Par Valérie Ayala, Aline Boyer

 

Existe-t-il des « tabous » dans le notariat ? Et si oui, quels sont-ils ? Notariat 2000 a mené l’enquête auprès d’un panel de notaires, abonnés et non abonnés à la revue. Bien que cela n’ait pas été du goût de tous (« Vous faites honte à notre profession » nous écrit-on notamment dans la Somme), bon nombre d’entre vous ont joué le jeu et ont répondu, sans tabou, à nos questions !

 
 
Pour la grande majorité des notaires interrogés (88 %), le notariat n’échappe pas aux « tabous ». Pour Marcellin Sigonneau (Indre-et-Loire), cela s’explique par le fait qu’il faut « montrer une certaine docilité aux pouvoirs publics et ne faire aucune vague ». Pour beaucoup, c’est surtout « culturel ». Ainsi, pour Patrick François (Val-de-Marne), tout est lié au respect du secret professionnel « qui n’a pas su trouver ses limites », d’où les tabous. Il en résulte souvent, comme le note Grégoire Bauchy (Loiret), « des conduites stéréotypées » qui résultent de la discipline et de l’obligation de réserve. « La communication, même entre confrères, d’idées ou propositions, est suspectée de porter atteinte à l’unité du notariat ou d’être contraire à la discipline » témoigne d’ailleurs Régis Huber, (Yvelines). Revers de médaille : les idées descendent généralement du sommet et excluent la base… En externe, cette carence en communication, doublée d’un excès de discrétion, n’est pas toujours bien perçue par le grand public, ni par les médias. « Notre profession a toujours donné l’impression de faire partie d’une caste de privilégiés » regrette Gérard Barbe (Sarthe). « L’image du notaire à l’égard du public reste trop poussiéreuse et manque de dynamisme. Il nous faut apprendre à jouer carte sur table et à expliquer aux clients le service rendu et le temps passé. Tout cela demande un effort de chacun de nous, mais c’est le prix à payer pour notre survie » écrit son confrère Jacques Neel (Indre-et-Loire).

 

Les tabous spontanément cités

Deux grands tabous sont spontanément cités par notre panel.

 

1. Le manque de transparence sur le coût des prestations.

Pour bon nombre de notaires interrogés, c’est au niveau des honoraires que le bât blesse. « Il y a des actes dont les honoraires sont difficilement justifiables » constate Jean-Paul Brom (Haut-Rhin). Même avis pour Gérard Barbe (Sarthe) : « Si notre tarif est maintenant clairement expliqué, il n’en est pas de même des divers honoraires article IV, transaction et autres ». D’une façon générale, c’est tout ce qui touche à l’argent (rémunération des collaborateurs, notaires, heures sup’…) qui est tabou dans le notariat selon Alexis Acreman (Puy de Dôme). Toutefois, comme le constate Guillaume Cauët (Indre), l’argent n’est-il pas un tabou quelle que soit la profession ? À moins que, comme l’écrit Philippe Mazuy (Sarthe), « le monde feutré et bien éduqué du notariat » fasse sa petite révolution ? « La transparence viendra peut-être un jour… ».

 

2. L’omerta sur le coût réel des assignations et procès diligentés contre quelques notaires.

Pour ce lecteur malicieux qu’est Jacques Dalibon (Seine-et-Marne), l’existence même de Notariat 2000, « revue lue par tous les notaires qui s’autorisent à écrire sur tout ce qui déplait aux chefs », témoigne que la profession est sans tabou. Après réflexion, il relève pourtant un tabou : l’omerta sur le coût réel des assignations et procès diligentés contre quelques notaires (lire à ce propos l’article « Echardes » de Jean-Claude Bigot page 16/17). Rembourser « de quelques euros symboliques » ceux qui n’ont jamais de plaintes et afficher le tableau des mauvais élèves à l’entrée des AG seraient, selon lui, des solutions susceptibles d’y mettre fin. Pour un de ses confrères de la Sarthe, il faudrait que le Président de la Chambre puisse convoquer le confrère avec le client si la situation est compliquée car « les réponses fournies ne sont pas toujours assez lisibles ». « Les confrères malhonnêtes devraient être exclus de la profession », écrit Georges Teilliais (Loire-Atlantique). Il déplore au passage que beaucoup « font l’objet de protections locales » et en profite pour souligner le manque de formation, voire le niveau juridique insuffisant, de certains de ses confrères. Une sonnette d’alarme également tirée par Christiane Schoepff (Alpes-Maritimes) qui estime que cela « mériterait qu’on en parle au niveau des instances ». Et si le vrai problème était là ?

 

Les sujets les plus tabous…

 

Locaux ou nationaux ?

Les tabous, ça va et ça vient selon la « mode du pays ». Ainsi, 65 % de notre panel pensent qu’il existe des « tabous locaux » : par exemple, certains « silences entendus », « les transferts de dossiers de ventes par les agences chez leurs amis notaires », les comptes des Conseils régionaux, ou encore « le prix du soleil dans les cessions d’office du sud de la France ».

 

P.-S.

NDLR : D’autres tabous ont été relevés par notre panel : les cotisations aux instances, le 1% CDC, Real… Pour Nathalie Andrier, notaire en Haute-Savoie, le statut du notaire salarié est un tabou. Il doit être réformé pour être considéré comme un « notaire à part entière par rapport à la clientèle, avec des restrictions de ses pouvoirs (vote du budget) par rapport à nos structures ». Vieux serpent de mer, les élections démocratiques sont souhaitées à plusieurs reprises, notamment pour l’organisation du Conseil Sup’…