« Tous propriétaires » est une formule apparemment séduisante pour nos politiques. C’est oublier que devenir propriétaire est loin d’être la panacée et qu’il vaut souvent mieux être locataire pour bien vivre, ou plus astucieusement quand on en a les moyens, être locataire de son logement principal et propriétaire d’une résidence secondaire.
Selon une récente enquête du CREDOC (1), entre 1995 et 2007, la proportion des propriétaires a diminué de 54% à 46% pour les classes moyennes et de 45% à 33% pour la catégorie « bas revenus ». Ces chiffres traduisent, non seulement une grande difficulté à devenir propriétaire lorsqu’on a de modestes ressources, mais aussi un certain pragmatisme dans la façon dont les ménages abordent le problème du logement.
Achat ou location ?
D’un point de vue purement financier et contrairement à des idées reçues, l’achat n’est pas toujours préférable à la location. L’application à l’immobilier du modèle de Gordon-Shapiro (voir encadré) permet de déterminer quelle est la solution la plus avantageuse entre ces deux possibilités.Il rapproche les dépenses actualisées du locataire et du propriétaire d’un logement en tout point semblable, pendant une longue période à l’issue de laquelle le propriétaire revend son bien et se retrouve dans la même situation que le locataire. Il stipule que le prix de revente augmente comme celui des loyers, mais qu’il faut en déduire le montant de l’impôt foncier et toutes les charges de rénovation versées annuellement. En appliquant ce modèle aux prix moyens des transactions actuelles, on constate que, dans bien des régions, la location s’avère actuellement plus avantageuse que l’acquisition (2). Mais deux facteurs supplémentaires doivent être pris en compte dans cet arbitrage. Le premier est la facilité de changement et donc de mobilité qu’offre la location. Le second est qu’elle seule permet de prétendre à des allocations complémentaires lorsque par un revers de fortune, les revenus diminuent. En revanche, à moins qu’il ne possède une résidence secondaire, elle prive son bénéficiaire d’un patrimoine transmissible. En conclusion, plutôt qu’inciter à l’acquisition des catégories de ménage à faibles revenus, nos gouvernants seraient bien inspirés d’alléger une réglementation locative trop contraignante. Ils pourraient prendre modèle sur les Suisses, les deux tiers d’entre eux préférant demeurer locataires. Et comme les marchés financiers s’avèrent de moins en moins attractifs, en facilitant l’investissement ces mesures permettraient peut-être de réveiller un marché immobilier devenu atone.
Évolution de l’activité
Parmi les négociateurs, le pessimisme l’emporte. Les espoirs de l’automne ne se sont pas confirmés et 37% d’entre eux ont constaté une diminution des transactions contre 11% leur augmentation. Aussi, plus de la moitié de nos correspondants prévoient une réduction d’activité en début d’année. À Grenoble cependant, le négociateur de Me Leclerq précise que “le ralentissement continue, les prix se stabilisent. Beaucoup moins d’acquéreurs, ils attendent 2008. Durée de vente plus longue : trois à quatre mois au lieu de un ou deux”.
Évolution des prix
Au niveau des logements, la détérioration des prix semble s’accentuer et les deux tiers des membres de notre panel anticipent une baisse pour les deux premiers mois de l’année. Pour les terrains, si 70% d’entre eux prévoient une stabilité des prix, 17% envisagent une baisse contre 13% une hausse. C’est ainsi que pour la première fois depuis dix ans, le solde des opinions devient négatif (-0,04). Ces anticipations baissières valent aussi pour les surfaces commerciales.
Le conseil des notaires
De ces perspectives peu encourageantes tant au niveau du prix des logements qu’à celui de l’activité, les notaires tirent les conclusions qui s’imposent. Ils plébiscitent la vente avant l’acquisition d’un bien immobilier. De plus en plus rares sont ceux (16%) qui gardent des espoirs de hausse sur les biens qui leur sont confiés à la vente et d’un mois sur l’autre ils sont de plus en plus nombreux à penser que la baisse ne peut être temporaire. La surprise vient plutôt des conseils prodigués pour les transactions sur les terrains. La proportion des conseils à la vente (42%) y est supérieure à celle des conseils d’achat (35%). Cela ne s’était encore jamais produit tout au long de ces dix dernières années.
Évolution de l’environnement économique
L’année 2007 s’est plutôt mal terminée. D’abord l’inflation a repris partout en Europe, ce qui rend inexorable l’augmentation des taux d’intérêts et la diminution du prix des actifs. Heureusement ou malheureusement, comme l’activité économique a tendance à s’essouffler, il est peu probable que la Banque Centrale poursuive longtemps sa politique de hausse des taux. Mais comme la croissance semble menacée on risque d’arriver à une situation de stagflation. Dans ces conditions et bien que le pire ne soit jamais sûr, il est dès à présent évident que la baisse des prix immobiliers n’en est qu’à ses débuts.
Formule de Gordon-Shapiro
P0 = L1 / ( i – g ) Dans laquelle : • P0 est égal à la valeur actuelle du bien. • L1 est égal au loyer net de charges et d’impôts de la première année. • i est égal à la rentabilité espérée. Elle est proche de 5,5% légèrement supérieure au taux des crédits à 30 ans frais inclus (5,25%). • g est une estimation du taux de croissance des loyers pour les années à venir. En retenant le taux actuel de 1,6%, on se situe légèrement au-dessus de celui de l’inflation (1,5%). Si le prix d’achat du marché correspond au P0 ainsi calculé, il revient au même d’être propriétaire ou locataire de son logement. S’il lui est supérieur, il vaut mieux être locataire, mais propriétaire dans le cas contraire.
1 – Le CREDOC est un organisme de recherche public au même titre que l’INSEE ou le CNRS. 2 – Par exemple, à Lyon, les derniers prix au m2 annoncés par la Fnaim sont : 3 015 euros à l’achat et 11,4 euros/mois à la location. En estimant à 20% les charges et impôts payés par le propriétaire, le loyer annuel net de charge pour un appartement de 100m2 sera L1 = 10 944 euros. Le prix théorique en résultant sera P0 = 280 615 euros, sensiblement inférieur au prix moyen du marché. Soit 301 500 euros.