Suivre le cursus classique de la formation notariale et un jour se présenter au concours national pour postuler à une création d’étude, réussir ce concours, choisir le site, embarquer toute sa famille dans l’aventure, trouver un local professionnel, l’aménager, accomplir d’innombrables démarches, puis s’attaquer aux visites protocolaires et attendre les premiers contacts, les premiers rendez-vous… Quel périple ! Combien de désillusions, de sacrifices, de découragement avant de tenir entre ses mains le Sceau de la République ! C’est en songeant à ce parcours du combattant que je me suis rendu à l’office notarial de deux jeunes consœurs installées depuis peu…

 

Deux camions d’artisans dans la cour, une entrée jonchée de gravats, un hall de réception dans lequel tout reste à installer. Face à moi, une jeune femme qui éprouve encore de la difficulté à dire qu’elle est le maître des lieux. Elle me fait entrer dans son bureau qui sent encore la peinture et dégage un confort moderne. Je lui expose mon projet de l’interviewer pour N2000 afin de rapporter ses difficultés, ses réussites, son opinion sur la profession et éventuellement ce qu’il faudrait modifier, voire réformer. Elle se prête de bonne grâce à la discussion. Elle apparaît sûre de son choix, au cœur de l’action, tendue vers son but, mais sans stress inutile. Son destin l’a conduite dans la maison qu’elle occupe pour développer calmement une carrière notariale classique, proche de sa clientèle, en harmonie avec son environnement. C’est ce qu’elle pense. Elle est déterminée à s’inscrire dans le maillage notarial qui assure une présence juridique sur le territoire national.

 

16 mai 2008

Le 16 mai 2008 fut le jour le plus difficile de sa vie. A peine une heure pour en parler en famille, quelques minutes pour choisir le site en fonction de son rang au concours. Tout a basculé à partir de cette décision qui fut le choix de sa vie. Elle regrette que les textes autorisent la participation à un nouveau concours et un deuxième choix qui lèsera des candidats précédents. Elle déplore également que la non installation de certains conduise à laisser vacants des offices créés. Mais elle n’en fait pas une affaire d’Etat. Le Procureur et la Présidente du TGI ont été si accueillants. Quant à la secrétaire de la Chambre, elle a été d’une efficacité hors pair ! Elle est à fond ! Elle trouve exaltant de créer un office notarial, de l’organiser à son gré, de partager son expérience avec les autres créateurs d’office. La comptabilité, c’est ce qu’il y a de plus difficile, mais comme elle n’a pas beaucoup de travail en ce début d’exercice, elle en profite pour se mettre au point. Ca tombe bien n’est-ce pas ? D’ailleurs, ne dit-on pas qu’« il ne faut compter que sur soi » !

 

Un autre témoignage

Il fallait vérifier ce bonheur. J’ai donc accompli une seconde visite, chez une consœur qui a choisi un village inclus dans une grande métropole. Une belle et charmante jeune femme m’accueille et me fait visiter une villa élevée sur sous-sol à laquelle on accède par une cour à usage de parking. L’intérieur est parfait, sobre mais de bon goût. Elle me dit qu’elle a adoré son poste de rédactrice et les relations avec ses collègues de travail, mais qu’après 9 ans de bons et loyaux services, elle s’ennuyait. Le Concours a constitué le déclic. Tout restait à faire, mais lorsque le chemin est celui que l’on a choisi, il ne reste plus qu’à l’entreprendre avec l’idée de prendre du plaisir. C’est ce qu’elle fait, avec un naturel déconcertant et une volonté à peine visible, mais que l’on perçoit dans les détails qui l’entourent. C’est évident, elle n’est pas là par hasard ! Elle laisse échapper qu’issue du Concours, elle « marche sur des œufs » ; elle a parfois l’impression (en pensant aux confrères) de prendre quelque chose à quelqu’un, mais dans le village où elle s’est installée, il n’y a heureusement pas de confrères. Et puis, la solidarité entre notaires-créateurs aide à poursuivre. « Finalement le Concours, c’est mieux que de quémander une place dans une SCP », lâche-t-elle. Puis elle ajoute : « on ne connaît pas celui avec lequel on s’associe et on ne connaît pas l’étude … c’est aller à la pêche dans un torrent en crue, incertain et dangereux ! Tandis que la création c’est une aventure riche en émotions et pleine de rebondissements, une aventure humaine extraordinaire. On peut se dire : ce que je fais, je ne le dois qu’à moi ». Elle aussi est optimiste, elle aussi croit au notariat et me montre son Sceau avec une émotion réelle ; elle aussi encourage les jeunes à participer au Concours, une vraie opportunité qui n’est pas appréciée à sa juste valeur ! C’est tellement évident : les gens heureux n’ont pas d’histoire.