Les assureurs plastronnent après le tir groupé de la série d’arrêts de la Cour de cassation de décembre 2004 : les contrats d’assurances-vie ne sont pas des contrats de capitalisation puisqu’ils sont aléatoires…
L’aléa est la durée de vie du souscripteur. À ce titre, la création d’un fonds de commerce en nom propre serait aussi de facto un contrat aléatoire ! Malgré cette argumentation, critiquée par des auteurs éminents (Doyen Aulagnier, Professeur Laurent Aynès) (1), le mérite de ces arrêts est de fixer la jurisprudence. Bien sûr, le débat sera déplacé sur d’autres terrains : la faute du souscripteur qui a utilisé des sommes trop importantes par rapport à l’actif de communauté, la prime excessive, la fraude, ou tout autre argument laissé à l’imagination des juristes. Souscriptions anarchiques
Il est particulièrement regrettable que le débat autour de ce problème ait été présenté par quelques assureurs et certains journalistes comme une bataille entre notaires et assureurs. Ces derniers défendant le « consommateur assuré » de la rapacité des vilains notaires, privés ainsi d’une masse taxable (2). Cependant, nous notaires, nous vivons au quotidien les effets néfastes des souscriptions anarchiques de contrats d’assurance-vie, vendues comme des placements par des commerciaux de la banque ou de l’assurance.
Que le notaire qui n’a pas « ramé » pour obtenir les renseignements nécessaires lors du règlement d’une succession, sur les contrats souscrits par le défunt, lève le doigt ! Il faut insister pour rattraper les affirmations erronées sur l’exonération de droit d’enregistrement, obtenir copie des déclarations spéciales effectuées directement par les assureurs, ventiler l’exonération entre des bénéficiaires différents, obtenir éventuellement le paiement de celui qui a gagné la course à la première déclaration auprès des services fiscaux.
Que le notaire qui n’a jamais vu les germes de rancoeur semés dans les familles, par la souscription d’un contrat dont un seul enfant est bénéficiaire, se manifeste ! Alors que nous sommes particulièrement présents dans la préconisation des donations en avancement d’hoirie et recommandons la donation-partage, il semble que les commerciaux de l’assurance n’aient pas les mêmes scrupules dans le maniement des contrats d’assurance-vie…
Enfin, et ce n’est pas le moins important, combien de compagnies d’assurance manquent à leur obligation de conseil pour sécuriser l’exécution du contrat au décès du souscripteur, c’est-à-dire verser les sommes dues au bénéficiaire (3) ? Les solutions sont pourtant connues : testament désignant le bénéficiaire déposé chez un notaire et inscrit au FDDV, ou inscription au répertoire national des souscripteurs des contrats d’assurance-vie (4), répertoire, dont on pourra regretter, malgré diverses suggestions notamment dans notre revue, qu’il n’ait pas été créé par le notariat.
Nécessité d’un rapprochement
Les assureurs ne devraient pas pavoiser en suite de cette victoire à la Pyrrhus fournie par la Cour de cassation. Ils devraient, au contraire, en conclure la nécessité de se rapprocher enfin du notariat et ne pas s’abriter derrière le faux accord signé il y a quelque temps qui ne permet même pas au notaire réglant une succession de connaître le nom du bénéficiaire du contrat d’assurance souscrit par le défunt. L’inscription de la souscription d’un contrat d’assurance-vie à un fichier centralisé devrait être obligatoire, avec possibilité pour un héritier, un notaire ou un avocat d’interroger ce fichier en produisant un acte de décès du souscripteur. Quant au secret professionnel, derrière lequel s’abritent les compagnies d’assurances pour refuser d’indiquer le nom d’un bénéficiaire, il ne devrait pas être opposable au notaire chargé de régler la succession du souscripteur.
1. Droit et patrimoine N° 133 janvier 2005
2. Voir courrier des lecteurs N. 2000 N° 464
3.Voir à ce sujet bulletin du CRIDON Paris 1er décembre 2004 N° 22 Luc Broyer
4. L’adresse est 42, rue de Dunkerque- 75009 Paris