Les Centres de formation professionnelle notariale (CFPN) donnent-ils satisfaction ? Enquête non exhaustive auprès d’un panel de notaires et d’étudiants, issus de toute la France (1).
Les centres de formation professionnelle notariale (CFPN) donnent, dans l’ensemble, satisfaction. 71 % des personnes interrogées ont une opinion plutôt positive. Qu’il s’agisse de notaires, de notaires assistants ou de notaires stagiaires. Ainsi, un notaire d’Indre-et-Loire nous dit garder un « souvenir impérissable » du CFPN de Poitiers où il a reçu « une formation concrète, intense, pratique et complète ». Son confrère du Lot-et-Garonne (qui dépend du CFPN de Bordeaux) ne partage pas son euphorie : « il est utile de rappeler qu’avec l’article 107, nous contribuons tous, via le CSN, aux déficits de ces centres sans avoir un droit de regard sur le choix de leurs enseignants ou sur leur gestion qui est, dans 9 centres sur 10, déficitaire ».
La qualité de l’enseignement
Globalement, l’enseignement proposé par les CFPN donne satisfaction. Notre panel se dit à 63 % satisfait des matières au programme. 61 % apprécient la variété des cours dispensés et 47 % approuvent la répartition des horaires affectés à chaque matière. Les enseignants tirent, à quelques exceptions près, leur épingle du jeu : notre panel les définit comme compétents dans 58 % des cas (même si 20 % déplorent un niveau insuffisant).
• Du côté des notaires, Céline Delpech (Indre-et-Loire) tape en touche lorsqu’il s’agit de se prononcer sur la qualité des enseignants du CFPN de Poitiers : « Je ne suis pas en mesure de préciser si le niveau très moyen des stagiaires que j’ai reçus vient de ces derniers ou de leurs enseignants ». Sur le terrain, beaucoup d’autres notaires déplorent le savoir « trop théorique » de leurs stagiaires. Ainsi, dans le Bas-Rhin, Me Bordzakian note de « nombreuses lacunes sur des notions de base ». Il explique cela par le fait que « la majorité des cours (du CFPN de Lille) est enseignée par des chercheurs du Cridon (…). Les étudiants en ressortent avec une tête bien pleine, mais mal organisée ». Même constat pour Me Delayat (Saône-et-Loire) qui dépend du CFPN de Lyon : « on se demande parfois si les étudiants, après toutes ces années d’études, sont bien au fait de notre profession, surtout lorsque je vois toutes les bases qui ne sont pas acquises et que je dois leur réapprendre (…). La faute à qui ? Aux élèves, aux enseignants… ou au programme ? ».
• Du côté des étudiants, beaucoup souhaiteraient approfondir certaines matières, voire se familiariser avec d’autres. A Lyon, Guillaume (qui est globalement satisfait du CFPN dont il dépend) trouve dommage qu’il n’y ait pas de cours de rédactions d’acte, voire d’informatiques (notamment sur les logiciels de rédaction) pour être plus rapidement opérationnel à la sortie du CFPN. Sébastien, de son côté, aimerait travailler davantage « la rédaction des clauses, l’enchaînement des éléments, les ajouts en fonction des cas d’espèce ». Claire voudrait plus de cours pratiques « surtout en droit des sociétés et urbanisme (formalités, etc.) ». À Clermont-Ferrand, Denis est globalement enthousiaste. Il aimerait toutefois que soient dispensés des « cours d’expertise comptable, de fiscalité plus approfondie, d’anglais axé sur le notariat, voire de psychologie ». Marie, qui dépend du CFPN de Nancy, regrette qu’il n’y ait « aucune préparation au métier de notaire concernant la réception de la clientèle, la lecture d’un acte… ». Ici et là, l’aspect « petite promo » du CFPN de Poitiers est mis en avant : « nous pouvons nous aider, les profs sont disponibles » lit-on. Toutefois, certains (ils sont minoritaires) jugent la qualité des enseignants « inégale » et l’enseignement « trop théorique ». « Aucune distinction n’est faite lors de l’enseignement entre les étudiants venant de la fac et ceux qui sont premiers clercs, témoigne une jeune diplômée. Or, le niveau entre ces deux catégories d’étudiants est très différent. La théorie est maîtrisée par ceux venant de la fac mais ils n’y connaissent rien quant à la pratique, tandis que la pratique est maîtrisée par les premiers clercs, mais leur connaissance théorique est plus légère. Leur faire suivre les mêmes cours n’est pas judicieux ».
A Montpellier, l’indice d’insatisfaction est très fort. Plusieurs stagiaires déplorent le fait que certaines matières soient délaissées (droit rural par exemple). « Les matières sont survolées dans les grandes lignes ». Ils se montrent critiques quant à la qualité des enseignants. « La majorité des cours sont donnés par le même professeur » nous dit un stagiaire. « Les cours sont dispensés à hauteur de 50 % par des notaires à la retraite, pour le surplus par des praticiens en exercice, mais il n’y a aucun universitaire », écrit un autre. « Certains intervenants sont dépassés, nous confie un jeune, le contenu des cours est parfois obsolète ». Ce dernier point est signalé à plusieurs reprises. Un stagiaire explique que beaucoup de cours théoriques ont été vus deux ans auparavant, mais que certains cours au programme sont complétement zappés. A l’arrivée, de nombreux étudiants du CFPN de Montpellier ont le sentiment de ne pas être bien préparés aux examens.
Les horaires et la concertation
L’adaptation des horaires de cours par rapport aux horaires de travail convient à 59 % de notre panel. En revanche la concertation avec les dirigeants de CFPN laisse plus à désirer : 35 % la trouvent insuffisante et 29 % la jugent « moyenne ».
• Quelques notaires émettent des suggestions. Me Costes (Isère) qui a une opinion plutôt positive sur le CFPN de Lyon, aimerait avoir « un suivi plus précis des étudiants en poste dans les études et qui suivent les cours ». En Savoie, son confrère trouverait opportun que les étudiants ne soient pas absents plus d’un jour par semaine et que les examens n’aient plus lieu au mois de juin et décembre car cela éviterait de « désorganiser le travail des petits offices ».
• Du côté des étudiants, les avis sont nuancés selon les CFPN dont ils dépendent. « Les locaux mériteraient un coup de neuf » écrit un jeune stagiaire à Nancy. A Strasbourg, certains disent n’avoir vu le Directeur du CFPN « qu’à la rentrée » et appellent de leurs vœux « une meilleure organisation au niveau administratif ». A Lille, on dénonce une « mauvaise organisation concernant le DSN (horaires, sujets, planning, etc.) ». « Le nombre d’heures de cours n’est pas toujours respecté » nous dit-on également. A Rennes, c’est l’adaptation des horaires par rapport au travail qui est remise en cause par Noémie, en DSN. « Il serait préférable d’être absent 1 jour par semaine (le vendredi par exemple) plutôt qu’une semaine entière dans le mois ». A Bordeaux, un jeune homme déplore un manque de communication entre le CFPN et les étudiants. « Pourquoi ne pas recourir aux mails pour prévenir des absences ? » interroge un jeune diplômé. A Paris, une jeune femme ne cache pas son mécontentement. « Nous disposons de deux fois moins d’heures de cours que la réglementation l’exige et nous payons le même prix. Sur quel motif cela est-il justifié ? Par ailleurs, la théorie reste l’unique point d’enseignement alors que la pratique semble l’élément essentiel de l’apprentissage ». Enfin, le torchon brûle à Montpellier où rien ne va plus entre les étudiants et les dirigeants du CFPN. « Il n’y a aucune communication, ni suivi avec les dirigeants de notre CFPN » nous disent de nombreux étudiants. « Les résultats d’examen sont donnés deux jours avant les oraux ». Un autre étudiant enfonce le clou : « On ne connaît la date d’affichage des résultats d’examen que le matin même et le Centre refuse de communiquer les sujets posés les années antérieures ». « Les informations quant à la rédaction du rapport de stage sont données au compte-gouttes, quand on ne refuse pas de les donner » témoigne un autre jeune. Plusieurs stagiaires se plaignent de l’emploi du temps qui n’est « pas fixe » et qui est « toujours donné au dernier moment », ce qui est « très compliqué en termes d’organisation à l’étude ».
Gros plan sur le CFPN de Montpellier
Y aurait-il corrélation entre le nombre important de réponses et le niveau élevé d’insatisfaction qui s’en dégage ? Sur 33 réponses (1/3 de notaires, 2/3 de non notaires), 71 % d’opinions plutôt négatives contre 29 % plutôt positives, ces dernières étant nettement plus élevées chez les non notaires. Globalement, la qualité de l’enseignement regroupe de façon équilibrée les satisfaits et les non satisfaits. En revanche, les critiques portent surtout sur la variété des cours dispensés (39 % d’opinions négatives pour 26 % de positives), la qualité des enseignants (58 % d’opinions négatives contre 17 % de positives), l’adaptation des horaires de cours par rapport aux horaires de travail (52 % contre 22 % de positives). Les critiques atteignent des sommets pour ce qui est de l’adaptation des horaires affectés à chaque matière (72 % contre 10 %), et aussi à propos de la concertation avec les dirigeants du CFPN (73 % de mécontents pour 13 % de satisfaits). La mauvaise qualité de cette concertation étant stigmatisée tant par les étudiants que par les notaires.
1. Les CFPN les plus représentés sont Montpellier (25 %), Lyon (13 %), Paris (10 %), suivis de Nancy (9 %), Poitiers (8 %), Bordeaux et Aix-en-Provence (7 % chacun). Viennent ensuite Toulouse (6 %), Strasbourg et Rennes (4 %), puis Lille (3 %). Notre panel est composé à 43 % de notaires. Les 57 % restants sont répartis entre les notaires assistants (27 %) et les notaires stagiaires (27 %).