Mon sang de Gascon bout quant on fustige mes cousins anglais. La Gascogne fut leur alliée pendant trois siècles avant d’être envahie par les Français en 1451, Richard Cœur de Lion était Gascon, et nos idiomes et coutumes conservent encore beaucoup de liens (rugby, golf, tennis, chasse, pêche, etc). Mais qu’en est-il du droit anglo-saxon ? Est-il un frère ennemi ?
Le droit anglo-saxon est assez proche du nôtre. Il connaît l’usufruit et la nue-propriété, la responsabilité et la force majeure, la capacité, les parties et les tiers, les incompatibilités, la bonne foi. Il est même plus romain que le nôtre et pas du tout germanique ! Rome a administré l’Angleterre jusqu’au mur d’Hadrien, la Gascogne lui a donné un Roi, mais la France et l’Allemagne n’ont toujours pas réussi à l’envahir ! Le législateur anglais n’est donc ni un mécréant (au contraire il se réfère à Dieu bien souvent !), ni un ignare (il connaît les précédents antiques et use à bon escient des maximes latines) ! Sir Walter Scott, greffier de la Cour suprême écossaise et juge d’appel du comté de Selkirk, commente longuement les mérites respectifs de la Common Law et du Code civil. Il conclut que notre Code n’est pas assez romain et sent trop le terroir (germano-franc) ! Par sa pondération règlementaire, la Common Law est comme le droit romain transportable et transposable sans trop offenser les coutumes locales. En témoignent les succès culturels-coloniaux des Anglais dont les ex-dépendances ont conservé langue et institutions. En fait, pour indiquer le « bon droit », le « bon sens » n’a qu’une patrie : « la Raison ».
Firmes juridiques et notariat
Lors de l’analyse d’un droit, le juriste examine l’histoire de la réglementation. Il compare les traitements des autres systèmes juridiques, puis s’interroge sur les effets pervers. Hélas, la plupart du temps, la France impose sa vision sans ces réflexions. Pourquoi nos gouvernants croient-ils que le droit anglo-saxon se taille « des parts de marché » ? Le droit aurait il une âme ? C’est la cupidité des juristes du monde anglo-saxon qui génère leur attitude conquérante ! Les juristes français sont-ils moins cupides ? Sans remonter à Cromwell, au XIXe siècle, l’organisation d’un cabinet de juriste est très identique des deux côtés de l’atlantique et de la Manche. Lisez « BARTELBY Le notaire de Wall Street » d’Herman Melville : vous retrouverez des images identiques à celles décrites par Balzac. La mondialisation a développé les difficultés juridiques et ouvert la voie à une standardisation du rôle du juriste. Le service du juriste est devenu un produit, les assureurs ont commencé à employer des avocats avec le contrat de « protection juridique » et, aujourd’hui, les firmes juridiques appartiennent à la finance. Ces « firmes » ont déjà infecté la vieille Europe, la France veut accélérer le mouvement et leur « offrir le notariat ».
Acte d’avocat
Pour masquer cette « forfaiture », on met en exergue la création de l’acte d’avocat. En quelques mois, tout le monde se fâche, puis se réconcilie et s’embrasse pendant que dans l’ombre on a mis en place la vente du notariat à la Finance ! Le problème n’est donc pas le droit anglo-saxon, présenté à tort comme un épouvantail. C’est la mentalité de ses praticiens actuels, cette mentalité affairiste et financière que nous avons déjà incorporée inconsciemment. Le poison coule depuis longtemps dans nos veines, clercs habilités, notaires salariés, sociétés de capitaux, réseaux, résidence fictive, abus du concours et des participations, conflits de compétence, publicité… Autant de pratiques d’entrepreneurs que refusent nos confrères européens et qui nous éloignent toujours plus du statut d’officier public. Le tournant se prend aujourd’hui : soit nous acceptons la cession à la Finance et nous ne serons plus jamais indépendants, la France sera un pays de plus à se passer de l’authenticité des actes publics notariés (comme au Québec où le statut du notaire s’est dégradé) ; soit la profession se scinde comme celle des Commissaires Priseurs pour évacuer les « marchands » du statut car comment peut-on prétendre à l’impartialité entre le loup et l’agneau lorsqu’on est soi-même un loup ?