Le mois de mai est traditionnellement celui des assemblées générales de notaires auxquelles chacun est chaleureusement convié… à peine de sanction. Nous sommes également invités à présenter notre candidature à l’élection des membres du bureau de la chambre. Et pourquoi pas, histoire de faire évoluer les choses, au poste de président ? Programme de campagne…

 

Quelques jours de réflexion m’ont été nécessaires pour rédiger ma lettre de candidature et exposer quelques idées directrices pour la justifier. Voici les grandes lignes de mon programme :

 

• Cession déléguée

Exercer le métier de notaire n’est pas toujours simple, mais devenir notaire relève parfois du parcours du combattant : outre le faible nombre de cédants, l’information officielle est quasi nulle sur les études à céder, la négociation impossible et les sollicitations sur le montant de l’apport personnel trop insistantes pour être totalement dénuées d’arrières pensées. Les instances professionnelles, par le biais de la commission d’accès, vérifient déjà les aptitudes du candidat et les conditions financières de la cession. Pourquoi ne maîtriseraient-elles pas également l’ensemble du processus ? Le cédant serait ainsi cantonné à la seule signature du traité de cession, après agrément du candidat par ses éventuels associés. La neutralité est gage de sécurité ; nos clients en bénéficient, pourquoi pas nous ?

 

• Suppression de l’accès censitaire

A l’image du suffrage censitaire, l’accès à la profession ne doit pas être réservé exclusivement aux plus favorisés. L’apport personnel permet d’éviter les dérives si, d’aventure, le notaire en exercice ne peut faire face à ses charges financières. Or, les notaires ont très lourdement subi la crise de 2009 (cessation de paiement pour certaines études). Pour autant, les notaires en difficultés n’ont pas cédé au chant des sirènes. La probité ne se mesure pas à l’aune de son compte en banque. D’ailleurs, une lecture transversale de la presse laisse parfois supposer le contraire.

 

• Tutorat

Lors d’une cession de fonds de commerce, les parties s’entendent et organisent dans l’acte, sur les conseils du notaire rédacteur, les conditions de la transition permettant ainsi au cessionnaire une entrée en jouissance en douceur. La profession compte, en son sein, une multitude de notaires honoraires susceptibles de transmettre aux jeunes notaires une partie de leur expérience, si d’aventure le cédant était défaillant sur ce point, volontairement ou pas. La solidarité des notaires doit dépasser le cadre financier car on ne nait pas notaire, on le devient.

 

• Discipline

Les juristes que nous sommes, bien que spécialisés en droit privé, ne peuvent sérieusement s’accommoder de l’organisation actuelle en la matière. Le principe selon lequel « nul ne peut être juge et partie » fait forcément écho en chacun de nous. Les clients sollicitent, de notre part, une transparence totale que nous sommes incapables de nous appliquer. Nos concurrents, bien que logés à la même enseigne, ne se privent pas d’exploiter les petits arrangements entre amis que la profession ne connaît que trop. Notre crainte de voir des « non notaires » venir nous faire la leçon est non seulement dépassée, mais surtout contre productive. L’opacité est source de méfiance, elle jette le discrédit sur notre probité. Nous devons nous réformer sans plus attendre.

Ma prose fut ainsi transmise à mon Président de Chambre. Quelques jours ont passé avant que ce dernier m’appelle à l’étude. Tout à ma joie de voir ma candidature retenue et mes idées partagées, je n’ai pas prêté attention au regard interloqué de ma standardiste qui me faisait signe pour que je décroche le poste à côté duquel je me trouvais. La conversation fut brève. Le ton sans appel. En raccrochant, j’ai eu la vague impression d’avoir à nouveau 14 ans, j’ai cherché mon scooter du coin de l’œil… mais je n’ai aperçu qu’une Marianne sur un panonceau doré.