Le Conseil des Notariats de l’Union européenne (CNUE) a adopté un code européen de déontologie notariale à Madrid les 22 et 23 mars 1990. Il a été révisé le 11 décembre 2009, soit près de 20 ans plus tard (1). Ce Code concerne tous les notaires de l’Union européenne. Pourtant, peu d’entre eux en ont connaissance et encore moins s’y réfèrent. Arrêt sur image avec Olivier Jamar, notaire en Belgique.

 

Notariat 2000 : Les notaires européens peuvent-ils encore faire l’économie de se référer au Code européen de déontologie notariale ?

Olivier Jamar : Plus aujourd’hui car les personnes (et les biens) circulent de plus en plus au sein de l’espace européen de justice. Cela les conduit à faire authentifier des actes dont les effets n’ont pas seulement une portée juridique dans l’Etat où ils sont reçus, mais aussi dans les Etats de l’Union avec lesquels ces personnes ont un lien de rattachement. Or, compte-tenu de leur complexité, il est souvent difficile de bien maîtriser ces différents systèmes juridiques. Par exemple, l’acquisition d’un immeuble en France, dans le cadre d’une SCI, a pour effet de soumettre ses parts sociales, en cas de décès de ses titulaires, aux règles de la dévolution successorale applicables en Belgique si les titulaires étaient domiciliés, au moment du décès, dans ce pays. En revanche, si l’immeuble a été acquis sans l’intermédiaire d’une SCI, les règles de la dévolution successorale pour cet immeuble seront celles applicables à la France.

 

Notariat 2000 : Le projet de règlement européen sur les successions a reçu le soutien des notariats de l’Union européenne. Quelles seront les conséquences dans la pratique quotidienne des notaires si ce projet devient réalité ?

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Olivier Jamar : Si ce projet est consacré par les instances européennes, les citoyens de l’Union européenne seront autorisés, dans certaines limites, à choisir le droit applicable à la succession. Nous serons alors tenus d’appliquer à ces successions, ouvertes dans l’Etat où nous exerçons notre activité, le droit applicable dans un autre Etat. Certes, nous pourrons nous référer, dans ce cas, au Cridon ou au Centre notarial de droit européen qui vient de voir le jour à Lyon (2), pour tenter de régler une succession ou pour conseiller les clients qui s’adressent à nos offices au moment d’acquérir un immeuble… A moins qu’entre temps, nos clients se soient adressés à des cabinets d’avocats spécialisés en droit international pour régler leur problème, sans notre intervention ou avec une intervention marginale de notre part. Nous pouvons aussi envisager de collaborer avec un notaire d’un autre Etat de l’Union. Grâce à sa parfaite maîtrise du droit applicable à la succession, nous pourrons répondre, avec plus d’efficacité et davantage de rapidité, à la demande du client. Et pourquoi pas, créer avec lui des liens de confraternité semblables à ceux que nous nouons avec les confrères de notre propre pays quand nous nous trouvons en concours pour le règlement d’un dossier à la demande de nos clients respectifs ?!

 

Notariat 2000 : Qu’impliquerait une telle collaboration ?

Olivier Jamar : Le respect de règles déontologiques communes dont le code européen de déontologie notariale est le fondement ! A cet égard, l’article 3.1.5. de ce code stipule que « Le notaire qui assiste son client à l’étranger doit avertir son confrère territorialement compétent le plus tôt possible de son intervention et convenir avec lui des modalités de leur coopération. Le notaire national transmet en temps utile au notaire étranger tous les éléments nécessaires à celui-ci pour remplir sa mission de conseil. Il lui réserve l’accueil dû à un confrère ». Le code européen de déontologie notariale a trop souvent été présenté, par les représentants des notariats de l’Union européenne et par le CNUE lui-même, comme un outil de promotion de chacun des notariats de l’Union européenne vis-à-vis des autorités européennes. Il est avant tout un outil de promotion et d’intensification de la coopération entre notaires européens au service de leur client. Car, ne nous trompons pas, c’est « la diversification des opérations juridiques et la fréquence sans cesse accrue d’éléments d’extranéité dans leurs actes (qui) ont conduit les notaires d’Europe à examiner les modalités de leur collaboration en vue de garantir aux citoyens et aux entreprises, assistance et conseil dans les opérations transfrontalières ».

 

1 – Chacun peut en prendre connaissance sur le site :http//www.cnue.eu. 2 – Cf interview de Denis-Pierre Simon, notaire à Lyon, président de l’ACENODE, pages 32 et 33.