Êtes-vous favorable au fait que le notaire s’occupe des déclarations de plus-values ? D’une façon plus générale, que pensez-vous des travaux supplémentaires dont le législateur n’a de cesse de » charger » le notariat ? Jean-Marie CELER, notre rédacteur en chef, notaire à Limoges et Philippe MAERTEN, notaire à Maisons-Alfort (94), se sont prêtés au jeu du POUR ou CONTRE et nous livrent leurs réflexions sur l’avenir de la profession. Duels de mots…
POUR -> Jean-Marie CELER : » Le salut du Notariat ! » « Bien sûr il est normal de pester contre le surcroît de travail que le législateur nous inflige. Et une loi Carrez par ci, un diagnostic amiante par là, sans compter les piscines sécurisées, les chaudières à gaz sans danger, les termites et autres bestioles ! Dernier avatar, les calculs de plus-values dont le coût au détriment de l’acquéreur a été joliment défendu dans les colonnes de VIP… Comment faire payer à l’acquéreur les frais de 16 calculs de plus-values lorsqu’il y a 8 vendeurs, devenus propriétaires pour moitié au décès de leur père et pour moitié au décès de leur mère ? Imaginons par-dessus le marché qu’un des enfants du couple soit décédé laissant lui-même quelques enfants et une veuve… Comment d’ailleurs le faire payer aux vendeurs ? Mais notre Président Armand Roth (VIP, n°243, janvier 2004) l’a bien démontré : » Ce qui justifie le notaire, c’est seulement le rôle qu’il joue dans la société auprès de ses concitoyens, qu’il appelle ses clients. Un rôle social surtout (…) « . Il est donc logique que le notaire s’occupe des déclarations de plus-values que le citoyen lambda ne saurait remplir. C’est un argument idéaliste et bien dans la ligne des valeurs que doit promouvoir le CSN. Nous pouvons cependant réfléchir à une autre argumentation, plus réaliste et terre-à-terre, mais complétant la première : acceptons les travaux supplémentaires dont le législateur nous charge, sans rechigner. Cela rendra le notariat indispensable aux pouvoirs publics, en devenant percepteur des plus-values après être percepteur des droits d’enregistrement et de la TVA. Au contraire, réclamons des charges nouvelles : cela rendra le notariat INCONTOURNABLE !!!
CONTRE (si c’est gratuit) -> Philippe MAERTEN : » Nous nous BRADONS ! » Jusqu’alors, nous étions relativement peu concernés par les conséquences sur nos clients vendeurs de l’imposition des plus-values. Parler de motifs de satisfaction qui tiennent » au rôle accru des notaires reconnu par les pouvoirs publics » me laisse perplexe. Cela m’incite à penser que les pouvoirs publics ont simplement assuré leur confort, une fois de plus, sur le dos des notaires, en leur faisant calculer et percevoir, le jour même de la vente, l’impôt forfaitisé à cette occasion (Merci Président Lambert). En réalité, il s’agit pour nous d’une responsabilité supplémentaire. Quelle sera l’attitude de notre client-vendeur si le fisc, à l’occasion d’un contrôle, force l’imposition avec les intérêts de retard en découlant ? Et nous engageons notre responsabilité pour une prestation parfaitement gratuite à son endroit, puisque c’est le (malheureux) acquéreur qui verra à cette occasion ses frais d’acquisition (appelés dans son esprit » frais de notaire « ) majorés de 15 UV. Cela veut dire que pour 15 misérables UV, même pas payés par l’intéressé, nous allons lui offrir une fois de plus une assurance 100% à cet égard. Que coûtaient, jusqu’à présent, au vendeur les interventions des mandataires accrédités, sans parler des avocats ou comptables qui leur calculaient les PV ? Nous nous bradons ! Et non contents de cela, nous nous sabordons. J’en veux pour preuve la loi Dutreil sur l’insaisissabilité. Un premier commentaire paru dans la semaine juridique met l’accent sur le souci du législateur de ne pas alourdir le coût fiscal de l’acte, fixé à 100 euros. Il est nulle part indiqué quelle sera la rémunération du notaire. Toutefois, le commentateur met parfaitement en exergue » la responsabilité engagée par le notaire à chaque acte déclaratif qu’il recevra « . Tout est dit. Nous tendons (dérive américaine) à n’être plus que les assureurs tous risques de nos contrats pour un coût au mieux de 1% dans les actes translatifs et de 0,50% dans les successions. Nos instances supérieures nous incitent à travailler au rabais (cf. les avant-contrats). Ce n’est pas bon pour l’image du notariat. La vertu ainsi pratiquée (et qui ne sera jamais comprise de l’opinion) ne peut que nous nuire, tant nos clients pensent que nous gagnons plus que les autres (et en particulier que les agences immobilières). Et pourtant, quand on fait le rapprochement avec les honoraires d’avocats (qui nous convoitent) ou des frais de plombier ou de l’heure d’un garagiste… Pour ma part, je pense que la rémunération à 1% de l’excellence de nos services et prestations est notre honneur et notre fierté. Encore devons-nous le faire savoir haut et clair et en tirer la légitimité qu’on nous conteste ces temps-ci. Battons-nous frères notaires, soyons musclés et faisons une OPA gagnante sur » L’EXCEPTION NOTARIALE FRANCAISE » pour la survie du notariat. Que la profession explique enfin clairement à nos concitoyens notre rôle, notre utilité et notre rémunération ! Alors nous pourrons légitimement facturer nos prestations, qui n’ont aucune raison fondamentale d’être gratuites. D’ailleurs, sont-ils gratuits les questionnaires syndics, les renseignements téléphoniques ou SNCF, les prestations ou chèques de banque, etc. ?