Par essence, la fonction notariale confine à l’individualisme ; face à sa responsabilité, le notaire officier public de plein exercice est toujours et désespérément seul…On m’objectera sans aucun doute la notion de « solidarité » si chère à notre profession, qui a vu naître une Caisse de Garantie, à laquelle tous nous contribuons pour indemniser les victimes d’une indélicatesse d’un des nôtres qui s’avèrerait in(suffisamment)solvable, mais à y bien regarder, on ne peut y voir la notion « caritative » qui voudrait que nous prêtions assistance à celui-ci, mais plutôt une coresponsabilité à l’égard desdites victimes…

Le notaire « Chargé d’Office Notarial » est seul.

Même associé, ce notaire reste seul.

Même bien secondé, parfois par des oxymores portant -par abus de langage- le même titre que lui, le notaire demeure seul.

Même en réseau, je persiste…Seul !

Nos fournisseurs, notamment -mais pas uniquement- en matière informatique l’ont bien compris, qui nous disent « Vous êtes le seul à demander ceci ou cela« , tandis qu’il suffit d’une conversation de couloir lors d’une AG ou du Congrès pour constater que nous sommes en réalité plutôt nombreux à être seuls…Donc, pas si seuls que ça ?! Eh bien si, quand même, nous sommes seuls en nombre :-)

Bien sûr, certains sont « plus seuls que d’autres », c’est notamment le cas des créateurs, lorsqu’ils débutent, et bien entendu de ceux qu’on a appelés successivement notaires isolés, tout petits offices, offices à accompagner, et qu’on n’appelle plus du tout, aujourd’hui, probablement de peur d’entendre leur réponse…

Faut-il pour autant les plaindre ? Certainement pas !

Arthur Schopenhauer  l’a bien dit : « on n’est libre qu’en étant seul », et pour être réellement et totalement notaire, il est presque indispensable d’être libre, et donc de savoir être seul !

Nous sommes probablement les seuls (eh oui, encore !) à ne jamais pouvoir nous départir de notre responsabilité en nous en déchargeant sur un autre…Le diagnostiqueur fait une erreur sur une addition?! Le notaire devait vérifier ! Les sites d’information officiels sont erronés ?! Le notaire devait croiser les informations ! Le client plaignant est lui-même notaire, avocat,  juge ou ministre et capable, à ce titre, de soulever les questions qui ont malencontreusement échappé au rédacteur ? La compétence avérée du client ne dispense pas le notaire de sa responsabilité personnelle !

Seul, vous dis-je !

Hélas, certains d’entre nous souffrent d’une terrible dépendance…Ils ne sont pas, ou ne se croient pas, capables de penser ni d’agir seuls, et pensent pouvoir s’abriter ou se valoriser en s’intégrant dans un groupe. Pour mieux s’intégrer, pour ne pas être exclus ou tenus à l’écart, ils acceptent alors de renoncer à leur autonomie et parfois même jusqu’à leur liberté…Certains nommeront ça « le consensus »*, d’autres « l’unité », d’autres se diront « légitimistes » sans se poser ne serait-ce qu’une seconde la question essentielle de la « légitimité »…

D’autres, inversement, défendront farouchement leur liberté, et seront qualifiés d’ « électrons libres », ou d’ « atypiques »…Ils sont plutôt rares, et pas forcément tous fréquentables, mais on met tous dans le même sac, espérant secrètement les jeter dans le fleuve de l’histoire, afin qu’ils s’y noient…

Beaucoup, du reste, rentrent dans le rang, épuisés, résignés, et bien peu persistent dans l’indépendance totale, mais bien qu’appartenant à un « collectif », ils restent fondamentalement seuls…Appartenir à un groupe, c’est parfois se couper de tous les autres ;  je le sais, je l’ai vécu, et le vis encore…Si c’était à refaire, je resterais sans aucun doute totalement seul, plutôt que de m’encarter en toute innocence dans tel ou tel groupe.

La situation est-elle pour autant désespérée ? Certes pas ! Dans le monde moderne, il est devenu possible d’être solitaire sans être réellement isolé, d’être en retrait sans être coupé du monde d’agir de façon autonome tout, en pouvant être instantanément bien entouré…

Bien sûr, il faut faire un premier pas, impossible de rester seul dans son coin en espérant le miracle !

C’est ainsi que la « Boite à idées » lancée sur le portail REAL avait pris un étonnant essor lors des « guerres macroniennes« …Elle enflait lentement, générant même des communautés d’action, jusqu’au jour où, sous l’étonnant prétexte d’un message qui « n’était pas Charlie« , il fut décidé de la supprimer, juste assez de temps pour que la nouvelle version, bien vite surnommée « Boite à censure à quatre voies » prenne le relais sans jamais rencontrer le succès…

Certains, parallèlement, se sont essayés aux réseaux sociaux « grand public » et s’y sentent parfaitement à l’aise, mais sont-ils bien compatibles avec l’exercice rigoureux de notre profession ?

Les « pages » les « groupes » se multiplient, ils grandissent – pour certains – de façon exponentielle sans véritable contrôle…On est à la fois très vite surchargé de notifications (et ce particulièrement en raison d’appartenances transversales à des groupes multiples auxquels la même info est adressée simultanément) et conscient du fait que la confidentialité n’est pas idéale…

Et puis, on peut aisément être « auditeur » mais il est plus difficile de devenir « émetteur », et parfois plus encore de le rester ! Un mot de travers, une expression interprétable, et vous voilà victime des « haters » (ceux qui détesteront toujours tout, quoiqu’il en soit) des trolls (ceux qui prennent un malin plaisir à perturber les échanges par des messages inutiles) et des « grosses oreilles poilues » qui ne sont là que pour rendre compte, sympathiques délateurs de grande tradition, et ainsi de suite…

Avec le temps, vient l’essoufflement, d’autant qu’il faudrait toujours suivre la masse qui passe progressivement d’un support à l’autre…Dispersion chronophage qui conduit à devoir répéter partout ce qu’on a à peine le temps de dire et à lire des dizaines de messages souvent redondants ou identiques…

Alors, on se renferme dans sa coquille en « notaire-l’hermite » ?! Surtout pas ! Quel gâchis !!!

L’unité ne fonctionne pas véritablement. OK.

Les réseaux privés sont trop « communautaristes ». Admettons.

Les réseaux sociaux sont trop « grand public ». Hélas…

N’y aurait-il pas un endroit où l’on peut à la fois se situer aisément dans la profession notariale, rechercher et trouver ceux qui partagent avec soi aspirations et centres d’intérêt, rencontrer des membres de la profession qui peuvent, et veulent bien travailler en commun et mutualiser leurs connaissances, leurs compétences, en étant certain que les échanges soient strictement entre professionnels du notariat, ou l’on se sente libre d’exposer sa pensée (dans la limite du tolérable) sans craindre autre chose qu’une démonstration étayée du fait qu’elle n’est pas totalement pertinente, où l’on ne soit pas « étiqueté » ni « catalogué » ni et encore moins « espionné » puisque tout se déroulerait cartes sur table, ou l’on pourrait faire appel à l’entraide, échanger sur des sujets complexes…Un endroit créé par des notaires, pour les professionnels du notariat, pas gratuit (lorsque c’est gratuit c’est vous le produit, ou bien vous avez payé très cher mais par d’autres voies !) mais abordable pour tous, fournissant a minima un service « qui le vaut bien »**, et qui peut même être une source de développement et plus étonnant encore, de rentabilité…

Vous n’y croyez pas ? Et pourtant, bien qu’encore très discret, ça existe…

Et si vous rejoigniez maintenant le projet HARMONIA ?! C’est à ce jour le meilleur moyen pour être seul « en même temps » que bien accompagné.

 

 

 

*Comme disait Armand ROTH dans son magnifique rapport de synthèse du Congrès 2013 du SNN sur la gouvernance.

** (parce que no R.E.AL :-) !)