Depuis que j’observe attentivement nos confrères, depuis que je les classifie, les répertorie, depuis que je les range dans des boîtes (j’en épinglerais bien certains d’ailleurs…), en bon naturaliste, j’ai remarqué que la plupart d’entre eux ont une face officielle, pour faire bonne figure, et une face cachée, souvent plus réelle et diamétralement opposée. Ainsi, Me Jekill cohabite souvent avec notaire Hide. En voici quelques exemples…

 

Partage d’honoraires

Me Jekill : Le soleil brille pour tout le monde, j’adore mes confrères, cela ne m’a jamais dérangé de partager avec eux.

Notaire Hide : P…. , quel emmerdeur, il intervient au dernier moment, j’ai fait tout le boulot, et en plus, va falloir que je lui file ses 40 %. Pourvu qu’il ne vienne pas ou qu’il ait un accident, comme ça, il n’aura que 20 %.

 

Engagement professionnel

Me Jekill : Nous avons une belle profession, il faut la défendre, participer aux organismes officiels ainsi qu’aux structures volontaires, je suis membre de la Chambre et du Conseil régional, je siège au comité mixte, j’ai une mission au Conseil Sup’, j’ai ma carte aux syndicats, je suis membre de JN, je lis Notariat 2000.

  Notaire Hide : Je ne participe jamais à rien, pas de temps à perdre. Je passe signer en courant la feuille de présence à l’assemblée générale et je file à l’anglaise. Après tout, il y en a tellement à qui ça fait plaisir, je ne vais pas leur prendre leur place. Et en plus, pendant ce temps, je suis dans mon étude et je peux courtiser les clients de mes voisins !

 

Les collaborateurs

Me Jekill : Les 35 heures sont une bonne chose. Le notariat ne paie pas très bien, alors autant que les collaborateurs aient des conditions de travail convenables. Je leur donne par-ci, par-là des jours de congés en plus. Je veille à leur cadre de travail : un sapin à noël, un repas de fin d’année, du champagne aux anniversaires et aux moments importants.

Notaire Hide : Pourquoi ne restent-ils pas jusqu’à 22 h ? Pourquoi ne sont-ils pas là le samedi après-midi ou le dimanche ? Chaque fois que j’en cherche un, il est en RTT ! Avec le salaire que je leur donne, ils pourraient faire un effort. Vous ne croyez tout de même pas que je vais leur faire plaisir alors qu’ils font tout pour resquiller !

 

Formation continue du notaire

Me Jekill : Je reste performant et je vais suivre toutes les formations utiles.

Notaire Hide : Pas de temps à perdre. C’est juste bon pour faire des frais. Pourquoi se former ? Je fais très bien mon travail depuis tout le temps, il n’y a pas de raison que ça change. On ne va pas me faire croire que le droit évolue si vite. « Réforme de ci, réforme de ça… ». Faut pas exagérer, je me suis toujours adapté tout seul et je n’ai besoin de personne pour suivre l’évolution législative.

 

Formation du personnel

Me Jekill : Pour avoir des collaborateurs performants, il faut qu’ils se forment.

Notaire Hide : Quoi, encore en formation ? Et allez, 3 jours de boulot en moins. En plus, ça va me coûter 5 points supplémentaires. Vu ce que ça coûte déjà à la profession, je ne vais pas encore me priver d’un salarié pendant 3 jours alors qu’il pourrait faire des actes pendant ce temps. Si j’étais persuadé que ça le rende plus performant, je veux bien. Mais de toute façon, ils n’apprennent rien dans ces formations. Ça rentre par une oreille et ça ressort par l’autre.

 

Rémunération du personnel

Me Jekill : Je motive mes salariés avec un bon salaire, un intéressement, un PEE. Je leur fournis des tickets restaurants et des chèques vacances. Après tout, si je gagne bien ma vie, c’est grâce à eux. C’est normal que je leur sois reconnaissant.

Notaire Hide : Un treizième mois obligatoire, c’est déjà bien assez. S’ils ne sont pas contents, ils n’ont qu’à aller voir ailleurs. C’est moi le titulaire de l’étude, c’est moi le responsable. Finalement, ils sont là pour m’enrichir grassement et je ne vais sûrement pas partager avec eux un gâteau qui n’est pas si gros que ça.

 

Cette énumération pourrait continuer à l’infini… À la lecture de ces exemples, peut-être serez-vous plus attentifs, à l’avenir, à ces deux aspects qui cohabitent en vous, comme en vos confrères. Rares sont ceux qui échappent, malheureusement, à cette règle… Est-ce inhérent à notre profession ? Une psychanalyse de groupe semble s’imposer, mais qui prendrait plus de 8 500 patients en même temps ?