« Taxis, notaires, coiffeurs et cafetiers, accusés de brider la création d’emplois… »titre Le Figaro Economie du 22 novembre 2004. Astuce de mise en page pour vendre du papier (le notaire fait vendre !), révélatrice d’un certain état d’esprit, car si l’article de Rémi GODEAU évoque les vétérinaires, les kinésithérapeutes, les experts-comptables, la loi Galland et la loi Royer, il n’est nulle part question des notaires. Toutefois, dans ce même Figaro, Jean-Paul MULOT fait référence, dans son éditorial intitulé  » Le mur de Berlin de l’emploi « , au rapport Rueff-Armand qui  » pointait déjà du doigt les obstacles à l’expansion économique parmi lesquels l’exercice de certains métiers comme celui de notaire « .

 

Un immense effort a été fait par la profession depuis la publication de ce fameux rapport Rueff-Armand. Beaucoup répondront d’ailleurs que l’on n’a plus le droit d’évoquer Balzac et les lustrines des clercs de notaire comme le font encore abusivement certains journalistes. Car, la révolution informatique a fait son oeuvre en France et dans le notariat ! La grande majorité d’entre nous communique non seulement avec le fax, mais le plus souvent par Internet. La comptabilité et la rédaction des actes sont traitées par informatique dans tous les offices notariaux et ces mêmes actes sont numérisés, alors qu’il y a peu, les minutes étaient archivées et quelquefois microfilmées. Nous nous sommes modernisés grâce à des moyens importants et à l’aide d’ELAN-CDC, ce qui nous place probablement devant l’ensemble des avocats. Mais est-ce suffisant ? Peut-on dire que la manne financière, qui a toujours arrosé copieusement les notaires, a toujours eu les résultats escomptés ? Une analyse fine du passé démontrerait probablement que, comme l’Etat, nous dépensons trop pour un résultat insuffisant et qu’il est temps que le pouvoir oligarchique et centralisateur se remette en cause en vue de parvenir à une réelle efficacité, en toute transparence…

 

Le notaire face au consommateur

Le thème du Congrès Jeune Notariat, qui s’est tenu en novembre à Séville, ne concernait pas l’organisation du notariat mais les rapports des notaires avec les consommateurs. De quoi nous plonger en plein dans le rôle et la mission de l’officier public dans la société à l’aube du 21e siècle ! Lors du congrès, nous avons vu que le notaire était armé sur le plan matériel pour répondre à la demande exponentielle des consommateurs. Il devrait l’être encore plus avec la qualité, dont le CSN assure la promotion et la mise en place au moyen de l’organisation de stages dans les compagnies. Tout cela est bien puisque classique. Mais la question qui me taraude concerne notre mission, telle que l’a définie le conseiller REAL et telle que tous les notaires, tous les étudiants, tous nos interlocuteurs la connaissent. N’avons-nous pas poussé trop loin l’idée que l’office notarial est une entreprise, que le notaire est un entrepreneur et que, pour être utile, il doit répondre nécessairement à la demande du client sur le plan de l’expertise, de la négociation, de la médiation, de la gestion de patrimoine, etc. ? À trop vouloir nous intégrer dans l’économie, comme de véritables entrepreneurs, nous voilà mis au rang des taxis, coiffeurs, cafetiers… La comparaison ne me choque pas : les commerçants et les artisans sont des travailleurs (souvent plus de 35 heures) qui méritent notre respect. Mais ne devrions-nous pas plutôt être comparés, pour notre efficacité tout simplement, à la justice ou aux commissaires aux comptes ? C’est le noeud du problème et, comme l’a si bien rappelé Madame FERRE-ANDRE dans son rapport de synthèse après le Congrès JN, c’est tout le danger de la banalisation de notre art.

 

Quel avenir ?

Les promoteurs du « notaire chef d’entreprise » tous azimuts prétendaient qu’en cas de perte du monopole, il fallait être prêt. Or, c’est peut-être à cause de notre action que nous perdrons ce monopole. Au demeurant, quand on voit qu’une agence immobilière s’installe et tourne en quelques mois, faut-il désespérer du notariat ? Ne pourrait-il pas, lui aussi, vivre en peu de temps de la négociation, par exemple, si l’Europe l’imposait ? Un magistrat, interviewé sur la justice à la suite des désastreuses affaires révélées ces temps derniers par la Presse, répondait aux journalistes : « Moderniser la justice signifie pour moi plus d’humanité et plus d’efficacité ». Je serais tenté d’écrire que, pour moi, « Moderniser le notariat signifie plus d’humanité, plus de MORALITE et plus d’efficacité ». Il se pourrait, si l’Europe nous en laisse le temps, que le salut vienne des femmes, nos consoeurs, car elles sont souvent plus rigoureuses que les hommes, moins soucieuses de rentabilité et pour tout dire plus humaines…