvaient être fiers de cette unité parfaite, aucune tête ne dépassait. Tout fonctionnait tellement bien que le réseau « Notaires de France » fut introduit en bourse et devint même la plus grande société de services du CAC 40. C’est alors qu’un consortium de grandes banques nationales, alliées à un fonds de pension américain, lança une OPA et racheta le réseau « Notaires de France »…
Et je me suis réveillé.