Il m’a été rapporté la lecture, au tout début d’une Assemblée générale de Compagnie, d’une décision de la chambre de discipline, sanctionnant un confrère qui avait notamment pris de grandes libertés avec l’article 4. Face à l’ambivalence des réactions, je me suis interrogé sur le bien fondé de la sanction, son adéquation avec l’importance des méfaits et les résultats qu’il fallait en attendre.

 

La procédure a commencée lors d’une banale inspection organisée par le Conseil régional. Elle a conduit le confrère à écouter, en début d’AG, tous les faits qui lui étaient reprochés. N’ayant participé ni de près, ni de loin à cette affaire, je ne saurais en dire plus que l’énoncé des données factuelles. Le confrère en cause avait essentiellement pris de grandes libertés avec la taxe, ajoutant systématiquement un article 4 aux nombreux actes qu’il recevait, que ce soit une notoriété, une attestation de propriété, un partage, un partage transactionnel, voire un partage sous seing privé non enregistré… Les montants ainsi perçus étaient considérables et cela faisait des années qu’il en était ainsi. Il se permettait, en outre, de faire approuver les honoraires sur des feuillets en blanc… C’est ainsi que la chambre de discipline a prononcé la nouvelle peine, consistant à une censure prononcée devant tous les notaires, réunis en assemblée générale.

 

Après le choc, les questions…

Dire que les confrères furent anéantis, à la limite de l’écœurement, serait un euphémisme. Ils le furent à l’écoute du détail des actes en cause. D’abord surpris par l’importance des chiffres, puis accaparés par l’analyse de leur propre pratique, ils sortirent de la salle de réunion un peu secoués et finalement assez incapables d’en parler immédiatement avec les uns et les autres. Le choc avait été rude ! Cependant, à l’heure du repas, certains en vinrent au questionnement. À présent, tous les confrères étaient informés de la sanction prononcée lors de la réunion de chambre. L’humiliation était réelle. Réelle au point que certains se demandaient s’il était sain de transformer une AG en « un tribunal populaire »… D’autres, au contraire, firent ressortir que ce confrère s’en sortait sans beaucoup de mal, une fois oubliées les atteintes à son ego. Pas de sanctions financières, pas de restitutions aux clients, pas de suspension… Vu l’importance des faits reprochés, une suspension aurait été plus en conformité avec l’éthique que nous devons à nos clients. À l’inverse, certains notaires firent remarquer qu’une telle sanction, si elle était connue de la clientèle locale, pouvait saper la confiance qu’elle avait dans le notariat… La décision prise par la chambre de discipline était donc la bonne, puisqu’elle imposait une véritable épreuve au confrère malhonnête. Elle donnait une leçon pratique à l’ensemble des présents par la lecture du détail des faits reprochés, et n’entamait pas la foi des clients en leur notaire.

 

Égalité dans la sanction

Face à la rareté de la sanction, la question s’est posée de savoir si tous auraient été frappés de la même manière. Il semblerait qu’une majorité de confrères en doutaient, soupçonnant que les notaires importants de la ville risquaient moins que d’autres à la campagne ou dans des petites villes. Nous sommes en France et non pas aux Etats-Unis. Il est donc probable que le glaive ne s’abat pas sur tous les coupables de la même manière. In fine, on peut aussi se demander comment il se fait que les inspecteurs n’aient pas décelé plus tôt ces pratiques condamnables, apparemment anciennes. Changement de politique du CR ? Inspecteurs plus sévères ? Il n’en reste pas moins qu’au sortir de cette assemblée, les confrères regagnèrent leurs offices avec, en tête, la certitude qu’il fallait absolument respecter le guide de la taxe. L’exemplarité et la sanction demeurent, même pour des officiers publics, le meilleur garant du respect de la déontologie.