« Pour générer la réussite, il faut savoir créer une synergie collective » On nous avait dit de lui qu’il était « sympathique, ambitieux et innovant ». Hubert Emmanuel FLUSIN, notaire à Paris, ne nous a pas déçus ! Car, à presque 38 ans, ce Franc-comtois d’origine, amoureux de la langue anglaise (1) et inconditionnel du droit des sociétés (2) est également un féru de management. Rencontre avec un notaire pas tout à fait comme les autres, qui a créé son office il y a 5 ans, à côté du Parc Monceau, et qui manage aujourd’hui une équipe de 7 personnes…
Notariat 2000 : Vous avez eu recours l’année dernière à un coach. Pourquoi avoir entrepris une telle démarche ?
Me FLUSIN : C’est un concours de circonstances : l’un de mes amis était consultant en organisation d’entreprise et m’a parlé d’un stage de coaching où il restait des places ; et cela m’a tenté… Au départ, j’ai un peu servi de « cobaye », dans la mesure où mon coach n’avait jamais travaillé avec des notaires. Puis j’ai vécu les séances un peu comme une maïeutique, et ce n’est qu’à la fin du stage que j’ai compris tout le sens de la démarche. C’est alors qu’elle a véritablement commencé à porter ses fruits.
Notariat 2000 : Qu’en avez-vous concrètement retiré ?
Me FLUSIN : Cela m’a conduit à constater que je passais beaucoup trop de temps à gérer le fonctionnement matériel de mon étude, au détriment du temps qu’il me fallait consacrer à mes clients, actuels ou potentiels. J’ai donc appris à déléguer et à rendre mes collaborateurs plus autonomes. Pour cela, nous avons étudié et écrit le processus de suivi de chaque type de dossier, en définissant les étapes clés le composant afin de déterminer, pour chacune d’elles, les vérifications à opérer, les démarches à accomplir, les informations à communiquer au client, etc. Nous avons également rédigé pour chaque collaborateur une » lettre de mission « , afin de mieux définir son poste en fonction de son expérience, de son savoir-faire, du type de dossiers traités par ses soins, de son degré d’autonomie, etc. L’une des conséquences indirectes de ce processus a également été de faire sous-traiter certaines missions (standard, secrétariat, acheminement du courrier, formalités, etc.) par des prestataires de services extérieurs, et à recourir aux services d’un groupement d’achats et d’un » secrétaire général délégué « , de manière à rationaliser la » fonction achats » au sein de l’Étude, et à en optimiser les coûts. Ceci nous a également permis de bénéficier d’une assistance et de conseils pour tout problème matériel que nous pouvons être amenés à rencontrer, et d’une véritable aide à la décision, tant pour négocier de nouveaux contrats que pour renouveler ou dénoncer des contrats en cours. Inutile de souligner que pour » l’homme-orchestre » que je suis, cette démarche globale de management (matériel et humain) a été d’un grand bénéfice, tant au niveau des résultats directs ou indirects qu’elle a pu générer, qu’au niveau du temps qu’elle m’a permis de gagner et de la sérénité qu’elle m’a permis de retrouver !
Notariat 2000 : Quels sont, selon vous, les principes mêmes d’un bon management ?
Me FLUSIN : Il faut créer une synergie collective. À mon sens, c’est seulement à ce prix que l’on génère une réussite. En premier lieu, la considération du collaborateur me paraît être un facteur essentiel. Il est également indispensable de recenser les talents de chaque membre de l’équipe, pour que chacun soit bien à son poste ; c’est pourquoi il importe de bien définir sa mission et de la formaliser. Mais lorsque l’on parle de » synergie « , il s’agit également de susciter une énergie collective, par la création et le maintien d’une très forte cohésion de l’équipe. C’est ainsi que nous avons pour habitude à l’étude de déjeuner tous ensemble au moins une fois par semaine. Lorsqu’il fait beau, nos réunions-déjeuners prennent même la forme d’un pique-nique organisé dans le Parc Monceau ou dans un parc voisin ! Ces réunions informelles ont l’avantage de renforcer l’esprit d’équipe. C’est aussi l’occasion de réfléchir ensemble sur les dysfonctionnements que nous avons pu rencontrer dans l’accomplissement de nos missions, et au-delà, de la simple recherche du point de savoir à qui en incombe la responsabilité, de s’interroger sur leurs causes et de mettre en place les solutions appropriées, de manière à ce qu’ils ne se reproduisent plus.
Notariat 2000 : Management et qualité sont finalement deux notions très proches l’une de l’autre ?
Me FLUSIN : ce sont deux outils de progrès. La démarche qualité nécessite une forte implication, tant du notaire que de ses collaborateurs, et suppose que le processus en ait été défini avec soin. Toutefois, la démarche qualité me semble être davantage centrée sur les aspects techniques, que sur les considérations humaines, contrairement au management qui a un vrai impact psychologique et s’intéresse plus à la façon d’impliquer chacun au sein de l’équipe. De ce point de vue, le management est un outil de motivation et d’entraide, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il soit incompatible avec la qualité, bien au contraire ! De surcroît, dans sa dimension humaine, le management est non seulement un outil de gestion des ressources existantes, mais également un outil de recrutement : si l’on veut que l’équipe reste soudée, il faut faire en sorte que tout nouvel arrivant reçoive l’adhésion des personnes avec lesquelles il va être amené à travailler. Enfin, la technique devient un outil de fidélisation, tant interne qu’externe, dans la mesure où lorsqu’un collaborateur se sent bien dans une équipe, il s’épanouit d’autant plus, et les clients qui traitent avec l’Étude le ressentent.
Notariat 2000 : Avez-vous entrepris une démarche qualité ?
Me FLUSIN : C’est en projet, mais nous sommes déjà entrés dans une démarche de progrès. Ainsi, outre les processus de traitement des dossiers, nous avons mis en place, pour chaque ouverture de dossier, une démarche qui consiste à remettre à nos clients un calendrier prévisionnel présentant les différentes phases de leur opération, une fiche informative leur présentant leurs différents interlocuteurs ( » qui fait quoi ? « ) et une fiche explicative sur les frais de notaire, à l’appui du décompte estimatif de frais que nous leur remettons. Pour les dossiers non soumis au tarif ou donnant lieu à la perception d’honoraires, nous avons également mis en place des fiches de temps, faisant apparaître le nombre d’heures passées par chaque collaborateur, pour le traitement du dossier, et par activités, de manière à pouvoir être très transparents par rapport à la tarification de nos prestations.
Notariat 2000 : S’il fallait tirer une conclusion (au moins provisoire) de toutes ces réflexions, quelle serait la vôtre ?
Me FLUSIN : S’il n’y avait qu’une chose à retenir de » l’aventure » que j’ai vécue en créant mon office, ce serait que, sans l’appui des hommes et des femmes qui forment l’équipe servant de moteur à l’entreprise, les seules considérations économiques, techniques ou financières sont insuffisantes à générer le succès. C’est en ce sens que, de mon point de vue, » l’entreprise est un défi autant humain qu’économique « .
1 – Diplômé en anglais juridique, Me FLUSIN a collaboré, il y dix ans, au sein d’une firme de solicitors à Londres, puis aux côtés d’un barrister.
2 – Matière qu’il enseigne à L’Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne)