La lecture d’un article intitulé : “Me Untel, notaire à la résidence de Tartempion, a fait l’objet d’une suspension…“ provoque systématiquement un sentiment confus chez les confrères. Les plus éloignés n’y prêteront pas attention, mais ceux du département seront sensibles à l’information. Pour les plus proches, ce ne sera pas une surprise. Certains s’en réjouiront discrètement, espérant “tirer les marrons du feu”. Pour les autres (les plus nombreux sans doute), l’article sera interprété comme un mauvais coup pour le notariat.

 

Pour ma part, j’ai lu cette information dans un journal régional et je n’ai pas été surpris. J’ai cependant compati, et je me suis interrogé. Ai-je le droit de parler de ce malheureux confrère ou dois-je adopter un profil bas ? J’ai estimé que je pouvais en parler puisqu’il ne s’agit pas de “tirer sur l’ambulance”, mais d’en retirer quelques enseignements à la lumière de son cas et des nombreux autres rencontrés lors de mes fonctions de Président. Le confrère en question était issu du notariat par son père, lequel était respecté. Il avait suivi un cursus classique. C’est donc naturellement et sans difficultés qu’il avait été accueilli dans la profession. Il est vrai que sa personnalité attirait certains commentaires. Sorte de ludion poétique, il surprenait. On lui pardonnait si l’on éprouvait pour lui un sentiment amical, mais on pouvait s’interroger légitimement sur ses capacités à mener un office notarial. Il avait sa clientèle, qui l’appréciait probablement. Il était travailleur, mais désorganisé. Il était, à ma connaissance, honnête et pas ignorant des règles de droit. Mais cela suffit-il ? Certainement pas et c’est bien pour cela qu’il a chuté. Associé, dans le cadre d’une SCP, il s’en serait sûrement sorti. Selon la loi des séries, il a fallu que ce soit dans une étude où il y avait déjà eu précédemment un certain nombre de problèmes. C’est donc une mauvaise publicité pour le notariat départemental, et plus encore pour le notariat de la ville où il exerçait.

 

Éviter le pire

Aurait-on pu ne pas en arriver à cette suspension ? Aurions-nous pu éviter cette mauvaise image de la profession, donnée en pâture aux lecteurs de notre quotidien principal ? Personnellement, je réponds sans hésiter par l’affirmative. La profession peut intervenir dès la candidature du postulant. On sait que l’État, par le jeu de certaines influences, a bien souvent fait sauter le verrou professionnel. En l’occurrence, ce ne fut pas le cas, et je crois qu’il était normal, à l’époque, de laisser une chance à ce jeune diplômé notaire. La question se pose plus sérieusement après, durant l’exercice de ce confrère, car, nul ne l’ignore, tant la Chambre que le Conseil régional se souciaient depuis longtemps de sa gestion parfois fantaisiste, approximative, laxiste. Ce dernier, en réponse aux exigences du Président, prétextait une fois l’absence prolongée d’un formaliste, une autre fois celle d’un comptable ou plus tard celle d’un clerc qualifié. Il était à priori honnête. Il était sympathique. Il demandait à gauche et à droite des conseils à tel ou tel confrère… Alors, on a laissé perdurer.

 

Solidarité préventive

C’est ce qui se passe très souvent dans le notariat, quelle que soit la situation et pour toutes sortes de raisons : hypocrisie, veulerie, manque d’autorité, manque de clairvoyance. Certains iront même jusqu’à justifier l’absence de décision, par confraternelle charité, pour ne pas gêner, condamner un confrère parce que les faits reprochés ne sont pas très graves et relèvent de la légèreté ! On peut le comprendre, mais n’aurait-il pas mieux valu assister ce confrère, le suivre de près, mettre à sa disposition un comptable si nécessaire, une formaliste, un clerc, éventuellement payés par la profession, le temps nécessaire pour mettre à jour l’étude, plutôt que d’arriver à cette dérive et finalement à cette contre-publicité. Il aurait toujours été temps de chercher ensuite un successeur et d’imposer au malheureux confrère la cession de son office. Je sais, ça n’aurait pas été facile. Mais le résultat final est-il probant ? Nous avons une règle absolue de solidarité passive. Ne serait-il pas mieux de la voir s’exercer préventivement et positivement, en amont plutôt qu’in fine, juste pour payer les dettes (ce qui en l’occurrence ne sera pas nécessaire) ! C’est juste une suggestion, l’appel à plus de confraternité et de compréhension entre nous, une tentative d’explication même si je ne possède pas toutes les données, le témoignage réel de ma peine concernant la chute et le déshonneur pour ce confrère, que nous aurions certainement pu éviter…