L’immobilier continue à battre des records : record pour le nombre de constructions neuves, et record pour l’augmentation des prix. Si l’on rajoute la propension des entreprises en 2005 à distribuer des dividendes records à leurs actionnaires, on peut conclure que l’on est rentré dans un « capitalisme de rentier », certains diraient « de vieux ». Or, si l’on en croit la chanson de Jacques Brel, plus on devient vieux, plus on devient bêtes… Heureusement les économistes ne sont pas de cet avis et concèdent aux gens âgés quelques vertus, notamment sur le plan patrimonial…

 

Dans les analyses théoriques récentes, on accorde un rôle de premier plan à deux facteurs de goût pour la détention du patrimoine : l’aversion pour le risque et la préférence pour le présent. Ainsi, plus on est égoïste, plus on fait preuve d’une forte préférence pour le présent (ce qui serait le cas des célibataires, des ménages sans enfants ou des peu diplômés) et moins l’on détient de patrimoine. Au contraire, plus les gens sont altruistes et plus ils détiennent de patrimoine. En effet, l’accumulation d’un patrimoine semble répondre à la fois à un besoin de précaution ainsi qu’à un souci de transmission (rôle joué par le degré d’altruisme). Mais, plus l’on devient vieux, malgré une certaine aversion pour le risque, moins on est altruiste et plus on se rapproche d’un juste équilibre entre ces deux pôles. Ce tempérament de rentier n’est d’ailleurs plus l’apanage de l’âge. Une bonne partie de la population souhaite avoir un maximum de garanties sur son avenir. Elle y est d’ailleurs fortement encouragée par les pouvoirs publics qui, pour faire passer la réforme sur les retraites, ont quelque peu diabolisé l’avenir. Si la collecte en assurances-vie en a largement bénéficié, au détriment des placements en action, c’est surtout l’immobilier qui s’est retrouvé au premier rang. Car il est particulièrement séduisant de pouvoir être abrité durant la vie active par l’investissement qui doit sécuriser ses vieux jours. Avec l’appui de notre panel de négociateurs, voyons cependant si l’avenir est toujours aussi souriant en matière de placement immobilier.

 

Évolution de L’activité (Graph. p.36) La forte baisse d’activité que craignaient les notaires pour ce début d’année n’a pas eu lieu. Au contraire, 37% d’entre eux ont constaté une nette amélioration de leur activité. Les avis demeurent toutefois partagés. Ainsi, dans le Gard, Me Claeys-Isingrini fait état d’une « reprise du marché très nette dès le début janvier qui semble se poursuivre en février ». En revanche, aux marches de la Bretagne, l’étude de Mes Benis et Ouairy constate un « ralentissement général du marché depuis quelques mois sur maisons et appartements d’occasion ». Il semblerait que le stock des logements disponibles à la vente s’alourdisse : selon la Fnaim, il aurait augmenté de plus de 30% par rapport à 2004 et toutes les régions seraient touchées. Aussi nos correspondants ont-ils tendance à revoir leur prévision à la hausse, sans pour autant être optimistes.

 

Évolution des prix (Graph. ci-dessus) Alors qu’en cette fin d’hiver, la France grelotte, dans le logement, les prix ont du mal à se refroidir. C’est en tout cas l’opinion de 53 % de nos correspondants. Actuellement, l’impression générale est assez proche de celle de Me Rault dans le Jura : « En ce qui concerne l’achat, les prix sont très élevés, la baisse ne semble pas se profiler. Le marché est plutôt à la hausse. En ce qui concerne la vente, c’est le moment. Le marché est très porteur, de très bonnes ventes peuvent se faire ». En fait, compte tenu des sommets déjà atteints, il paraissait impensable, pour de nombreux notaires comme pour beaucoup d’analystes, que le marché conserve encore longtemps sa tendance haussière. C’est pourtant ce qui s’est produit puisque l’augmentation des prix pour l’année 2004 dépasserait finalement 16 à 17 % pour les appartements et 12 à 13 % pour les maisons, ce qui représente globalement une hausse de 50 % en 3 ans. C’est évidemment tout à fait exceptionnel, même si l’on tient compte du niveau très faible du taux des crédits immobiliers. Concernant les bureaux et commerces, on s’oriente vers des prix relativement stables comme le souligne Me Fraisse en Ardèche : « Tendance des locaux professionnels et des maisons stable. Les terrains sont devenus très chers au m2 ». Cette tendance sur les terrains, devenus très chers et très rares, est d’ailleurs générale et risque de se poursuivre.

 

Le Conseil des notaires (Graph. p.38) Lors de notre précédente enquête, 23 % de notre panel hésitaient à conseiller la vente d’un bien avant le rachat d’un autre. Actuellement, même si la prudence l’emporte, 41% (contre 20% la dernière fois) conseillent d’abord l’achat plutôt que la revente pour bénéficier de la tendance haussière des prix. Pour les terrains, ces proportions sont inversées : 56 % conseillent l’achat et 41 % la vente.

 

Évolution de l’environnement économique Plusieurs éléments participent à une inquiétude latente et s’opposent aux performances, assez exceptionnelles, de nos entreprises en terme de bénéfice. Il y a d’abord l’échec de la lutte contre le chômage avec un Français sur dix sans emploi, d’où un terrible sentiment d’insécurité sociale. Il y a ensuite une baisse des prévisions de croissance de 2,4 % en 2004 à 1,9 % en 2005, ce qui ne devrait pas améliorer l’emploi. Et puis, il y a le prix du baril de pétrole qui vient de bondir à 53 dollars à Londres et qui, suivant le secrétaire général de l’OPEP, pourrait atteindre d’ici 2007 les 80 dollars. Il y a enfin la hausse déconcertante des prix de l’immobilier qui contraste avec le repli de l’activité économique mondiale et commence à inquiéter sérieusement la Banque de France. Alors, suivant le sondage de la Sofres pour le « Figaro Magazine » il n’est pas étonnant qu’en janvier 2005, 73 % des Français estiment que les choses vont « plus mal » et participent à la sinistrose ambiante. Bernard Thion

 

NDLR : Enquête rédigée le 6 mars et portant sur les mois de janvier-février 2005