Que pensent les notaires de la spécialisation ? Jugent-ils qu’elle est utile, indispensable ou dangereuse, voire contraire à l’éthique ? C’est ce que nous avons voulu savoir en réalisant cette enquête dans le cadre de notre partenariat avec le congrès MJN 2007 (18-23 novembre). Les résultats sont le témoignage d’une des vertus cardinales des notaires : la mesure. Pas de vagues, pas de risques. Ils nous renvoient l’image très cohérente et bien équilibrée d’un notariat globalement uni dans son objectif (se maintenir) et ses moyens (“Touche pas à mes valeurs”). Rien de nouveau sous le panonceau. Pourtant, au fil des réponses, on trouve quelques (petites) surprises…
Dans quelle catégorie vous situez-vous ?
Le questionnaire sur lequel nous nous sommes appuyés a été établi par l’équipe du Congrès de San Francisco. Pour mener à bien cette enquête, Notariat 2000 a interrogé un peu plus de 150 notaires. L’ensemble des notaires est fidèlement représenté dans le panel (voir notre graphique). La moyenne d’âge (46 ans) est le reflet de celle de la profession.
Le besoin d’aide ?
Le besoin d’aide se fait essentiellement sentir “en cas de surcharge de travail” (28%), dossier ponctuel et particulier (24%) ou absence (23%). La mise en place de technologies nouvelles est citée par 17% de notre panel. Première surprise : seulement 8 % en ont besoin pour un acte hors monopole. Un faible pourcentage qui interroge… Recherches personnelles (33%) et Cridons (30%) viennent largement en tête. L’appel d’un confrère vient ensuite avec 12%. Si on poussait la curiosité, on saurait que c’est par crainte de captation du client et surtout par méconnaissance de qui fait quoi chez nous. Enfin, dans 9% des cas, le notaire contacte un spécialiste extérieur à la profession.
Avez-vous ressenti ce besoin d’aide de façon :
• Fréquente : 37%
• Peu fréquente : 43%
• Exceptionnelle 20%
Affaire non solutionnée ?
Quatre notaires sur dix avouent ne pas avoir trouvé, un jour ou l’autre, de solution à une affaire. Principaux motifs : l’inévitable manque de temps (39,5%), le fait de ne pas trouver “la” solution – ou de solution convenant aux clients- (34,5%), mais aussi le manque de rentabilité (13%). Voilà une seconde surprise qui nous interpelle ! Ne pas trouver de réponses par manque de rentabilité, on croit rêver ! Où sont nos valeurs ?
Extension du champ d’activité
Troisième surprise et non des moindres ! L’extension du champ d’activité des notaires est considérée comme “inutile” (17,5%) et dangereuse (13%) ! Un avis toutefois minoritaire puisque 48% des notaires interrogés jugent utile de l’élargir et 21,5% estiment que c’est indispensable. Ouf !
Estimez-vous que certains notaires ouvrent des domaines nouveaux par leur activité ?
Contraire à l’éthique ?
Près de 11% de notre panel considèrent la spécialisation comme contraire à l’éthique (“le notaire est un généraliste du droit”). L’animation du congrès MJN à San Francisco promet ! Fort heureusement, trois notaires sur quatre la juge utile. En revanche, leur verdict est d’une lucidité impitoyable (voir notre tableau) : la spécialisation est insuffisamment épaulée par la profession (64%) et pas assez lisible pour les clients (89%).
Selon vous, la spécialisation est-elle ? OUI NON
• Suffisamment épaulée par la profession 36% 64%
• Suffisamment lisible par les clients 11% 89%
• Crédible 79% 21%
Le diplôme
8 notaires sur 10 connaissent le diplôme de spécialisation, mais 20% seulement sont intéressés pour l’acquérir. Pourquoi ? “Il ne génère pas la compétence” lit-on ici et là. “Ce n’est pas nécessaire en milieu rural” avoue un notaire de Saône-et-Loire, “la clientèle n’est pas suffisante en milieu rural semi-urbain” nous dit-on en Ardèche. Mais c’est surtout le temps qui manque le plus (58%). Pourtant, il faudra, un jour, crever l’abcès de ce manque de personnel qualifié qui gangrène et paralyse nos travaux. Salaires et formation ne seraient-ils pas les meilleurs remèdes ? L’impossibilité de communiquer sur son diplôme de spécialisation est perçue comme un frein supplémentaire et renforce son “inutilité”.
Se spécialiser…
Plus de la moitié des notaires interrogés (54%) se spécialiserait volontiers en interne (à condition nous dit-on à plusieurs reprises d’être associé dans une SCP importante) ! De même, l’éventuelle création d’un corps de notaires spécialistes séduirait 21% des notaires interrogés. La mise en place de services communs à plusieurs études, qui a plu aux générations précédentes, est plébiscitée par 15% de notre panel. L’individualisme règne en maître ! Interrogés sur la manière de favoriser la “spécialisation”, 74% des notaires intéressés par une éventuelle spécialisation pensent souhaitable de favoriser la création de structures pluri-professionnelles de fait ou de droit. 26% appellent de leurs vœux la création d’office notarial spécialisé. Dans ce dernier cas, c’est le domaine des entreprises et des sociétés qui arrive en tête (41%), suivi par celui du droit international privé (36%) et celui des règlements amiables des conflits (23%). Quelques-uns toutefois, comme ce notaire des Hautes-Alpes, estiment que la création d’office spécialisé ne correspond pas à l’usage de la profession et à l’idée de proximité.
Les domaines de prédilection ?
Les réponses de notre panel rappellent un évident attrait pour le droit de la famille. Pour un notaire sur trois heureusement ! Les autres créneaux ne séduisent qu’un petit 10% et s’atomisent. (voir notre tableau)
Vous sentez-vous plus spécialisé dans :
Aider un confrère ?
Ouf ! Nous voilà rassurés d’apprendre que 75% de notre panel accepteraient – contre rémunération- de mettre leurs compétences à la disposition de confrères. Les conditions mériteraient toutefois d’être organisées, les responsabilités aussi. Si l’on s’en tient à notre panel, 25% le feraient par le biais de consultation écrite, 21% par réponse orale, 21% en participant au rendez-vous, 18% par assistance technique et 15% en rédigeant le document ou l’acte. Un notaire du Morbihan s’interroge et se demande quelle serait alors l’utilité du Cridon ?
Une liste de spécialistes ?
Il y a ici une petite contradiction entre le refus de figurer sur une liste de spécialistes (64%) et l’acceptation de consulter en tant que tel. Comment solliciter un avis si on ne sait pas où s’adresser ? Pour certains toutefois, la solution passe non pas par la constitution d’une liste – “trop rigide”-, mais la mise en place d’un outil de gestion de compétences ou tout simplement un réseau.
Le champ d’activité du notaire
Dernière surprise. Notre panel estime dans sa majorité (53%) que le champ d’activité du notaire s’élargit – on peut se demander dans quelle direction ?- Le rétrécissement, perçu par 47% de notre panel, est expliqué par l’action des intervenants spécialisés extérieurs au notariat (56%). Un notaire sur trois note le manque d’imagination du notariat tandis que 13% mettent en cause l’action des Pouvoirs Publics qui ne s’intéressent pas assez aux vertus de nos actes.
La formation
Fort logiquement, le manque de temps – ou de goût ?- est le principal frein pour se former ou se spécialiser. Ainsi 89% seraient partants pour une journée de formation par mois, mais les effectifs baissent de moitié lorsqu’il s’agit d’y consacrer trois semaines. C’est essentiellement le cas des notaires individuels qui ont des difficultés à décrocher. Ah le temps, le temps…