L’acte d’avocat est voté depuis le 17 mars ! Fin des illusions ! À trop jouer avec le feu, à ne pas avoir su se tirer des pattes du fric, les notaires ont été confondus avec les avocats…

 

L’acte d’avocat qui vient d’être promotionné par l’ensemble des députés libéraux (UMP/PS) existait déjà de fait depuis des lustres. Il suffit de consulter la jurisprudence pour constater combien les juges accordaient d’importance à l’intervention d’un tiers conseil aux actes. Et quand on sait que les notaires, qui « se gaussent » d’authenticité, reçoivent des actes sur la base de procurations sous-seing privées, certifiées par des employés municipaux, on se demande bien pourquoi la signature d’un avocat n’ajouterait rien à un sous-seing privé ! Cette reconnaissance légale n’empêchera pas les experts-comptables de continuer leur « clonage » des juristes, clonage que les juges ne pourront pas plus ignorer qu’avant. Peu nombreux en politique, les comptables n’ont pas été associés à la « promo ».

 

Convergence européenne

Les notaires n’auraient pas trop souffert s’ils ne s’étaient pas exagérément développés au-delà de leur domaine historique. C’est le « domaine libre » qui va être touché et qu’il va falloir défendre ou accepter de perdre. La France détient le record d’Europe du nombre de notaires par habitant :14 pour 100 000 habitants contre 10 en Allemagne par exemple ! C’est également le seul pays européen à avoir dégradé l’image du notaire « officier public » par un statut dérivant vers la déréglementation. Partout ailleurs en Europe, on ne connaît ni notaire salarié, ni clerc habilité et personne n’envisage des associations à plus de 2 notaires. La France, non contente d’avoir mis en place des « offices mammouth », s’embarque aussi dans l’interprofessionnalité ! Comment va-t-on gérer la « convergence européenne » ? Où allons-nous « converger » avec les Anglais ? Le couple franco-allemand est pris en flagrant délit d’adultère !

 

Quelle mouche a donc piqué nos dirigeants ?

Il y a des fonctions publiques qui ne s’accommodent pas de la privatisation ; elles sont liées à la confiance, à la probité, à la protection de la population (en particulier celle des plus faibles). La défense, la police et la justice sont de celles-là. Le notaire est un auxiliaire particulier de la justice : il crée des droits, mais aussi des preuves qu’il conserve et restitue sans contestation possible. Il assure à la société qu’il ne prête pas son service et qu’il n’use pas de ses pouvoirs pour créer des situations irrégulières puisqu’il exerce un contrôle strict de la légalité. Demain, qu’il soit salarié ou associé, il sera soumis aux pressions de l’argent, « son patron » ! Comment pourra-t-il conserver son caractère d’officier public ?

 

Incompatibilités et conflits

Les incompatibilités sont érigées pour prévenir les conflits. Les négliger, c’est provoquer. Ces principes sont justement décrits dans « Route Irish », l’excellent film de Ken Loach, qui est actuellement à l’affiche. Sans discours politique, il permet au spectateur de comprendre ce qu’est une armée privatisée, à quoi riment l’envie et la voracité ! La violence ne doit pas être privée, la force exécutoire et la force probante sont, par nature, d’ordre public. La privatisation n’est jamais innocente, mais elle devient hérétique et barbare lorsqu’elle crée du conflit et de l’injustice. La liberté d’exploiter ne doit pas écraser la liberté de ne pas être exploité ! L’histoire est aujourd’hui en mouvement. Le monde consumériste ne réclame plus de la liberté, mais de la régulation ! Pourquoi se séparer de l’impartialité, de l’autorité régulatrice du notaire pour le ramener à un simple rôle d’ »avocat mercenaire des intérêts privés de son client » ? Alors qu’on réduit leur domaine d’activité, pourquoi multiplier le nombre des notaires et les contraindre à une rude concurrence qui ne favorise pas la moralité ? On ne peut plus penser comme hier. Le rapport Attali parlait de « desserrer les freins qui bloquent l’économie », Darrois a suivi ces propos de « vieux croûton en délire de jeunisme »… Nous sentons pourtant tous venir la décélération. La croissance détruit la planète en épuisant ses ressources limitées. Quel gâchis !