Les récentes polémiques de nos politiques ont remis la moralité, les conflits d’intérêts, les notions d’incompatibilités sur le devant de la scène. Mais comme en cuisine, il y a des « assemblages » délicats. Le notariat n’échappe pas à ce principe.
« La gloire d’être utile et l’honneur de servir » Pagnol, « Le Chpountz »
Les « lois naturelles » connaissent des incompatibilités. À l’heure où nos ministres, nos élus politiques redécouvrent ces lois naturelles, les notaires et leur ministre de tutelle doivent absolument les revisiter. En effet, la quête de la réussite éloigne peu à peu de la fonction, même si elle passe par l’excellence. On ne saurait servir deux maîtres sans ambigüité. Ou gare aux dérives…
À l’étranger
Le notaire est un fonctionnaire public, on ne saurait en douter à raison des conditions de nomination, des missions qui lui sont confiées, du tarif qui lui est imposé. Les « activités extérieures » doivent donc être évitées par une rémunération correcte des « activités intérieures ». À défaut, les activités autorisées à titre complémentaire doivent faire l’objet d’un encadrement intelligent dans l’intérêt du maintien du service public. Sait-on par exemple qu’un notaire allemand ne peut pas faire signer d’acte hors de son office sans avoir préalablement prévenu sa chambre de discipline et fourni des motifs. En Espagne, une loi réglemente strictement le « lieu de signature » dans des conditions similaires. Il en est de même à peu près partout en Europe. La France est une exception. De même, en Allemagne, où certains de nos confrères sont à la fois notaires et avocats, il est interdit d’être le notaire d’une affaire dans laquelle on a agi comme avocat. L’énumération des précautions rigoristes imposées à nos confrères européens ne contiendrait pas dans ce numéro.
Officier public light ?
Sans débattre du bien-fondé de notre « déontologie allégée », il faut constater qu’au regard du notariat international, la conception française d’ »officier public light » est minoritaire. Dans son analyse rendue le 14 septembre dernier, l’avocat général Cruz Villalón présente le notaire comme officier public, mais ne prend pas la France en exemple, lui préférant nos voisins. Au Congrès de l’UIN qui a eu lieu début octobre à Marrakech, un des représentants français a réclamé en tribune « des notaires vertueux ». De même, le thème du congrès ne laissait aucune place à la fantaisie professionnelle puisqu’il était question de « Participation du notariat à l’action de l’État face aux nouveaux défis de la société ». Tout un programme… Mais ce n’est pas tout ! Même le désormais fameux « Justin Conseil » met l’accent sur son rôle d’officier public.
Évidences européennes
Dans une Europe qui uniformise ses fromages pasteurisés, le diamètre des tomates et l’épaisseur des tranches de mortadelle, il faut accepter des évidences :
• la France n’exportera jamais son « notaire propriétaire et libéré ». Le statut des autres notariats européens exclut quasi unanimement les concours et participations entre notaires, la compétence nationale, la signature d’actes hors étude, les sociétés titulaires d’un office, les sociétés financières, les notaires salariés, les clercs habilités…
• Il faut se demander combien de temps nous pourrons conserver ce statut anachronique.
• Le ministère de la Justice doit cesser impérativement de faire « dériver la fonction de notaire » vers le « métier d’avocat ».
• Les notaires français doivent ranger leur « ethnocentrisme » au placard des fantasmes et se préparer à une probable « normalisation européenne ». L’alternative « commerce ou service public », précédemment proposée aux commissaires priseurs, plane sur nos têtes. En sommes-nous conscients ?