À Loutraki, en Grèce, c’est un congrès résolument « Jeune Notariat » qui a redéfini, sous la houlette de Christian Bernard, notaire à Jouy-en-Josas, Président du 37e congrès MJN, les contours de la famille du IIIe millénaire. À l’arrivée, des pistes de travail intéressantes, notamment avec les délicates questions du mariage homosexuel et de l’homoparentalité, qui pourraient bien créer le débat au sein même du Mouvement…

 

 

La famille dans le IIIe millénaire… On attendait cette thématique l’année dernière. Et puis, le contexte politique en a voulu autrement (le congrès se déroulait en Chine où le CSN développe depuis 10 ans des échanges diplomatiques et juridiques).

Tant pis pour la famille, ce ne serait que partie remise, mais pas question de repousser l’aventure aux calendes grecques ! Dès la fin du Congrès de Pékin, le Président Christian Bernard rempilait pour un an, repartant avec le même commissaire général (Martine Zaoui, créateur d’office à Jonage, Rhône), le même capitaine (Grégory Betta, notaire créateur à Allauch), les mêmes « joueurs » (à l’exception de Stéphanie Arnaud remplacée par Agnès Couzinier) et le même rapporteur de synthèse : Alice Tisserand-Martin. On ne change pas une équipe qui gagne ! À Loutraki, ce fut promesse tenue. Certes, on regrettera cette nouvelle tendance JN de ne plus laisser la cravate au vestiaire et, plus sérieusement, le côté un peu trop « premier de la classe » de la 1ere commission qui, en voulant tout dire en un minimum de temps, a parfois « noyé » son auditoire et a laissé peu de place aux débats. Mais, la forte participation des congressistes aux commissions (il a fallu pousser les murs), l’enthousiasme des rapporteurs à traiter du choc des générations et du choc des familles, la grande qualité du rapport (bravo !), l’esprit d’Ouverture et de Mouvement du Président Christian Bernard (certains voient déjà en lui le prochain président du Mouvement Jeune Notariat) ont contribué à faire de cette 37e édition un congrès de bonne tenue ! Quant aux propositions, elles pourraient bien alimenter de prochains débats. Reste à savoir si elles seront reprises au vol par le Mouvement…

 

De nombreuses personnalités…

Plancher sur un sujet, c’est bien, mais encore faut-il que les idées soient connues en « haut lieu ». Mission accomplie pour l’équipe du Congrès puisque Mme Agnès Bonnet, représentante de M. le garde des Sceaux et M. François Grimaldi, membre du bureau du CSN, ont assisté au 37e Congrès. Les congressistes ont été particulièrement gâtés lors de la séance solennelle d’ouverture puisqu’elle fut ponctuée par l’intervention de M. Didier Maze, Consul de France à Athènes et celle de Me Nikolaos Stassinopoulos, président du Conseil supérieur hellénique. L’occasion pour ce dernier d’appuyer les propos d’Olivier Jamar, le très européen président du MJN, et d’attirer l’attention de l’assemblée sur l’importance de la mise en demeure de la Commission européenne. Mais le clou de cette séance d’ouverture aura été l’intervention de Monseigneur Christodoulos, archevêque d’Athènes qui s’est dit ravi de voir que les notaires ne réduisaient pas leur rôle à celui de « scribes qui se conteraient d’enregistrer des normes et des directives », mais se définissaient comme « des conseillers de familles ». « C’est un rôle de première importance (…) qui vous donne les moyens de réagir aux évolutions qui menacent la famille » a-t-il déclaré après s’être clairement positionné contre le contrat d’union civile et, d’une façon plus générale, contre la légalisation du mariage de couples homosexuels, l’homoparentalité et toutes « les logiques dangereuses qui voudraient reproduire l’homme à la photocopieuse ».

 

Le choc des générations (1ère commission)

Cette commission s’est intéressée aux conséquences du prolongement de la durée de vie ; elle s’est articulée autour de deux problématiques : la protection des personnes âgées et vulnérables, puis l’organisation de leur patrimoine au sein de la famille.

 

• La Fiducie : oui, mais en plus…

La réflexion ne pouvait tomber plus à point, le Sénat ayant adopté, pendant le congrès, la proposition du Sénateur Marini sur la Fiducie. Et de la Fiducie, il en fut question avec Stéphane Berre (Lyon) dont le fil rouge fut la protection des personnes âgées et vulnérables (thème du dernier congrès national). Soulignant avec talent les lacunes du droit en la matière, Stéphane Berre a rapidement insisté sur la nécessité d’aller plus loin avec le mandat d’incapacité future qui permet de prendre en compte tant la personne que son patrimoine, ce qui l’a conduit à le privilégier à la Fiducie. Et d’expliquer que ce qu’on appelle « le trust à la française » est cantonné à la protection des intérêts patrimoniaux et ne peut donc jouer le même rôle que le mandat de protection future. « La Fiducie, oui, mais en plus » a donc admis Stéphane Berre avant de lui reconnaître de nombreuses vertus en matière de gestion de patrimoine (« Elle offre des perspectives intéressantes »). De quoi titiller la salle et tout particulièrement Maria-Antonietta Cossu (Puteaux) qui a engagé le notariat à utiliser cet outil innovant avant de se demander s’il ne fallait pas créer une « fiducie spécifique à la protection des personnes vulnérables ». Nul doute qu’on en reparlera.

 

• Réserve à double détente

Qu’on le veuille ou non, la réserve n’est plus une institution sacrée ! En 5 ans, le législateur en a redessiné par deux fois les contours : d’abord avec la loi du 3 décembre 2001, puis avec celle du 23 juin 2006. Quelle est sa signification et son utilité aujourd’hui ? Axant sa réflexion sur l’extension de la réserve au conjoint survivant, Agnès Couzinier (Meudon) s’est demandé si l’on ne devait pas regretter la timidité du législateur et suivre l’exemple de certains pays voisins. Entre réserve en pleine propriété ou en usufruit, Agnès Couzinier a finalement proposé une réserve à double détente.

 

• M. et Mme Papyboom…

Réjouissons-nous ! C’est un Frédéric Petit (Taverny) particulièrement inspiré, « jouant avec les libéralités résiduelles ou graduelles, s’amusant des renonciations anticipées, valsant avec les transmissions transgénérationnelles ou intergénérationnelles » comme le notait Alice Tisserand-Martin dans son exposé, que les congressistes ont découvert en cette dernière partie de commission. Pour un peu, cela conférerait presque un caractère ludique au droit patrimonial ! Au programme, les entretiens filmés de deux personnalités (et non des moindres !), à savoir Philippe Marini, sénateur de l’Oise, rapporteur général de la commission des Finances et le Professeur Michel Grimaldi. À la lumière de ces deux témoignages et dans la perspective de l’entrée en vigueur de la réforme du 23 juin 2006, Frédéric Petit s’est ensuite appuyé sur un cas pratique, celui de M. et Mme Papyboom, pour mettre en place une stratégie patrimoniale « sur mesure » et en extraire 19 propositions civiles et fiscales. Un exercice de haut vol, très fouillé (trop fouillé) pour le temps imparti qui mérite une relecture attentive du rapport (tant celui-ci est riche) et démontre, d’une certaine façon, l’influence du droit fiscal sur le droit de la famille.

 

Le choc des familles (2e commission)

Aujourd’hui, il n’existe pas une famille, mais des familles. Cette évolution a conduit la 2e Commission à s’interroger sur ces « nouvelles familles » et à prendre en considération les nombreuses controverses qui agitent notre droit.

 

• « Le Pacs est devenu un mariage »

L’enfer est parfois pavé de bonnes intentions. C’est un peu le cas pour le Pacs à qui la législation a peu à peu octroyé les mêmes droits et obligations que le mariage. Pour Marie-Agnès Fixois (95), il résulte une certaine confusion des genres. Face à cette « assimilation » des statuts patrimoniaux et personnels (devoir d’assistance, de secours, de cohabitation, de fidélité…), Marie-Agnès Fixois a jugé nécessaire de clarifier la situation juridique en fusionnant Pacs et mariage. Une proposition d’une logique implacable, faisant fi de toute hypocrisie, qui invite à revoir le statut même du concubinage (en veillant à le différencier du mariage) et qui pose en filigrane la délicate question du mariage homosexuel auquel le Pacs a apporté une réponse décevante…

 

• Le droit à l’égalité et à la légalité

C’est avec courage et objectivité que Céline Vilain (75) s’est attaqué au très médiatique sujet de la famille homosexuelle, illustrant son propos par les interviews de Jack Lang (PS) et de Jean-Luc Roméro (UMP). « La famille homosexuelle est déjà une réalité, a-t-elle expliqué. Parce qu’il est dangereux de laisser se régler ces questions en dehors d’un cadre légal, il nous faut aujourd’hui passer de cet état de fait à un état de droit ». D’où sa proposition de créer, dans l’intérêt de l’enfant et en vue de garantir ses droits, une filiation sociale entre l’enfant et le « second parent ». Cette filiation sociale, a-t-elle expliqué, pourrait s’établir aussi bien entre l’enfant et son parent homosexuel qu’entre l’enfant et son beau-parent dans une famille recomposée. À l’issue de son intervention, Céline Vilain qui s’est également positionnée en faveur du mariage homosexuel, a invité son auditoire à ne pas confondre « droit et morale » et, au nom du droit à l’égalité et à la légalité, à dépasser ses convictions personnelles les plus profondes. Le sujet a cependant fait débat, certains s’interrogeant sur l’opportunité pour le notariat -et plus précisément MJN- d’aborder un tel débat de société (« Ce n’est pas à nous notaires de trouver des solutions » a-t-on entendu). D’autres, plus nuancés, comme Sylviane Plantelin (78), ont estimé qu’« il appartient au notariat d’imaginer des solutions, mais pas de prendre des décisions, de faire évoluer les esprits mais pas de déterminer quel est le bon choix ». Enfin, Yvon Rose (69) s’est félicité du choix de ce « sujet novateur et dérangeant, dans la profonde lignée des congrès MJN ». Précisons qu’à l’issue de cette commission, certains ont demandé que cette proposition passe au vote, vote qui n’a pas eu lieu…

 

• Liberté, égalité, féminité

Nadine Willemenot de Nanc (94), aura-t-elle réussi à redéfinir la place et le rôle de la femme dans la société ? Il semblerait que oui, même si certains auraient préféré qu’on ne porte pas « le drapeau de la défense de la femme, mais celui de l’équité ». C’est en tout cas au nom du droit à la liberté que Nadine Willemenot de Nanc (dont c’est le nom de baptême) a proposé de suivre l’exemple de certains pays latins (l’Espagne et le Portugal) et de remédier à l’usage consistant pour les femmes mariées à porter le nom du mari. « Cela aurait notamment pour avantage de rendre la règle française compatible avec la Convention européenne des Droits de l’Homme et de faciliter la transmission du nom de la mère aux enfants » a-t-elle argumenté, ce qui a suscité un débat non dénué d’humour…

 

Polyandrie, Polygamie…

La polyandrie (pluralité d’époux) est reconnue dans un seul pays, Mayotte, mais la Polygamie (pluralité de femmes) est pratiquée dans une cinquantaine de pays. Lesquels ? Réponse à la page 321, au début du rapport de Marie-Caroline Houdry (75) ! Notons toutefois qu’au-delà du sujet d’amusement, voire de folklore, la polygamie s’appuie sur des techniques juridiques particulières, dont la répudiation, et que ce mode de dissolution très simplifié, trouvant sa source dans le droit musulman, pose de réels problèmes, notamment au Maroc et en Algérie…

 

L’année prochaine à San Francisco…

C’est à San Francisco que le 38e congres du MJN nous entraînera en novembre 2007. Conduit par Yvon Rose (69), le congrès aura pour thème « Le droit et l’économie » et réfléchira sur les causes et les conditions nécessaires pour que le notariat joue un rôle économique. Denis-Pierre Simon (69) est rapporteur général et Jean Pichat (69) commissaire général. Le congrès innovera en matière d’organisation puisqu’il sera notamment demandé à chaque participant d’y jouer un rôle actif en donnant des consultations gratuites à des expatriés français vivant à San Francisco. Pour concilier l’utile à l’agréable, les congressistes auront la possibilité d’anticiper ou de prolonger leur séjour de quelques jours.

Le congrès comme si vous y étiez…