Le prochain congrès du Mouvement Jeune Notariat aura lieu à Berlin du 6 au 10 octobre. Hugues Baudère et Jacques Charlin, co-présidents de cette 41e édition, nous en disent plus…

 

 

Notariat 2000 : Le sujet de votre congrès est le « respect de la vie privée ». En quoi ce thème peut-il intéresser le notariat ?

Hugues Baudère : C’est une question qui en appelle une autre : « à quoi sert un notaire ? ». Remplit-il uniquement le rôle d’un percepteur pour les mutations ou doit-il permettre au citoyen de gérer sa vie au mieux de ses intérêts et en conformité avec la loi ? Autrement dit, enregistreur au sens anglo-saxon ou confident au sens du droit romain ? C’est là la problématique… Le notaire a toujours brisé les barrières de la vie privée et les nouvelles technologies amplifieront cela. Il est essentiel d’en prendre conscience pour limiter ces atteintes à la stricte nécessité sociale. L’éthique est en effet au cœur de la démarche notariale. Elle justifie principalement la confiance que nous inspirons au public et l’intérêt que nous portons à la défense d’une liberté fondamentale de nos concitoyens.

 

Notariat 2000 : Qu’est-ce qui a présidé à toutes vos réflexions ?

Jacques Charlin : C’est bien évidemment l’art.9 C.c. (1) : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Sans oublier l’article 12 de la C.E.D.H (2) : « Toute personne a le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Bien sûr, cette liberté publique connait des limites. Soit dans l’intérêt général (que l’on confond souvent en France avec l’intérêt de l’État), soit dans l’intérêt d’autres particuliers ayant droit au respect de leur vie privée. Le rôle du notaire a donc été revisité avec cette double nécessité de respecter la vie privée et de limiter son non respect…

 

Notariat 2000 : La position du notaire est-elle tenable aujourd’hui compte-tenu de cette double nécessité ?

Jacques Charlin : Notre situation d’arbitre est effectivement inconfortable, car le notaire doit défendre un client désarmé face à un Etat qu’il représente aussi et dont les exigences deviennent de plus en plus tentaculaires. Ainsi, en tant qu’authentificateur, le notaire doit indiquer, dans les actes, un certain nombre de mentions relatives à la vie privée du client. Sont-elles toujours nécessaires à la sécurité juridique ? Certains processus de l’authentification ne doivent-ils pas être revus ? Par ailleurs, les nouveautés technologiques, l’informatique qui permet l’acte électronique, ont multiplié les risques de diffusion d’informations et donc d’atteinte à la vie privée. Il existe heureusement la CNIL ! De nombreuses règlementations s’imposent à tous les manipulateurs de fichiers électroniques, mais le notariat est-il toujours respectueux des normes en la matière ?

En ce qui concerne les limites au respect de la vie privée, le notaire a besoin pour officier de renseignements touchant la vie de ses clients et remontant parfois à plusieurs années. Il ne doit pas pour autant passer pour un inquisiteur, un juge d’instruction du patrimoine. Il doit expliquer la règle nécessitant ces révélations personnelles. Bien sûr, si le client ne souhaite pas faire les démarches nécessaires à la collecte des renseignements, le notaire lui proposera d’agir pour son compte, auprès des tiers notamment. Il faudra alors insister sur la nécessité d’avoir un mandat signé par le client.

Au final, c’est une situation explosive pour le notaire ! D’un côté, il doit se désengager de l’inquisitorial pour garder la confiance de son client ; de l’autre, il doit être surperformant dans le questionnement pour satisfaire un État de plus en plus agressif à raison de la législation TRACFIN…

 

Notariat 2000 : Qu’attendez-vous de ce congrès ?

Hugues Baudère : Une prise de conscience tant des notaires que des pouvoirs publics quant au rôle des corps intermédiaires dans la société française. Nous avons aussi une attente plus ponctuelle : lorsque nous avons présenté le congrès MJN au congrès national à Bordeaux, nous avons ressenti une grande émotion dans le corps notarial à l’évocation de la nouvelle règlementation TRACFIN. Jamais les notaires n’accepteront de « ficher » leur client à la dérobée. Il s’agit là d’une question d’éthique essentielle. Nous attendons donc un sursaut de la profession qui, comme le SNN, devrait être totalement solidaire de notre démarche… et nous espérons une réaction du législateur ! Il nous paraît important qu’il prenne en compte la spécificité de son notariat avant d’appliquer, de manière trop zélée, les directives européennes. Il nous a également paru utile de faire apparaître la profession notariale comme respectueuse de la règlementation CNIL. Il est important que le public, là encore, nous conserve sa confiance…

 

1. loi n° 70-643 du 17 juillet 1970. 2. Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, applicable sur notre territoire depuis le 4 mai 1974.