Un de nos lecteurs du Nord, Hughes Deleplanque, nous fait parvenir la lettre ouverte qu’il a adressée, début juin, au Président du Conseil supérieur du notariat suite à la modification du tarif.

 

« Je prends connaissance de la modification du tarif des notaires et je suis atterré par les conséquences : la réduction de moitié des honoraires de prêts et de mainlevée va entraîner une diminution du chiffre d’affaires de notre étude de 15 à 18 %… En effet, le droit bancaire représente une part importante de l’activité de notre étude que nous cherchons à développer depuis de nombreuses années par un suivi, une réactivité et un appui juridique auprès des établissements bancaires (nous ne faisons cependant pas de crédit-baux). Je suis notaire en ville, un notaire tout simple qui essaie de faire correctement son métier. Celui qui a à coeur de recevoir personnellement tous ses clients et qui passe, avec eux, le temps nécessaire pour les aider à résoudre leurs problèmes. Celui qui sait se déplacer chez les clients qui ont des difficultés à venir en ville. Celui qui peut recevoir, avec la même attention, le chef d’entreprise ou la personne âgée qui vient de perdre son mari et qu’il faut écouter car elle a besoin d’être rassurée. Je ne compte pas les heures pour remplir ce rôle de conseil qui est la base et la grandeur de notre métier. Bien souvent, je ne fais pas payer de consultation pour ne pas avoir l’air d’être grippe-sou. Je me dis que les actes me paient suffisamment pour ne pas avoir ce comportement de tout compter. Oui, je gagne bien ma vie et j’ai le sentiment de ne pas voler l’argent que je gagne. Je trouve cette refonte du tarif dégradante et humiliante car elle cherche à nous faire croire que les honoraires sont anormalement élevés. Que dire des commissions pratiquées par les agences immobilières ? Que dire des commissions prises par les banques et autres « frais de dossiers » ? Que dire des commissions versées aux intermédiaires en renégociation de prêts ? J’étais déjà choqué par le fait qu’il nous était désormais interdit d’être rémunérés pour le temps supplémentaire passé à la rédaction d’un compromis alors que nous apportons une sécurité juridique. J’accepte volontiers que nous soyons contrôlés, mais j’accepte mal la pression d’un contrôle qui devient de plus en plus inquisiteur : plus d’argent liquide en caisse, ne serait-ce que pour acheter un crayon ! Tout article IV est devenu suspect, sans aucun égard pour le supplément de travail fourni ! Passe encore tout cela. Mais là, c’est trop ! Et ne venez pas argumenter que cela augmentera le nombre des prêts hypothécaires et que nous aurons un retour sur investissement ! Les banquiers doivent encore en rigoler ! Les sociétés de cautions envisagent également de baisser leur tarif ; le premier qui sera à zéro aura gagné ! La conquête de marchés par une production à perte a toujours entraîné la faillite des entrepreneurs dont la seule stratégie de développement consiste à casser les prix. Et que se passera-t-il quand l’embellie immobilière aura cessé ? Je ne peux pas croire que vous avez négocié ce tarif en ayant à l’esprit la défense des intérêts de notre profession. Ou alors, il y a autre chose derrière de moins avouable… Alors, que faire désormais ? Facturer les moindres démarches et conseils ? Licencier alors que le travail reste le même ? Chez nous la réduction de ces honoraires équivaut à trois postes de secrétaires/clercs)… Stopper toute augmentation ? Arrêter la démarche qualité sans aller jusqu’à la certification qui va coûter trop cher ? Pour une fois qu’il y avait une bonne initiative, bien menée par la profession… Je ne sais pas encore quelle sera la réaction des notaires « de base » de la profession, mais sachez que (…) je serai désormais un défenseur de la libéralisation du tarif. Ce tarif qui est censé nous protéger pour nous permettre de nous concentrer sur la qualité juridique de notre travail et pour ne pas avoir à faire de surenchère sur les prix. Mais à ce train-là, c’est de l’intérieur qu’on laisse se déliter cette protection… ».