D’après notre code de déontologie, l’intérêt du client doit prévaloir sur celui du notaire. Mais en est-il toujours ainsi dans la pratique ? Et faut-il se limiter à l’opposition intérêt du client contre intérêt du notaire ?
Prenons un exemple banal : Monsieur X désire vendre son appartement et en confie la vente à un agent immobilier, qui trouve preneur et rédige le compromis. L’acquéreur a son notaire qu’il fait mentionner au compromis. Le vendeur n’en a pas, mais l’agence fait désigner » son » notaire ( !). Jusque-là la situation est classique, même si peu logique. Mais le vendeur n’est pas en possession de son titre : il fait donc appel au notaire qui a rédigé l’acte, lequel dit le lui avoir envoyé ( ?) et lui apprend qu’il peut en refaire une copie, moyennant quelques centaines d’euros ( !). Toutefois, si le vendeur le désigne pour faire l’acte, ce sera gratuit… Est-ce bien l’intérêt du client qui est en cause et une telle situation est-elle exceptionnelle ?
« Ça dépend »
Nombre de clients ne sont pas rodés à nos subtilités, ni à nos règlements, lesquels d’ailleurs changent d’une région à l’autre. Et c’est généralement sans malice, que » nos » clients ne pensent pas à » nous » désigner pour recevoir l’acte ou les représenter, n’en voyant pas l’utilité (s’il y a d’ailleurs utilité). Mais faut-il pour autant » se raccrocher aux branches » lorsque » notre client » n’a pas compris l’intérêt pour lui de nous faire intervenir et saisir toute occasion, plus ou moins bonne, en se retranchant derrière le » règlement » ? N’aurions-nous pas intérêt à avoir une règle unique pour tout l’hexagone ? Par exemple, la minute au notaire de celui qui paie les frais ? Nul doute que cela faciliterait grandement nos relations internes, et notre communication avec le public ! Car aujourd’hui, s’il nous interroge pour savoir quel notaire reçoit l’acte, que pouvons-nous répondre à part » ça dépend » ?
Nos clients ou le fisc ?
En présence de plusieurs solutions juridiques ou techniques, on peut raisonnablement penser que l’intérêt du client est privilégié et qu’on ne lui fera pas réaliser d’actes inutiles ou contraires à son intérêt. Mais, qu’en est-il au moment de rédiger l’acte ? L’ordinateur crache les clauses au kilomètre, sans que personne ne se soucie du nombre de pages : au moins, le client en aura pour son argent ! Quant à nos clercs, ils ont pris l’habitude, avec notre aval, de tout annexer, sans se poser de questions. Par routine, peut-être avec l’arrière-pensée de nous préserver de tout risque d’hypothétique action en responsabilité… Et nous voilà avec des actes de 30 pages et des annexes qui en font au moins autant. Mais qui paye tout cela ? Bien sûr, cela ne porte jamais sur des milliers d’euros, mais ce sont certainement une ou plusieurs centaines d’euros qui s’envolent à chaque fois de la poche de nos clients au profit du fisc. Quel est notre rôle : privilégier l’intérêt du fisc ou celui de nos clients ?
Provision sur frais
Dans un autre ordre d’idée, pourquoi faisons-nous verser à nos clients une » provision sur frais » dotée, par tradition, d’un » léger » coup de pouce ? Est-ce réellement dans l’intérêt du client que » d’exiger » de lui une avance supérieure de plusieurs centaines d’euros à notre projet de facture ? Est-ce parce que nous ne sommes pas capables de faire des projets fiables ? Ou est-ce pour pallier au coût de tout rectificatif avec les hypothèques (dont nous sommes généralement responsables) ? Certes, nous annonçons généralement à nos clients, souvent avec le sourire, que nous allons leur restituer le » trop versé « , mais ne serait-il pas plus honnête de demander le montant exact de la provision ? Notre client aura sans doute un meilleur usage de cette avance forcée, qui lui sera restituée 6 mois plus tard (si tout va bien), sans compter la tentation, qui peut être grande, de juger le trop versé trop important et de l’écorner au passage. Au-delà de notre code de déontologie, qu’il faudrait toujours avoir présent à l’esprit, demandons-nous si nous pensons à l’intérêt du client, dans tous les sens du terme, à l’occasion de chaque dossier ou de chaque acte. Car, si nous étions à la place de ce client, serions-nous satisfaits ?