Le besoin d’avancer, de rechercher, de développer, de proposer conduit parfois à imaginer ce qui existe déjà ou n’a pas de raison d’exister. Gros plan sur la manifestation du 28 janvier avec arrêt sur images sur certains moments forts…

 

 

Talent et statut

Le professeur Grimaldi a été clair : c’est du statut que provient l’authenticité. Le notaire n’exerce pas une profession concurrentielle comme l’avocat. Il ne s’installe pas librement, il est nommé par le ministre de la Justice en fonction du maillage nécessaire. Sa responsabilité est délictuelle, la fonction fiduciaire lui est interdite. C’est parce qu’il est soumis à un tarif, qu’il est protégé de la concurrence. C’est parce qu’il est indépendant des parties que le notaire est crédible et que ses constatations sont tenues pour vraies ! La force probante et la force exécutoire sont à ce prix. Assouplir ce statut reviendrait à diminuer la force de l’authenticité ! Partout dans le monde (et donc en Europe), le notaire exerce une fonction publique de proximité, protégée de la concurrence et confortablement rémunérée, sans possibilité de développement. La France s’est déjà trop écartée du modèle, et elle semble vouloir encore forcer la banalisation du statut ! « Le droit n’est pas un marché », comme l’a déclaré Dominique Garde. « Le droit et l’économie sont différents, on tire sa dignité de ce qui n’est pas marchand (…). Le notaire équilibre libéralisme et régulation ». Roland Cayrol par exemple qui dit que « le notaire n’est pas assez proche du client » n’a pas compris que l’impartialité exigeait une « certaine distance »…

 

Office spécialisé et CNPS

Le plan Horizon 2020 propose de mettre en place des offices spécialisés ainsi qu’un centre des notaires praticiens spécialisés (CNPS). Voilà encore une déplorable confusion entre la fonction et le talent ! Le spécialiste n’a pas à être titulaire d’un office s’il n’est pas formé pour l’assumer pleinement. En revanche, tout office peut faire sous-traiter une partie de son travail matériel par des spécialistes. Nous consultions des professeurs, des spécialistes bien avant la création des CRIDON. Enfin, l’insertion du mot « notaire » dans le sigle « CNPS » est pernicieuse. Si l’on n’y prend gare, tout collaborateur démissionnaire pourra un jour s’installer comme avocat et se dire « ancien membre du Centre des notaires spécialisés », ce qui ne pourrait que troubler l’image du notaire ! Quant à accepter l’axe de l’interprofessionnalité, cela reviendrait à se tirer une balle dans le pied !

 

Non merci MAM !

MAM est arrivée trop tard et cela se sent : « Ma responsabilité de garde des Sceaux est de préserver l’identité et la spécificité du notariat ». Le 28 janvier dernier, elle a toutefois sorti de ses cartons quelques propositions. On ne peut qu’applaudir à celle visant à mettre en place « un mécanisme de responsabilité conjointe » dans lequel « les associés répondent des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social ». Re-personnaliser la fonction, laisser s’effacer les structures sociales comme dans les autres pays, faire le nécessaire pour qu’elles n’atteignent pas des tailles déraisonnables, voilà un beau challenge ! En revanche, « non merci ! » à son souhait : • d’ouvrir « le capital des sociétés de notaires aux autres professions du droit ». Quelle horreur d’imaginer un soupçon d’influence économique ! ; • de « donner aux notaires les moyens de faire valoir leurs atouts ». Les notaires ne sont pas des camelots qui vantent leur marchandise, ils ne se piquent pas les clients et n’ont pas à se courber pour vivre, sinon leur probité en souffre. • d’ « adapter les pratiques de la profession et l’ouvrir à l’international ». Le notariat est une profession de proximité ! Elle n’a pas « des pratiques » ; elle ne « pratique » que la création d’actes authentiques au moyen des pouvoirs délégués par l’Etat. On ne saurait user de pouvoirs délégués là où le déléguant n’a pas de pouvoir. Un notaire français à l’étranger peut faire un travail de juriste ordinaire, pas de notaire ! • de donner « une plus grande liberté dans l’adoption du nom de la société ». MAM parle de la SCP comme d’une société commerciale, mais ce n’est pas une « superette » ! Dans d’autres pays, les études ont un numéro et on ne connaît pas le nom des titulaires. Les notaires parisiens ont l’élégance de ne pas afficher leur nom dans la rue. Cessez de nous assimiler aux avocats et aux commerçants ! Nous sommes différents et devons le rester pour accomplir notre mission. La force probante résulte de la probité de ceux qui la confèrent.