Entre publicité, communication et information, la ligne jaune est parfois vite franchie. Et qui s’y frotte de trop près, s’y pique ! Pour rester dans les clous, chacun y va de ses recommandations. Certains préconisent la discrétion et ont des crises d’urticaire dès qu’on leur parle de réseaux sociaux. D’autres verraient d’un bon œil un assouplissement des règles et, pourquoi pas, l’autorisation pour chaque étude de disposer d’un budget établi en fonction de son chiffre d’affaires. L’heure est-elle venue de faire sauter les verrous ?
1. Doit-on autoriser le notaire à faire « sa pub perso » pour des activités ne relevant pas du monopole ?
NON : 81 %
Non, non et non ! Que les activités relèvent ou non du monopole, notre panel est, par principe et dans sa grande majorité, contre la pub perso. En effet, ils sont 88 % à s’y opposer pour des activités relevant seulement du monopole et 81 % pour les activités hors monopole. Selon la majorité d’entre eux, il appartient à la profession de communiquer sur les diverses activités du notariat et de contrôler cette communication (« Oui aux actions collectives, non à la culture de l’intérêt personnel ! »). Publicité et notariat ne font pas bon ménage. Trois raisons essentielles à cela.
1er constat : « La publicité relève de la sphère du commerce, et le notariat est à son opposé » (Olivier Bonnichon, Haute-Loire). Elle n’est donc « pas compatible avec le statut d’officier public » (Jacques Le Bouvier, Charente-Maritime). Ici et là, on refuse d’être assimilés à des « marchands de soupe » (Michel Crenn, Maine-et-Loire) ou à des « marchands du temple, déjà bien assez nombreux sur le commerce du droit ».
2e constat : la publicité ne dit pas toujours la vérité. Comme le souligne Jean-Marc Parizot (Ain), « elle met en avant une compétence présumée, en aucun cas une compétence avérée ». D’où risque de transformer le notariat en une « profession commerciale » : « Chacun se fera valoir avec des slogans qui ne refléteront pas la réalité, mais une stratégie marketing » (Olivier Thinus, Marne). En fait, la seule publicité qui vaille est celle qui se fait par le bouche à oreille : « elle ne coûte rien, tout le monde peut en bénéficier, il faut juste bien travailler ! » (Christèle Delayat-Duthy, Saône-et-Loire).
3e constat : la publicité a un coût. A terme, autoriser la publicité personnelle reviendrait à favoriser les grosses études dont les budgets sont plus conséquents. « Celui qui aura le plus de moyens pour organiser sa publicité « mangera » les autres » (Pierre Reeb, Oise). Christian Moreno (Indre-et-Loire) crie au scandale. Ce serait la porte ouverte à une concurrence déloyale. « Certains en abuseraient » nous dit un lecteur. Les conséquences seraient dramatiques pour la profession : cela nuirait à sa cohésion, l’égalité des notaires serait mise à mal et, comme l’écrit Bruno Messié (Drôme), « ce serait la fin de ce qui reste de confraternité ». « Notre force tient à notre pseudo unité, à notre monopole, si on libère les fauves notre force partira avec cette libéralisation » souligne Nadia Ballara-Boulet (Haute-Savoie). A brève échéance, il y aurait des risques pour le tarif. « Nous avons la chance d’avoir un monopole, nous dit un lecteur du Nord. Ne tombons pas dans des travers commerciaux qui, à court terme, rapportent de l’argent, mais qui à long terme donnent des armes aux anti-monopole pour nous considérer comme de simples affairistes ».
Rétropédalage depuis 2011 : Lors de notre enquête réalisée en juin 2011, 76 % des notaires interrogés n’étaient pas favorables à la publicité personnelle. Ils sont aujourd’hui 81%. De même, 52 % étaient favorables à la publication d’un article d’informations rédigé et signé par le notaire. Ils ne sont plus que 32 %. Le notariat serait-il de plus en plus frileux ?
2. Avoir un site perso (pour l’étude) relève-t-il de la pub perso ?
NON : 64 %
Le site perso est passé dans les normes. Pour la majorité des notaires interrogés, ne pas avoir un site, c’est être « marginalisé ». « Il faut évoluer avec son temps » nous dit-on. Liliane Nicastro (Bas-Rhin) constate d’ailleurs que « tous les professionnels ont des sites internet » et ne voit pas vraiment le problème. Un de ses confrères de Côte-d’Or s’avoue surpris. Pour lui, avoir un site ne relève pas plus du domaine de la publicité qu’être dans les pages jaunes de l’annuaire. Comme le panonceau dans la rue, le site est la vitrine de l’étude. Certaines conditions doivent toutefois être réunies pour ne pas déraper :
– les info relayées doivent rester générales (présentation et horaires de l’étude par exemple) et/ou être en lien avec la négociation immobilière
– le site doit être parfaitement encadré ; il doit respecter une charte de communication précise, car « un site est un moyen de communication (comme le papier à lettre de l’office) et on ne doit pas mettre n’importe quoi dessus ».
Nadia Ballara-Boulet en profite pour tirer la sonnette d’alarme. Selon elle, il faudrait une surveillance du CSN…
3. Faut-il interdire l’achat d’un positionnement préférentiel sur un moteur de recherche internet ?
OUI : 80 %
Plus des trois quarts des notaires interrogés sont farouchement opposés à l’achat d’un positionnement préférentiel, sauf si c’est au niveau des Chambres, du Conseil régional ou du CSN, voire d’un groupement de notaires. A défaut, c’est de la « publicité personnelle déguisée » (Christian Moreno) puisque moyennant paiement, un notaire peut se mettre en avant (« Tout le monde sait que pour être en tête de liste, il faut payer ! », Christèle Delayat-Duthy). Certains dénoncent un procédé déloyal de captation de la clientèle (« Le premier vu a plus de chances d’être retenu par le client »). D’autres s’insurgent contre une « manœuvre incompatible avec le statut d’officier public et la déontologie » (« Les notaires les plus riches seront les plus en vue, ce sera la fin des petits notaires ruraux »). Pour Arnaud Perez (Dordogne), la concurrence entre les études doit se faire sur d’autres critères que les moyens financiers destinés à la publicité. Sa consœur Hélène Canta (Savoie) estime qu’il va devenir très difficile de respecter la déontologie notariale si on encourage les notaires à se promouvoir comme des commerçants…
4. L’utilisation des réseaux sociaux vous paraît-elle relever de la pub perso ?
OUI : 75 %
Notre panel est prudent lorsqu’on évoque les réseaux sociaux. On les sent peu familiarisés avec ces nouveaux outils. Quelques-uns sont dubitatifs et, dans le doute, nous disent que « ça dépend des informations diffusées ». Mais la majorité de notre panel est méfiante. Pierre Reeb juge dangereux pour un notaire d’aller sur les réseaux sociaux. Jean-Marc Parizot, estime que « les réseaux sociaux ne permettent pas de diffuser une information de qualité ». D’autres, comme Me Jacques Le Bouvier, y voient surtout un moyen de se mettre en avant à titre personnel et de faire sa propre « réclame ». Et qui dit « réclame » dit pub perso…
4. La mise en place d’un arbre des compétences vous paraît-elle représenter une piste de progrès ?
NON : 54 %
Score très mitigé pour l’arbre des compétences (cf. article sur le sujet de Didier Mathy page 26) dont le concept reste mal appréhendé (« Est-ce à dire que les notaires « généraux » seront globalement moins compétents ? »).
• 46 % sont déjà conquis par le principe de cette base de données qui regrouperait toutes les spécialisations des notaires. A condition, bien sûr, qu’elle exprime la réalité (« Il faudrait pratiquement un contrôle annuel sur la compétence du spécialiste » nous souffle-t-on). Notre panel lui trouve de nombreux atouts :
– mise en valeur de domaines d’intervention inconnus du public, ce qui permettrait d’améliorer l’image de la profession ;
– meilleur service notarial ;
– mutualisation des compétences (« En période de crise, ça permettrait peut-être de parvenir à s’en sortir tous ensemble plutôt que chacun dans son coin… ») ;
– mise en valeur de l’effort de formation complémentaire (« Autant mettre en avant les notaires mettant à jour leurs connaissances dans tous les domaines, voire se spécialisant »).
• 54 % jugent la mise en place d’un arbre de compétences compliquée, dangereuse, voire « hors propos » (« Et pourquoi pas une distribution de bons points et d’images par la profession ? »). Pour eux, c’est :
– un moyen détourné de publicité personnelle (« Le notaire ne doit jamais représenter que sa profession et non pas mettre en valeur sa personne »);
– Un non-sens car « chaque notaire est à lui tout seul spécialiste en… notariat ! » (« Nos formations nous ont appris à savoir chercher les réponses aux questions juridiques, techniques et spécifiques. On peut tous faire une vente de pharmacie ou travailler sur une cession d’entreprise. Mais il faut s’en donner la peine ! ») ;
– Limiter la compétence à l’obtention d’un diplôme de spécialisation (« Un notaire peut être compétent sans pour autant avoir un certificat de spécialisation »).