Pour son premier congrès à Rome, l’Europe notariale a pris une initiative inattendue, mais courageuse et, à tout prendre, opportune : inviter notre Satan bruxellois en la personne de Sandra de Waele. Elle s’est exprimée devant l’aéropage notarial au nom de la redoutée Direction générale de la concurrence de la trop fameuse Commission européenne, chargée de tous les péchés capitaux !
Saisir cette opportunité est assurément signe de vitalité. Mieux vaut entendre et mieux encore « écouter ». Ce qui fut fait et rapporté dans notre numéro de décembre (N2000 n°471, pages 6-10), tout particulièrement dans l’article de Maria-Antonietta Cossu, mais aussi dans la revue du CSN, Notaires/ Vie Professionnelle de janvier (n°255, page 29) qui reprend l’intervention de Mme de Waele. Intervention des plus instructives si l’on veut bien lire entre les lignes. La concurrence bruxelloise marche sur des œufs, mais n’en doutons pas un instant, elle avance ses pions avec précaution et attention. Telle la tortue de la fable lentement, mais sûrement, pour in fine, atteindre le poteau d’arrivée en vainqueur !
Décryptage
Que veut nous faire entendre Sandra ? D’abord, nous voilà compris, entendus, flattés, reconnus : nous adorons ce genre de discours ! Pour la Commission, l’exercice d’une profession libérale, donc du notariat, peut être « étroitement lié à l’intérêt public ». C’est un secteur « complexe et délicat », « tout changement doit être mûrement réfléchi ». Il doit s’agir « de changements volontaires ». Certains services notariaux sont des « biens publics ». « Pas question de supprimer toute réglementation » (…), « il ne faut pas non plus perdre de vue que le respect pour la déontologie est le devoir de chaque notaire et que ce devoir reste inchangé, même dans un contexte moins réglementé ». Le notaire « donne des consultations juridiques ». Voilà un discours que nos oreilles aiment entendre. Cela s’appelle « marcher sur des œufs »… sans omettre d’en casser beaucoup, mais avec quelle élégance ! Après la carotte, le bâton ! Décryptage. Il s’agit « d’améliorer la réglementation » pour faciliter « la promotion de marchés concurrentiels ». Notre classement est celui « des services » , ni plus, ni moins. On évite soigneusement d’évoquer l’authenticité. Quèsaco ? On met en avant une meilleure législation, mieux adaptée au monde moderne pour relancer la croissance et améliorer les services aux consommateurs. Que nous reproche-t-on ? Les prix, l’absence de publicité, d’accès, l’autocontrôle et le monopole, rien que ça ! Pire, il est suggéré que les agents immobiliers, les prêteurs, les promoteurs auraient même vocation concurrentielle que nous. Pour clôturer ce feu d’artifice, il est sous-entendu, in fine, que nous ne saurions tout faire, autrement dit : « exit tout développement ! Donnez vos coups de tampons et restez sagement sous vos illustres panonceaux ! ». Merci Sandra !
Que faire ?
Que dire, que décider ? Voilà certes un challenge intéressant, plus encore, capital. Vaut-il mieux : • ne rien dire, courber l’échine et attendre que l’orage passe ? • réagir diplomatiquement dans l’ombre pour installer quelques paratonnerres ? • Ou encore réfléchir, mais vite, puis décider s’il vaut mieux s’arcquebouter pour refuser d’un bloc toute évolution ou accepter celles qui, de toute façon, nous seront imposées afin de sauver l’essentiel ? Et choisir ce qui, pour le notaire, est non négociable ? Et le dire, haut et fort, avec autant d’habileté diplomatique que Sandra… Certes le pain est abondant sur notre planche, alors, courage !