Nous publions ci-dessous le courrier d’un de nos lecteurs qui souhaite garder l’anonymat. Notre correspondant s’interroge sur l’intérêt qu’accorde la profession aux progrès techniques et se demande notamment, si la mise en place de Télé@actes ne va pas, au final, faciliter la suppression du fameux monopole de la publicité foncière…

 

« Il nous avait été rappelé, voici quelques années déjà, la belle définition que le Conseiller REAL avait donnée des notaires : ‘Conseils désintéressés des parties aussi bien que rédacteurs impartiaux de leurs volontés, leur faisant connaître toute l’étendue des obligations qu’elles contractent, rédigeant ces engagements avec clarté, leur donnant le caractère authentique et la force d’un jugement en dernier ressort, perpétuant leur souvenir et conservant leur dépôt avec fidélité.’ J’adhérais sans réserve à cette belle phrase et je croyais naïvement qu’elle était toujours d’actualité. Et puis, au fil des mois et des années, je me suis rendu compte que le notaire n’est plus du tout ce personnage de rêve, ce conseiller réfléchi, et encore moins ce rédacteur parfait. Au retour de la dernière assemblée générale de ma Compagnie, au cours de laquelle n’ont jamais été évoquées les grandes réformes que nous vivons cette année (successions, urbanisme, minorité-tutelles), ni les évènements professionnels importants (modification du tarif, Congrès des notaires de France), mais où il n’a été question que d’informatique -spécialement du système Mnémosyne et de Télé@ctes-, je me suis interrogé. Je me demande si le notariat ne fait pas fausse route en croyant que le salut lui viendra de ces moyens techniques. Certes, il ne faut pas négliger et refuser le progrès technique, il faut l’utiliser et se munir des outils nécessaires. Mais est-ce suffisant ? Évidemment non ! Il ne faut pas s’illusionner sur la prétendue protection que nous garantiraient notamment la mise en place et l’utilisation de Télé@ctes. Au contraire, il me semble que nous mettons au point et finançons seuls un outil qui va bénéficier d’abord à l’administration fiscale (tant mieux !), et qui pourrait, surtout, faciliter la suppression du fameux monopole de la publicité foncière. Serions-nous nos propres fossoyeurs ? Sans doute ai-je mauvais esprit, et puissé-je me tromper ! À vouloir aller vite, à standardiser de plus en plus tous les contrats pour les besoins de la publicité foncière et pour répondre aux exigences informatiques, à dématérialiser nos demandes de renseignements, nos actes seront de moins en moins empreints de notre réflexion juridique. À cela, j’ajouterai que, depuis l’avènement de l’informatique dans notre profession, nos actes ont perdu en qualité rédactionnelle si chère au Conseiller REAL et en lisibilité, sans parler des nombreuses coquilles qui les parsèment. Le notariat vend du prêt-à-porter alors qu’il faisait jadis du sur-mesure ! Subsidiairement, s’il faut certes faire rapidement publier un acte et remettre au client la copie authentique qui lui revient, notre rôle ne s’arrête pas là. Nous ne remplissons pas notre mission si nous n’avons pas garanti une situation hypothécaire parfaite. Cela suppose avoir une grande rigueur dans les demandes de renseignements et de poursuivre, avec diligence, la radiation des inscriptions. À ce sujet, il apparaît d’ailleurs qu’une action professionnelle auprès des établissements de crédits serait bienvenue car il devient bien difficile d’obtenir les pièces nécessaires aux mainlevées hypothécaires. Ne pas être vigilant sur la situation hypothécaire, et envoyer à l’acquéreur un titre de propriété d’un bien grevé d’inscription n’est pas honnête, ni digne d’un notaire (il est vrai que la rémunération devenue dérisoire de l’acte de mainlevée a réduit la motivation, mais pas la responsabilité !). Ne faut-il pas absolument que le notariat prenne conscience que sa seule chance de survie sera sa compétence juridique, sa faculté d’analyse de chaque situation, son savoir toujours mis à jour, sa capacité à traduire les conventions des parties et à apporter toutes garanties à ces conventions ? Si nous déléguons l’exercice de notre profession à des machines et si nous laissons le droit nous échapper, alors nous n’avons effectivement plus de raison d’exister. Les autres professions juridiques et les banques auront raison de revendiquer le droit d’accéder aux fichiers et d’y effectuer les mêmes opérations que nous. »