Le rapport 2007 de la Banque mondiale a beau s’appeler « Doing business », le titre « Telling silly things » lui conviendrait mieux ! La nette amélioration de la place de la France au sein du classement des pays, résultante directe de l’engagement de la profession dans les téléprocédures, en est la preuve…
La nouvelle est tombée sans qu’on s’y attende. « Le Directeur général de la Banque mondiale a présenté l’édition 2007 du rapport Doing Business, en soulignant que la France avait amélioré sa position grâce à la mise en oeuvre par le notariat de la dématérialisation des échanges en matière de transfert de propriété immobilière ». C’est merveilleux, nous en sommes très heureux… À ceci près qu’il me semblait avoir appris, au cours de mes -certes lointaines- études, que l’acte authentique présentait, entre autres qualités, celle d’opérer immédiatement le transfert de propriété sans l’intervention d’une formalité quelconque, et que la publicité foncière, outre le côté purement fiscal et la question des garanties, n’avait pour seule conséquence que l’opposabilité aux tiers. Soit je n’ai jamais rien compris, soit nous nous rendons complices, en nous félicitant de cette progression d’une tendance qui, sans être récente, s’aggrave de jour en jour : la rédaction des actes dans la seule perspective de la publicité foncière.
Le bon rythme
La lenteur des transactions immobilières n’est pourtant pas le résultat des transmissions par voie conventionnelle ! Qu’il me soit ici permis de rendre hommage, avant sa disparition annoncée, à la petite Recette-Conservation de Louhans, avec laquelle je travaille majoritairement et qui, depuis des années maintenant, tient un rythme effréné de retour des actes déposés en dix à quinze jours. Moyennant un minimum d’organisation, l’acte formalisé dès signature pouvait être déposé le jour même ou le lendemain, revenu sous quinzaine et restitué sous trois semaines…Y avait-il matière à ralentir le transfert de propriété immobilière ? Certes non, puisque ce transfert a eu lieu dès la signature de l’acte ! La publicité foncière dans un tel délai mérite-t-elle un « bonnet d’âne international » ? J’ai beaucoup de mal à le croire… Du reste, on ne cesse de nous dire que notre part du marché du droit se réduit comme peau de chagrin, que nous devenons insignifiants. Et, malgré cela, le simple fait d’avoir mis le doigt dans l’engrenage Télé@ctes suffirait à rétablir la position de la France. Eh bien, elle en prend un méchant coup, la grandeur de la Nation… 8 800 pauvres professionnels libéraux mettant en danger les résultats du pays entier !
« Ils nous adorent »
On nous demande d’être infaillibles, de penser à tout, de tout vérifier, de tout savoir. Rien, absolument rien ne nous est toléré, comme le dit si bien Rémy Libchaber* : « La sévérité dans l’appréciation de la responsabilité du notaire n’est rien d’autre qu’une manière d’hommage rendu à l’éminence de la profession, à l’importance de son rôle social. C’est parce que l’officier ministériel constitue une pièce essentielle de la confiance publique qu’il ne doit jamais être pris en défaut, quand bien même ce que l’on aurait à lui reprocher pourrait ne pas apparaître comme décisif ». Un tel niveau d’exigence n’a plus rien d’humain, on nous demande presque d’être… des dieux ! Des dieux ? Bon sang, mais c’est bien sûr, j’aurais dû y penser avant : « ils nous adorent ! ». Rendez-vous compte, ils nous adorent ! Si on ne les retenait pas, ils nous construiraient des temples, et nous apporteraient des offrandes ! Mais au fait, pourquoi les retient-on ? Fichue modestie !
*Rémy LIBCHABER – Répertoire DEFRENOIS 2007 N° 20, Chronique de jurisprudence, page 1459”