Finalement les États Généraux portaient bien leur nom ! Nos instances se trouvent devant des doléances, non pas des notaires (puisqu’ils n’ont pas eu le droit de parole), mais de notre garde des Sceaux qui a fait des propositions d’avenir pour le notariat. Il demeure que notre profession doit une fière chandelle à notre président Ferret et à son équipe. Ils ont su faire face aux dangers immédiats dans ce pilotage à vue sur les récifs de l’acte contre signé…

 

Ne sentez vous pas l’appel d’air ? Quelque chose de Ventôse ? Comme un « Big Bang » ? Le 28 janvier au Zénith, notre garde des Sceaux nous a retiré des chaînes aux pieds. C’est avec beaucoup de persuasion qu’elle nous a invités à sortir de nos frontières (1). « Le temps d’un notariat replié sur l’hexagone est révolu ». Le « notaire exportateur » est né. Bientôt, les notaires pourront signer des actes authentiques à l’étranger, quel que soit le pays dans les consulats. Ils pourront être nommés « consuls honoraires ». Notre ministre veut faciliter la modernisation de nos structures professionnelles et fait appel à notre audace, notre passion pour notre droit et notre amour de la France. Le ministère des Affaires étrangères, rencontré dans le cadre du Congrès MJN 2007 (2), en avait rêvé. Le message a été bien reçu place Vendôme !

 

Notaire exportateur

Ainsi, c’est l’an I de la liberté, celle pour le notariat de pouvoir faire claquer le drapeau, et faire valoir ses atouts, ses talents d’organisation sur tous les continents. Nous avons désormais devant nous des champs immenses à exploiter et la possibilité de faire connaître notre culture. Notre droit en est le reflet et le notaire l’émanation, comme l’expliquait Annie Rollet en 2007 lors du congrès MJN (3). Nous voilà aujourd’hui à armes égales avec les cabinets juridiques mondiaux qui, eux, exercent bel et bien en France. L’idée du « notaire exportateur », l’une des propositions majeures de ce même congrès, va enfin se concrétiser. Elle a été avancée par Danielle Beausoleil et Martine Lachance, toutes deux notaires au Québec. Leur Code civil leur permet d’exercer dans n’importe quel endroit du globe et pas seulement dans les consulats. Reste à franchir ce pas. Relever ce défi nécessite une formation immédiate des futures générations (langues, stage à l’étranger, droits étrangers). La récente création à Lyon, sous l’impulsion de Me Denis-Pierre Simon, d’un Centre européen du notariat, s’inscrit dans cette logique. Le notaire exportateur est un déclencheur d’ouverture et d’attractivité pour les jeunes : offrons-leur l’avenir, pas le passé. Notre garde des Sceaux vient de donner le « top » départ, même si, dans le projet de la profession, il n’y a rien sur la circulation des notaires, ni sur leurs activités à l’étranger. On en reste à la circulation de l’acte authentique européen, à sa reconnaissance (et encore à l’aide de la technique informatique)…

 

Office spécialisé

Le projet Horizon 2020 a souligné la nécessité de créer des spécialités dans le notariat. En revanche, la mise en place de notaires spécialistes demeure particulièrement floue, notamment en matière de partage d’honoraires, de répartition des tâches et de suivi ou détournement de client. Tout d’abord, il est proposé de créer un « Centre de notaires spécialistes », mais sa place est ambiguë, le spécialiste ayant toujours un notaire généraliste à la patte, un funambule, un sous-traitant… Quid des appels du client ? Ensuite, le projet prévoit que le notaire spécialiste puisse exercer, selon le projet, dans une SCP généraliste. Quel notaire osera lui envoyer son client ? A-t-on vu des rétrocessions d’honoraires du cardiologue au médecin traitant ? Ne faudrait-il pas plutôt mettre en place « l’office notarial spécialisé » comme nous l’avions préconisé à San Francisco ? Il serait, par définition, indépendant et ne pourrait recevoir les actes courants du généraliste. Le projet Horizon 2020 envisage de définir des partages d’honoraires et des « sanctions » (sic), malgré la désapprobation de la salle. Ne faut-il pas changer de braquet et de vitesse ? La coupure totale entre les activités du notaire généraliste et celles du spécialiste semble la clef du succès. Les mélanger, c’est assurer de beaux jours aux avocats spécialisés… au détriment de nos parts de marché !

 

1 – Lire N2000 n°506, nov., p.12-13 (« Sécurité, ne nous laissez pas dans nos casernes ») et n°507, déc., p. 22 et 23 (« Envoyer des renforts »). 2 – Yvon Rose a présidé en 2007 le Congrès MJN « Droit et Economie » qui a eu lieu à San Francisco. Denis-Pierre Simon était rapporteur général. 3 – Cf rapport du Congrès MJN 2007, Annie Rollet, p. 145-158.