Le client est libre du choix du notaire, et non l’inverse. Pourtant on pourra le dire sur tous les tons, cette vérité première demeure un mythe, façonné par chacun dans le sens qui lui convient le mieux. C’est pourtant sur cette spécificité que se fonde en grande partie notre statut si particulier.

 

Reprenez (eh oui, encore) la définition du Conseiller REAL ! Lorsqu’on parle d’ « Un quatrième corps de FONCTIONNAIRES » (1), on est à l’opposé du concept de “marché du droit”, ce qui exclut absolument le possessif lorsqu’il est question de client. Hélas, la cupidité ayant été rayée de la carte (2), les notaires n’en sont pas moins atteints que leurs contemporains. Leur attitude est parfois bien loin de l’idéal vers lequel leurs “refondateurs” les faisaient tendre… Et c’est ainsi que l’on a vu apparaître, entre les “mon cher confrère” et les “bien confraternellement”, un possessif abusif dont l’emploi s’est généralisé : MON client (ou ma cliente).

 

Paradoxe et libre choixx

En ce qui me concerne, j’ai toujours eu beaucoup de mal à utiliser le terme « Mon client ». Peut-être parce qu’avant d’être notaire et probablement après l’avoir été, je resterai éternellement un client, et qu’il me déplait souverainement d’appartenir à quiconque. Conséquence directe (et qui faillit me coûter cher) : je ne tiens pas le client en laisse, je me considère à son service, et même s’il m’appelle « maître », il n’est pas ma chose. Ah bien sûr, le client est ingrat et la récompense de l’esprit de service est hélas souvent l’oubli, parfois ressenti comme trahison… Que dire de celui que vous avez bénévolement renseigné pendant des années et qui, le jour où se présente l’opportunité de rentrer dans vos frais, s’adresse à un autre. Et dans ce cas, que faire ? Notre profession n‘en est pas à un paradoxe près. Respecter le libre choix du client c’est, de toute évidence accepter son départ. Mais le libre choix du client s’est-il réellement exercé ? Comment le vérifier sans interroger le client ? Et dans ce cas, ne se livre-t-on pas à des “manœuvres” tendant à restreindre cette fameuse liberté ?

Chronomètre

En matière de liberté, comme en de nombreuses autres matières, l’exemplarité est souvent affaire de chronomètre. Sans affirmer que les TPO sont tous et toujours exemplaires, je ne peux que constater que l’art et la manière de donner le change sont plus répandus dans les études d’une certaine importance. Doit-on en conclure que les TGO seraient plus cupides ? Certes non, ce serait de la caricature, mais il est évident que le contrôle du client nécessite un temps que les TPO peuvent rarement se permettre d’y consacrer. « Time is money » certes, mais E=MC2. Nous autres TPO sommes souvent primaires (je sais que je fais plaisir à certains) car sur-occupés. Appeler un client et réintégrer une affaire en cours prend du temps, louvoyer pour éviter qu’un autre notaire ne s’impose, bien plus encore. Et le temps n’est pas extensible. Alors on serre les dents et on passe à autre chose. Ailleurs, lorsque la rentabilité géographique permet le gaspillage, on assiste souvent à un débordement flamboyant d’imagination. Le système du partage nuit donc essentiellement à ceux qu’il était supposé protéger. Tous les coups sont permis.

 

Preuve par l’exemple

En 20 ans, j’ai constaté des pratiques qui auraient de quoi décourager le plus convaincu d’accorder le moindre crédit aux professions de foi. Je n’en publierai évidemment pas la liste. Du reste, chacun de vous pourrait l’établir puisqu’il la subit (s’il ne la pratique). Je ne résisterai cependant pas à vous conter le plus bel exemple qu’il m’ait été donné de vivre à mon tout début de carrière. Chargé de vendre une propriété, je revenais d’une visite lorsqu’on me passa la propriétaire au téléphone. Elle demandait une attestation pour informer son assureur de la vente de sa maison. Je lui objectais qu’il fallait d’abord que la vente soit signée, elle en eut l’air très surprise. Cette vente avait déjà eu lieu, et selon elle, je devais y être présent puisqu’elle avait envoyé une procuration au notaire de l’acquéreur (traduisez de l’agence) sur l’affirmation du fait que lui et moi préparions le dossier ensemble. Jamais je n’avais été informé de quoi que ce soit par qui que ce soit. Reconnaissez qu’on ne peut rien reprocher à ce confrère exemplaire qui avait certifié à la cliente qui me choisissait que j’étais bien là. Le libre choix du client était parfaitement respecté, et la confiance totale ! Quant au confrère… Voilà sans doute pourquoi certains définissent la « confraternité » comme « haine vigilante »…

 

1 « la tranquillité appelle d’autres fonctionnaires, qui, conseils désintéressés des parties, aussi bien que rédacteurs impartiaux de leurs volontés » 2 « et enlèvent aux hommes cupides, avec l’espoir du succès, l’envie d’élever une injuste contestation », portion supprimée de la citation originale pour l’impression des cartes REAL et REAL+