Eric Nicolaï répond aux questions de Maurice Urvoy Le colloque organisé par le Syndicat des Notaires et dont il est rendu compte page 36 est une occasion d’évoquer la réalité pour ce qui est des notaires salariés dans les Offices. Notre rédacteur Maurice Urvoy a interviewé Eric Nicolaï, notaire salarié dans la banlieue parisienne.
Notariat 2000 : Éric, tu es donc notaire salarié depuis l’an dernier dans un office plutôt important, quelles sont tes réflexions à ce titre, considérant le fait que tu étais collaborateur dans le même office depuis 10 années ?
Éric Nicolai : J’ai d’abord ressenti cette nomination comme un témoignage de reconnaissance par les titulaires de l’office. C’est indéniablement une promotion. Cependant, je considère la fonction de notaire salarié comme une étape et non une fin en soi. L’ambivalence du statut – fonction d’officier public et lien de subordination à un employeur – crée rapidement une forme d’instabilité, des difficultés à définir les rôles et, donc, un flottement nourri de modestes conquêtes et petites concessions. Il est donc impératif, au départ, de définir soigneusement la place du notaire salarié dans l’étude : son mode de rémunération dans tous ses aspects et son évolution, les modalités de son intégration dans l’équipe dirigeante, sa présentation à l’égard de la clientèle, mais aussi du personnel. Certaines études affichent sur leur papier à en-tête le notaire salarié à stricte égalité avec les notaires titulaires ; d’autres études choisissent à l’excès de ne pas même le signaler…
Notariat 2000 : A ton avis, pourquoi ce statut, voulu par la profession et en place depuis 1993, n’a-t-il pas attiré davantage de diplômés ?
Eric Nicolai : Je pense que ce sont plutôt les notaires « employeurs » qui n’étaient pas attirés, sans doute par méfiance à l’égard d’un statut qui confère la même délégation de puissance publique à un employé. C’est bien le plus déconcertant : comment diriger son préposé qui est tout à la fois son confrère ? Il y a donc eu un temps d’inertie prévisible, un temps pour voir comment le voisin allait s’y prendre. Mais on voit peu à peu le statut prendre son essor à Paris et en région parisienne. Du côté des diplômés en attente, le statut de notaire salarié est difficile à atteindre parce qu’il est fondé sur un rapport de confiance dont l’origine est le temps pour certains ou le lien familial pour d’autres. On a pu imaginer qu’il pourrait servir de cadre à des fiançailles en prévision d’une future association. Mais la formule semble peu usitée et la mise à l’épreuve peut aussi sûrement concerner un notaire assistant ou stagiaire.
Notariat 2000 : En fait, pour le salarié mais aussi pour le notaire employeur, quel est vraiment l’avantage d’une situation de notaire salarié par rapport à celle de notaire assistant ?
Éric Nicolai : Le notaire salarié est un officier public à part entière. La seule restriction est qu’il ne peut habiliter un clerc de l’étude. En dehors de cette exception, il peut recevoir tous actes et signer les copies. Sur un plan pratique, il peut le remplacer sans restriction pendant les périodes de congés ou un quelconque empêchement. Le notaire assistant est titulaire du diplôme d’aptitude à exercer la profession de notaire. Mais au strict plan des attributions, n’oublions pas que le notaire assistant n’est pas forcément habilité à recevoir les actes.
Notariat 2000 : Des améliorations au statut peuvent-elles entraîner une augmentation du nombre des notaires salariés ?
Éric Nicolai : C’est difficile d’y voir clair. S’il existe bel et bien un statut de notaire salarié, son succès dépend de l’évolution des mentalités. Aujourd’hui, le notaire salarié est regardé avec circonspection par les employeurs qui hésitent à le considérer comme un confrère et par les clients qui perdent leur latin avec la multiplication d’appendices à la fonction : salarié, assistant, stagiaire et encore « associé » (appellation que l’on continue d’utiliser alors qu’elle a été officiellement abandonnée depuis plus de 10 ans…). Je pense que la difficulté de promouvoir le statut de notaire salarié, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Le vrai problème, c’est la mise en valeur du personnel. C’est enfin comprendre (et pas seulement le dire) que la véritable richesse de notre profession, celle qu’on nous envie, c’est la qualité, la diversité des compétences du personnel des études. On s’émeut enfin de l’avenir de la profession en se préoccupant des jeunes. C’est bien. J’en profite d’ailleurs pour rappeler que Jeune Notariat sonne frénétiquement le tocsin depuis des années (notamment Congrès « Atout Jeunes » à Ajaccio en 1988) et a bien du mal à se faire entendre. Mais la question des jeunes, ce n’est pas tout. Il faut certes donner envie d’entrer dans notre profession, mais aussi envie d’y rester. Combien de perles sont parties grossir les rangs des banques, des assurances et des promoteurs ? Combien sont partis soulagés en retraite anticipée et combien restent désabusés ? Alors oui, il faut offrir des statuts attractifs, comme celui du notaire salarié, mais il faut aussi songer sérieusement à bâtir un écrin pour le personnel notarial. Sans passion, avec raison.