Le dernier numéro de Notariat 2000 a traité du notaire idéal. Très bien. Mais n’est-ce pas trop facile de traiter uniquement un aspect du sujet ? Comme toute médaille a son revers, il semble important de se poser également la question de l’idéal du notaire.
Doit-on considérer le notaire idéal comme un concept, qui n’existerait qu’en pensée ? Doit-on le considérer comme parfait, incarnant l’accomplissement de l’idée même de notaire ? Bien difficile à dire, tant l’ « idée » de notaire semble varier d’un individu à l’autre… Dans l’impossibilité de définir (normaliser) le notaire idéal, il semble plus raisonnable de s’interroger sur l’idéal de son notaire. En choisissant cette profession, quel était, pour lui, l’objectif ? Quel modèle parfait entendait-il atteindre en commençant son exercice ?
Cet aspect, généralement ignoré, prend toute son importance depuis quelques semaines, alors qu’on se dirige vers une nomination horodatée de notaires « libres ». Bien sûr, il y a ce qu’on affiche publiquement, sorte de promesses électorales d’un impétrant sur la touche qui répétera à tous ceux qui pourraient lui ouvrir les portes du paradi$ (non, ce n’est pas une faute de frappe !) qu’il le fait dans l’intention de devenir enfin ce qu’aucun des infâmes notaires en place n’est (car ils sont tous « d’immondes cooptés résultats d’un malthusianisme d’ancien régime et qui refusent de partager le gâteau »). Jeunes filles et jeunes gens motivés, ils harcèlent littéralement les potentiels soutiens à leur cause qui se laissent attendrir, faute de vérification, faute de réelle connaissance de leurs interlocuteurs…
« Les pauvres petits, qui ont tant donné pour obtenir le diplôme » sont tenus à l’écart. Ils brûlent d’entreprendre, ils rêvent de rendre service, ils sont altrui$te$, dé$intére$$és (non, non, toujours pas une faute de frappe).
Et c’est par respect pour ceux qui y sont établis qu’ils n’envisagent généralement pas de s’installer dans des zones rurales, trop richement dotées en notaires, et où leurs immenses qualités seraient donc inutiles. « En plus ils ont l’âge de mes « chic-oufs » de petits-enfants, et je n’aimerais pas qu’un de mes petits-enfants ne puisse pas réaliser ses rêves » se dit leur libérateur. Et les « supernotaires » à venir en rajoutent avec l’appui désintéressé d’anciens combattants de l’antinotariat primaire, qui voient poindre avec eux une lueur d’espoir de revanche. On a même vu certain(e)s d’entre ces impétrants, parfaitement anonymes et donc à l’abri du reproche futur, se lancer dans l’art difficile de la « tirade-goudamimolette » sur réseaux sociaux :
« Moi futur chef d’entreprise notaire que je suis respecterai mes clients en ne les critiquant pas dès que la porte se ferme comme je l’ai trop vu« , « Moi futur chef d’entreprise notaire, je n’exploiterai pas mes employés. Respect sera le maître-mot et participation aussi ». De toute évidence, TOUS les notaires en place critiquent les clients en exploitant la main d’œuvre !
Les promesses, dit-on, n’engagent que ceux qui y croient… Pourtant, on voudrait y croire car si l’issue de la réforme semble s’éloigner de l’idéal au profit de l’I-Deal, cette réforme aurait pu avoir du bon ! À chaque bout de la chaîne, certains théoriciens du notariat s’affrontent en effet. Ceux qui rêvent, déjà, d’un notariat libéré de la contrainte du tarif et de la solidarité (et pourraient chanter avec Noir Désir « Moi je suis riche, très riche, j’suis dans l’immobilier, Je sais faire des affaires, y’en a qui peuvent payer, J’connais le tout Paris, et puis le reste aussi« ) et ceux qui ont, toujours, pour idéal la REALisation véritable du notariat selon l’ordonnancement de Ventôse…
Pour ressentir le notariat, peut-être vaut-il mieux ne pas en être issu, peut-être faut-il avoir été éduqué plus que formé. Peut-être faut-il y être entré par hasard et y rester par conviction. Peut-être faut-il avoir les yeux et l’esprit ouvert, peut-être… Après mûre réflexion, mon idéal de notariat, s’il inclut de toute évidence la notion de liberté, est décidément exclusif (pour l’activité notariale pure) de liberté totale tarifaire, comme de liberté totale d’installation. Dans l’enthousiasme de la mobilisation générale de septembre 2014, je l’avais défini ainsi :
« Être libre c’est choisir, soi-même, les chaînes que l’on accepte de porter,
C’est pourquoi la liberté orne, depuis 1870, le panonceau des notaires de France
Les notaires, eux-mêmes, l’avaient oublié, qui la baptisaient indûment « Marianne »
Certains, aujourd’hui, sous prétexte de liberté, veulent faire de vos droits un marché,
Les notaires et leurs collaborateurs s’y opposent, rejoignez leur combat !
Pour que vos droits restent assurés par des conventions claires, durables et garanties
Pour une Liberté choisie, une Fraternité préservée, une Egalité Authentique. »
Maintenant, conscience -tristement- prise, la cinquième ligne est devenue :
« Des notaires et des collaborateurs s’y opposent, rejoignez leur combat »
Et vous, quel est votre idéal ? Ne croyez pas, même si on vous l’affirme, que vous êtes seul à dire ou penser quelque chose…Vérifiez !
Didier Mathy
Les nouveaux notaires nommés selon les textes Macron ne deviendront t ils pas comme les autres une fois dans le sérail, c’est à dire « d’’immondes cooptés résultats d’un malthusianisme d’ancien régime et qui refusent de partager le gâteau « ??
Roooo…Me Kieken, comment osez-vous ? Les impétrants sont des anges, jamais ils n’auront une telle attitude…Ils le clament haut et fort !
A moins que ?!
Tiens, puisque la désertification rurale va s’accentuer, maintenons nos valeurs à travers la tradition populaire, et même si le texte de Ricet Barrier (La servante du Château) n’est pas exactement conforme au sujet, il peut tout autant s’y appliquer :
« Je sais qu’il a de bonnes façons
Mais comme disait Monsieur not’ curé
Chauffe un marron ça l’fait péter
Qui c’est qu’y a d’la moralité … c’est mouéééé. »
L’avenir nous le dira…