On ne change pas si facilement ses habitudes. Depuis ma rencontre en 2001 avec un épi de maïs transgénique 1, j’avais abandonné les promenades canines sur le petit chemin qui formait autrefois la limite entre zones de droit écrit et droit coutumier. Le temps s’est écoulé, effaçant le souvenir et j’y suis retourné…

 

Y avait-il réellement eu rencontre ? Je ne l’aurais pas parié. Et pourtant… J’étais perdu dans mes pensées lorsqu’une petite voix retentit.
- Salutations, vestige ! Voilà bien longtemps ! Mon sang ne fit qu’un tour. Ainsi donc, tout recommençait ! Je cherchais du regard l’épi de maïs transgénique, mais en vain…
- Serait-ce l’abus du « hors la vue » qui te rend ainsi incapable de me voir ? Portant le regard dans la direction d’où semblait provenir la voix, je vis enfin… un tournesol ! Mais attention, pas n’importe quel tournesol ! Celui-ci tournait le dos au soleil et ses feuilles, d’un vert très sombre, formaient comme une robe sous l’auréole de ses pétales.
- Excusez-moi, lui dis-je avant même de réaliser que je parlais à une fleur, je m’attendais à quelqu’un d’autre ! Nous nous connaissons ?
- Globalement non, répondit-il, partiellement oui… Je te le rappelle, nous sommes partout ! Les éleveurs de perroquets voulaient des graines susceptibles d’améliorer l’éloquence de leurs oiseaux. L’éloquence, c’est l’avocat… et me voilà !

 

« Certificat de non connerie »

Un tournesol aux gènes d’avocat ?! Mais jusqu’où iront-ils ? Je m’apprêtais à passer mon chemin lorsque le végétal me cloua au sol…

- Au fait, vestige, tu crois que vous l’auriez ton « certificat de non connerie » ? C’en était trop ! Qu’il me traite de vestige, passe encore, mais qu’il puisse retourner à mon encontre mes propres écrits 2, je ne pouvais le tolérer !

- Et comment avez-vous eu connaissance de ça ?

- Nous sommes partout. Mais, réponds plutôt à la question !

- Je suppose que vous avez déjà votre idée…

- Vous n’auriez pas ce certificat… D’abord vous vous êtes laissés berner par la Publicité Foncière ! C’était un cadeau empoisonné ! Dès l’instauration de ce domaine réservé, vous avez commencé une lente régression. Exit le conseiller des familles, bonjour le manufacturier d’actes publiables.

L’important n’était plus absolument l’accord des parties, mais la conformité à la publicité foncière et l’optimisation des techniques. Puis vous vous êtes laissés endormir par le tarif ! Il vous a été présenté comme devant permettre un équilibrage entre « gros » et « petits » actes alors qu’il rend ces derniers insupportables pour les « Français d’en bas ». Dès l’origine, il était conçu pour assurer votre perte, mais l’augmentation des valeurs exprimées a permis à certains d’entre vous de s’enrichir d’une façon indécente, attisant toutes les jalousies. Mieux, il comporte un espace de liberté. C’était trop pour vous ; même ça, vous avez réussi à l’enchaîner. Vous vous laissez bercer par les fausses promesses ! Collecteurs d’impôts non rémunérés (votre rémunération couvre surtout votre devoir de conseil et les coûts exponentiels de production), vous assumez même la responsabilité des fraudes de vos clients ! Et n’allez pas remettre en cause les inepties de la loi fiscale, vous seriez accusé de « flétrir la crédibilité notariale ». Vous vous dressez sur les pattes arrière pour applaudir à tout rompre celui qui promet de vous laisser votre gamelle, sans même ressentir ce qui fait de lui un renard et de vous… un corniaud. Par ailleurs, vous vivez au service de ceux qui prétendent vous servir ! Dès qu’une idée, fut-elle géniale, devient institution, elle perd son âme. Décidée par « la profession », elle vous coûte de plus en plus, et vous sert de moins en moins. En outre, vous…

 

Responsabilité et conseil

C’est à cet instant que j’ai perdu pied. J’ai saisi l’importun à la tige et je l’ai arraché à son triste sort avant de le piétiner sauvagement de mes 105 kilos de furie irraisonnée. J’ai soudainement compris ce que, depuis dix ans au moins, je vous avais infligé, fidèles lecteurs. Difficile d’être ainsi tiré de sa torpeur ! Et j’ai repris mon chien et notre promenade printanière. On ne va quand même pas se laisser insulter par une plante, et encore moins un OGM mâtiné d’avocat, non mais sans blague ! Toutefois, depuis cette rencontre, une question me taraude : avais-je réellement toutes les données en mains lorsque j’ai signé ce traité de cession voici plus de vingt ans… Et qui, alors, aurait bien pu me conseiller et pourrait assumer aujourd’hui, à ma place, la responsabilité de cette décision sous le prétexte du conseil donné ?

 

1 – Notariat 2000 n° 427 février 2001, « Rencontre du 3e type ». 2 – Notariat 2000 n° 426 janvier 2001 « Certificat de non connerie ».