À la réflexion, la note du CSN aurait plus sa place dans le guide du futur notaire que dans les bagages du notaire sortant. Car l’impétrant se doit d’être parfaitement informé de ses obligations au « long cours », avant de se lancer dans la grande – et belle – aventure notariale, ne serait-ce qu’en matière de responsabilité civile, pénale ou judiciaire !
Responsabilité civile : « l’assureur tous risques des conseils »
Le notaire « n’est pas un professionnel libéral comme les autres ». Pour cette raison, la doctrine et la jurisprudence conjuguent une dérive dangereuse qui voudrait, à terme, faire de l’officier public « un assureur tous risques » des conseils qu’il donne et des actes qu’il reçoit. Prouver l’accomplissement de ses devoirs professionnels (et notamment son obligation de conseil) incombe au notaire. En revanche, avec le projet de loi de « modernisation » des professions juridiques, il apparaitraît que ce soit au client de l’avocat de prouver l’éventuelle défaillance du professionnel… Cette disparité de traitement entre deux professions voisines du droit est scandaleuse ! Est-ce une illustration de la « discrimination positive » chère à notre avocat de président ? Cela mériterait une ferme mise au point des instances professionnelles avec la chancellerie ! Question subsidiaire : le CSN ne devrait-il pas saisir la Halde, après la promulgation de cette loi dite de « modernisation » ?
La prescription, en matière de responsabilité civile, est passée à 5 ans avec la loi du 17 juin 2008. Pour le notaire sortant, condamné potentiel, les sanctions financières s’apprécient selon deux situations :
Si l’assignation est délivrée au-delà de la fin de son exercice, la compagnie d’assurance supporte le sinistre dans sa totalité (aucune franchise due) ;
Si l’assignation survient alors que le confrère est encore en activité, il faut provisionner la franchise qui devra être supportée si la condamnation vient à aboutir.
Responsabilité pénale : déjà sous François 1er…
Le notaire sorti de charge reste responsable des infractions pénales qu’il a pu commettre au cours de son exercice. Les délais de prescription sont de 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions… Le faux en écriture authentique continue à être lourdement sanctionné. La note du CSN révèle, à titre anecdotique, que dans un édit de mars 1531, François 1er a condamné à la peine de mort « les notaires convaincus d’avoir commis une fausseté dans la fonction de leur office ». À l’époque, Herbin, notaire au Châtelet, fut pendu pour avoir antidaté ses actes et ne fut pas le seul à encourir une condamnation d’une définitive sévérité… L’infraction a été, heureusement depuis, « correctionnalisée » : elle est punie de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende.
Responsabilité disciplinaire : tel un vilain petit canard
Le traitement infligé au notaire sortant apparaît, pour le moins, paradoxal. En effet, selon l’ordonnance du 28 juin 1945 qui régit la discipline, « l’officier public ou ministériel peut être poursuivi disciplinairement, même après l’acceptation de sa démission, si les faits qui lui sont reprochés ont été commis pendant l’exercice de ses fonctions. En matière disciplinaire, la prescription est de 30 ans ». Ainsi, le notaire sorti de charge peut être poursuivi disciplinairement beaucoup plus longtemps qu’en matière civile ou pénale. Concrètement, le notaire faisant valoir ses droits à la retraite à 65 ans peut être poursuivi disciplinairement jusqu’à la fin de sa vie ! Ce dispositif totalement farfelu mériterait d’être assoupli. À défaut, le notaire français apparaîtra encore comme le « vilain petit canard » de notre société contemporaine.