Crise oblige, c’est devant une assemblée moins nombreuse (2600 participants selon les organisateurs) mais plus studieuse, que s’est tenu, du 17 au 20 mai à Lille, le Congrès national des notaires sur le thème : les « propriétés incorporelles ». A l’arrivée, un parcours sans faute pour l’équipe de rapporteurs conduite par Didier Froger (Cher) et Didier Coiffard (Ain). Les 22 propositions visant à réguler les échanges économiques ont en effet toutes été adoptées !
À chaque congrès, sa grand’ messe. A Lille, les congressistes ont été chaleureusement accueillis par Thierry Lammens, Président de la Chambre des notaires du Nord et Patrick Baert, Président du Conseil régional Nord-Pas-de-Calais. Lors de son intervention, Martine Aubry s’est attachée à défendre avec conviction le notariat, s’opposant fermement à l’idée d’un acte sous seing privé contresigné. « A chacun son métier » s’est-elle exclamé, ce qui n’a pas été pour déplaire à l’assemblée. L’intervention du Président Ferret était très attendue car c’est la première fois qu’il s’exprimait au congrès national. Faisant fi de toute langue de bois, il a su relever le défi et se montrer aussi convaincant que convaincu. Après avoir rappelé que « le notariat est un pilier de notre système juridique », Jean-Pierre Ferret a souhaité que l’Etat « confirme sans ambiguïté sa confiance en la profession ». Un message entendu par le Garde des Sceaux qui a réitéré son engagement à l’égard de la profession (« Merci d’être ce que vous êtes et sachez que vous me trouverez toujours à vos côtés » a-t-elle déclaré). Le Président Ferret a également fait part au garde des Sceaux d’un certain nombre d’interrogations, avec en toile de fond le rapport Darrois et la crise conjoncturelle…
• Acte d’avocat : C’est, comme l’a rappelé Rachida Dati, « la proposition la plus attendue par les avocats ». Le Président Ferret a souhaité que le Barreau cesse « d’entretenir la confusion avec l’acte authentique, laissant croire à une sorte d’équivalence trompeuse pour le non juriste alors que la responsabilité et les garanties offertes sont loin d’être identiques ». Le Garde des Sceaux a clairement indiqué que « l’acte contresigné par un avocat ne peut être un substitut d’acte authentique », sans toutefois préciser si les deux cohabiteraient…
• Grande profession du droit : Me Ferret s’est dit disposé à coopérer à l’élaboration de certaines propositions du rapport Darrois visant à renforcer la coopération au sein de la communauté de juristes. Le préalable à toute coopération reste cependant la bonne foi des avocats. « Si nos interlocuteurs cessent de proclamer que le rapport Darrois n’est qu’une étape dans une stratégie de conquête, s’ils arrêtent d’entretenir la confusion entre nos missions et leurs prestations, si la bonne foi est enfin à l’honneur, alors le notariat est tout à fait prêt à rétablir entre les instances le dialogue et l’harmonie ». La création d’un Haut conseil des Professions du Droit ne pourra se faire que dans un climat de confiance retrouvée. Pour Rachida Dati, la formation continue peut être « un terrain particulièrement fécond pour travailler ensemble ». L’autre piste est l’inter-professionnalité. Un projet de décret est en cours. Il s’agit « d’ouvrir le capital des sociétés de participation financières des professions d’huissiers, de commissaires priseurs judiciaires et de notaires à d’autres membres des professions judiciaires ou juridiques. C’est déjà le cas pour les avocats. Cette réforme sera complétée par la modification de la loi du 31 décembre 1990 pour permettre à ces sociétés d’investir à la fois dans des cabinets d’avocats et dans des études notariales ».
• Crise : La profession fait face à une « chute sans précédent de l’activité n’épargnant personne ». Malgré cette conjoncture difficile, le notariat persiste « dans sa recherche d’excellence » (télé@ctes, acte authentique sur support électronique…).Pour éviter les licenciements, formations de longue durée et chômage partiel doivent être privilégiés. Au dernier pointage du CSN, on comptait 2100 salariés de moins depuis janvier, après une baisse des effectifs de 1400 personnes en 2008 (comptant notamment des départs en retraite non remplacés).
Des commissions en 4 temps C’est la 1ère fois que le droit de l’entreprise était abordé sous sa dimension incorporelle. L’occasion de rappeler que le notariat sait faire autre chose que le droit de la famille et le droit de l’immobilier. Le congrès s’est articulé en 4 « temps » forts : la simplification était le fil rouge de la 1ère commission (fonds de commerce et fonds artisanal). Pour la 2e commission (le fonds agricole), c’est la clarification qui a été le maître mot. Le temps de la construction a guidé les travaux de la 3e commission (le fonds libéral). Enfin, dans la 4e commission (le fonds du 21e siècle), ce fut le temps de l’innovation. Les 22 propositions présentées par les rapporteurs ont toutes été adoptées (elles sont disponibles sur old.notariat2000.com). Dans la 1ère commission, Antoine Dejoie (Loire-Atlantique) et Frédéric Phan Thanh (Loire-Atlantique) ont notamment proposé de réformer les mentions obligatoires et les obligations de communications comptables. Ils ont également souhaité réduire le délai d’indisponibilité du prix de cession. La 2e commission était animée par Emmanuel Clerget (Nièvre) et Colette Gasselin (Saône-et-Loire). Sur les 5 propositions, nous retiendrons notamment celle visant à améliorer le régime juridique du bail cessible hors cadre familial ainsi que celle consistant à autoriser le bénéficiaire d’un contrat de salaire différé à renoncer à sa créance du vivant de l’exploitant. Jean-Yves Mazan (Alpes de Haute-Provence) et Rémy Samson (Rhône) ont eu une approche pratique sur un sujet rarement exploré : le fonds libéral. 6 propositions ont été avancées. L’une d’elles a proposé d’instaurer un nantissement du fonds libéral et une autre de favoriser la constitution de réserves pour les entreprises individuelles et les sociétés relevant des articles 8 et 8 ter du Code général des Impôts. Enfin la dernière commission, conduite par Olivier Savary (Essonne) et Etienne Dubuisson (Dordogne) s’est penchée sur l’activité d’internet, la modernisation des fonds d’entreprises dans notre droit et surtout sur la protection de l’entrepreneur. Il a été notamment proposé d’instaurer un régime primaire des fonds, c’est-à-dire un ensemble de règles minimum communes : avoir un régime primaire des fonds. Avec audace, les rapporteurs ont également invité la salle à promouvoir une réflexion sur la protection de l’entrepreneur individuel fondé sur une personnalité juridique dédiée à son activité professionnelle. Un vœu auquel l’équipe était très attachée et dont l’adoption, si les pouvoirs publics suivent, devrait permettre de passer « un cran » comme l’a souligné le Président Didier Froger.
Baromètre du congrès
En hausse • La grogne des exposants face à l’envolée des prix des stands et la course effrénée aux cadeaux des épouses des congressistes !… • La cote du Professeur Hervé Lecuyer (Paris II) dont le rapport de synthèse a enthousiasmé la salle. Bravo !
En baisse • Les notaires venus « en touristes » : la participation aux travaux des commissions a battu des records ! • L’affluence dans les allées, y compris aux heures de pointe (pause champagne) et le nombre d’inscrits au Congrès (2600 selon l’organisation…).
Congrès 2010 C’est à Bordeaux que se tiendra, du 30 mai au 2 juin 2010 le 106e congrès des notaires de France. Il sera présidé par Damien Brac de la Perrière (Lyon). Le rapporteur général est Jean-François Sagaut (Paris). A travers 4 commissions, les congressistes seront engagés à mener une réflexion sur le thème : « couples, patrimoine : les défis de la vie à 2 ». Cela fait 28 ans que la ville de Bordeaux n’a pas accueilli le congrès des notaires. Gageons que ce sera un grand millésime !