La politique est sur le devant de la scène, plus présente que jamais, prenant conscience (tardivement) que la fiscalité peut avoir des incidences non négligeables dans la vie de nos concitoyens. Le notariat doit-il participer à ce débat et afficher ses opinions ?

 

Un nouvel art de gouverner semble se dessiner, plus offensif, avec semble-t-il, la volonté de “foncer droit devant”. Le notariat a pour tradition de se faire discret, il a parfois tendance à « cirer les chaussures » ou à pratiquer les bruits de couloir (“Il est avocat, il est favorable au droit anglo-saxon : il va supprimer le monopole“). Mais là aussi, les choses semblent changer. Dans un article paru dans « Le Figaro » du 24 mai, Bernard Reynis, en sa qualité de Président du CSN, se prononce pour un véritable statut fiscal de la résidence principale, au regard de l’IR, des droits de succession et de l’ISF.

 

Cela appelle plusieurs questions :

• Devait-il le faire ? Incontestablement, oui. Le notariat est aux « avant-postes », il est en contact permanent avec tous les acteurs de la vie économique, et nous sommes aux premières loges pour constater les conséquences (quelquefois les dégâts) de toutes nos législations. Le notariat se doit de prendre position, et au besoin, de tirer des sonnettes d’alarme.

• Cela reflète-t’il les opinions de tous les notaires ? Peu importe ! Même s’il s’agit d’une opinion personnelle, le président élu doit donner son avis sur “des faits de société”. Il doit “mouiller sa chemise”. Et l’on ne lui reprochera pas l’élaboration d‘un “nouveau style” de présidence, déjà amorcé par Laurent Dejoie.

• Pouvait-il (devait-il) aller plus loin ? Il aurait, par exemple, pu prôner ouvertement l’exonération pure et simple de la résidence principale, tant au titre des droits de succession et de donation, que de l’ISF, comme cela se pratique pour les plus-values. Et peut-être aurait-il dû le faire, autrement qu’à demi mots…

• La profession doit-elle participer “activement” au débat ? Oui. Et nous devons même aller plus loin qu’un simple avis dans un journal à grand tirage !

 

Une fiscalité complexe

L’un des problèmes majeurs de notre société est son conservatisme. Le caractère confiscatoire de notre fiscalité, sa complexité et son aspect dissuasif en sont les principales causes, à tel point que nous ne sommes pas égaux devant l’impôt. Prenons quelques exemples. • Investissement immobilier : les règles du jeu changent constamment, chaque ministre voulant « relancer » l’immobilier et laisser son nom à la postérité. L’administration ne respecte pas ses engagements (abattement Méhaignerie supprimé) : particuliers et professionnels s’y perdent, sans compter le formalisme invraisemblable qui s’y rattache. • ISF : Comme l’a souligné le Président Reynis (il n’est pas le seul), il suffit d’être propriétaire de sa résidence principale pour être « riche » et soumis à ISF. Pourquoi déclarer les livrets A de ses enfants, mais pas ses « œuvres d’art » ? Sans compter le caractère inquisiteur d’une déclaration détaillée à l’extrême, à renouveler chaque année. • Droits de mutation à titre gratuit : Nous sommes loin de la facilité, et le nouvel abattement « partageable » (uniquement en cas de décès) n’améliore pas les choses. • Droits de mutation à titre onéreux : Nous aurons bientôt autant de droits que de communes ! À l’heure de l’Europe, est-ce bien sérieux ? Quel en est le bénéfice réel, si l’on prend en compte le temps passé par les députés et parlementaires (qui délibèrent, chaque année, souvent pour voter le taux maximum) et les coûts indirects (erreurs, temps perdu par tous, y compris l’administration…) ?

 

« Le principe du statut »

La société évolue. Plutôt que de tenter de régler les problèmes au coup par coup, souvent dans l’incohérence, nous devrions aborder les problèmes d’une manière radicalement différente. Le principe du « statut » est sans doute une bonne méthode, avec parmi eux, la résidence principale, mais aussi : • la retraite par capitalisation qui semble incontournable. Pourquoi ne pas lui réserver un statut fiscal global ? Chacun pourrait y mettre ce qu’il veut : actions, immobilier, assurance vie… • la protection du consommateur : l’acte authentique ne doit pas être le document final de la chaîne, mais un mode à part. La chaîne « compromis, rétractation, diagnostics » doit être entièrement revue…

 

Le notariat ne doit pas avoir peur d’aborder ces problèmes de face. Alors, établissons des rapports, remettons-les à nos parlementaires, et faisons-le savoir !