Pour Régis Legrand, notaire à Lure (Haute-Saône), la profession est fortement menacée par l’Europe. Et de constater qu’hormis quelques informations données dans les revues professionnelles, aucun mouvement de masse ne s’élève contre un projet qui risque à court terme d’anéantir le rôle du notaire et voir la profession disparaître. « Les notaires pris individuellement en parlent, mais ne réagissent pas », écrit-il. Il nous livre ces réflexions et invite ses confrères à donner leur avis.

 

« L’Europe se fait menaçante à l’encontre de certaines professions, comme la nôtre. Le commissaire à la concurrence, Neelie Kroes, souhaite libéraliser dans le but déclaré de voir diminuer les frais du client par le jeu de la concurrence. Or, à deux reprises, il s’est avéré que la libéralisation d’un tarif a eu pour effet d’augmenter les honoraires. Ce fut le cas, en 1986, pour les actes notariés hors monopole : les honoraires de la concurrence étant nettement plus élevés que le barème notarial, la presque totalité des notaires a augmenté le pourcentage de perception. Ce fut également le cas dernièrement avec la fin du monopole des commissaires-priseurs : leurs frais qui étaient de l’ordre de 10% sont passés à 15% environ. En second lieu, et ce n’est pas le moindre, la fin du monopole de l’immobilier, s’il était également inscrit dans les vœux européens, irait à l’encontre de la sécurité juridique des transactions. Qui mieux que le notaire, généraliste dans tous les domaines du droit et seul reconnu à ce titre, pourrait être habilité à régulariser même un simple acte de vente ? Je ne connais aucune profession capable de maîtriser parfaitement le droit de la capacité, le droit immobilier, le droit de la construction, le droit de la famille et le droit fiscal pour ne citer qu’eux. Or, le monopole de l’immobilier a été conféré au notaire en 1956, justement parce que c’était le seul professionnel capable de gérer toutes les situations et de mettre fin à l’anarchie qui régnait à l’époque dans ce domaine. Il suffit de demander l’avis des conservateurs des hypothèques qui ont l’expérience des ventes judiciaires des avocats et des actes administratifs et qui, même si les rejets-refus des notaires les excèdent, ne demandent absolument pas à changer d’interlocuteur, reconnaissant dans le notaire le seul professionnel capable de gérer l’outil immobilier. Enfin, mais je sais que l’état français défend ses notaires, il est plus simple de gérer les quelque 4000 études de notaires prises en leur qualité de percepteur des droits que d’en étendre le nombre et de voir un accroissement énorme des sinistres. »

Régis Legrand (Haute-Saône)